Depuis 2005, date des évènements dramatiques de Sebta et Melillia, le Maroc a adopté des mesures restrictives en matière de contrôle migratoire. C'est à partir de cette date également que les rafles et les expulsions des migrants dans plusieurs villes du Royaume, se sont intensifiées dans des conditions largement dénoncées par les organisations humanitaires. Le Maroc n'est pas seul responsable de ce drame mais le plus important reste de trouver des solutions.
Depuis le 28 décembre, des rafles “au faciès” frappent une nouvelle fois les migrants subsahariens résidents au Maroc, indique le communiqué d'un collectif regroupant 16 organisations de migrants et des organisations marocaines solidaires. De Rabat à Tanger en passant par Casablanca, Fès ou encore Oujda, “des centaines de migrants ont été arrêtés dans la rue sans avoir commis le moindre délit; parmi eux des femmes et des mineurs”, dénoncent-elles.
“Après un passage au commissariat, d’où certains ont pu sortir après présentation d’un passeport ou d’une carte consulaire, ils ont connu le procédé désormais devenu habituel de l’expulsion vers les frontières algériennes par Oujda, sans qu’ils aient été présentés devant un juge et aient pu défendre leur situation”, poursuit le communiqué.
“Entre le 19 août et le 10 septembre 2010, dans de nombreuses villes, les forces de l’ordre marocaines ont à plusieurs reprises, fait irruption dans les campements en ayant recours à des bulldozers, voire même à des hélicoptères comme à Nador, détruisant les tentes et les habitations des migrants”, rapporte sur son site l'ONG Médecins sans frontières (MSF).
Selon les estimations de MSF, au cours de ces rafles, 600 à 700 migrants ont été arrêtés et emmenés à la frontière algérienne. “On les a ensuite abandonnés à leur sort sans eau ni nourriture. Parmi eux, il y avait des femmes avec des enfants, des femmes enceintes et des personnes souffrant de blessures liées directement ou indirectement aux rafles ou souffrant de problèmes de santé. Ils n’ont eu d’autre choix que de retourner à pied à Oujda ou de tenter de passer la frontière algérienne”, écrit l'ONG.
Pas plus tard que lundi dernier, une nouvelle vague de rafles a eu lieu à Rabat cette fois, nous confie dans un entretien téléphonique, Lucile Daumas, membre de l'organisation ATTAC Maroc et du Réseau euro-africain sur l'immigration, qui suit de près ce dossier.
C'est que depuis 2005, date des évènements dramatiques de Sebta et Melilla qui avaient fait plus d'une dizaine de morts, des centaines de blessés et autant de déportés dans le désert qui seront par la suite expulsés, le Maroc -tout comme d'autres pays africains d'ailleurs-, a fini par adopter des mesures restrictives en matière de contrôle migratoire.
Le Maroc en tenaille entre les “frères” africains et l'UE
“Ce qui est déplorable dans cette histoire, c'est qu'il ne s'agit nullement d'une politique marocaine propre; cette une politique d'immigration dictée et imposée par l'Union Européenne à coup de fortes pressions pour que le Maroc signe un accord de réadmission global avec l'UE”, déplore Lucile Daumas.
Au lendemain des évènements de Sebta et Melilla, le Maroc est passé aux yeux des pays africains “frères”, comme étant devenu le “gendarme de l'Europe”, s'attirant les foudres de certains médias subsahariens.
Le Maroc pris en tenaille entre les “frères” subsahariens et l'UE, c'est le moins que l'on puisse dire! À l'époque, le quotidien national L’Économiste avait même évoqué dans un éditorial “la plus sale affaire que la diplomatie marocaine affronte”.
Hier nous avons tenté de joindre un responsable au sein du ministère de l'Intérieur pour de plus amples informations sur cette question migratoire hautement sensible, nos questions sont restées en suspens... Éternels obstacles administratifs!
Des délégations subsahariennes passives
Si les ONG dénoncent l'attitude marocaine, elles considèrent cependant comme principal coupable de cette situation l'UE surtout, mais aussi toutes ces délégations subsahariennes installées au Maroc qui restent passives face au sort réservé à leurs concitoyens.
“Nous sommes constamment en confrontation avec les ambassades des pays concernés parce qu'elles n'assurent pas leur rôle de défense de l'intégrité, de sécurité et de bien-être de leurs concitoyens”, raconte Fabien Yene.
“Durant le trajet, il arrive que des migrants égarent leurs pièces d'identité et ça devient un autre combat pour faire comprendre aux représentants des ambassades et consulats qu'untel est effectivement membre d'une telle communauté et d'ailleurs, souvent, ils n'essayent même pas de chercher”, poursuit-il.
Où se trouvent les solutions?
Les ONG exigent l'arrêt immédiat de la chasse au faciès et la garantie de la sécurité des immigrés dans leurs lieux de résidence, la délivrance de cartes de séjour à tous les migrants dès lors qu'ils sont possesseurs de carte de réfugiés, ou en mesure de garantir leurs moyens de subsistance.
Elles exigent également que les ambassades des pays concernés assurent leur rôle.
Ce qu'elles proposent? “Qu'un véritable débat soit lancé pour permettre au Maroc et aux autres pays africains de définir leur propre vision et leur propre politique concernant les migrations et de refuser le diktat des politiques des gouvernements de l’Union européenne”.
Mais plus encore, ne faudrait-il pas revenir à la source du problème? C'est-à-dire que les dirigeants africains puissent assurer un minimum de stabilité politique et des conditions socio-économiques décentes et viables à leurs citoyens?
Dimanche 16 janvier sera la Journée mondiale du migrant et du réfugié (troisième du genre dans l'année), l'occasion peut-être pour nos autorités de revoir leur copie en matière de politique migratoire et surtout de restituer à ces centaines de personnes, leurs droits les plus élémentaires.
14/1/1211
Source : Aufait