La cour d'appel de Douai a examiné hier (mardi 25 janvier) le dossier des anciens mineurs marocains qui se battent depuis 2005 pour obtenir la fin d'un traitement discriminant.
Les anciens mineurs marocains ont assisté hier après-midi à une nouvelle bataille d'avocats. À leur droite, Me Jung, avocat de l'ANGDM, Association nationale de garantie des droits des mineurs (1). À leur gauche, leur propre avocate, Me Bleitrach, qui les accompagne depuis plus de quatre ans dans leur combat. L'objet du litige ? La question du rachat de leurs avantages en nature. À l'heure de la liquidation des Houillères, les mineurs français et ressortissants de l'union européenne avaient eu la possibilité de racheter leurs avantages en nature, c'est-à-dire de convertir les avantages liés au logement et au chauffage en un capital, versé en une fois. Les mineurs d'origine marocaine, eux, n'avaient pas eu ce droit. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) a estimé, en 2006, qu'il s'agissait bien d'une discrimination. Trois ans plus tard, nouvelle victoire devant le conseil de prud'hommes de Douai : l'ANGDM est condamnée à verser 40 000 E à chacun des mineurs. Mais l'affaire n'en reste pas là l'ANGDM fait appel.
Hier, Me Jung a contesté la réalité du préjudice subi par les mineurs marocains. « Ils ont toujours reçu les indemnités liées au chauffage et au logement. On ne peut pas capitaliser une somme qui a déjà été versée. Ou alors, il faudra déduire le montant des indemnités versées.
» Selon Me Jung, « il n'est pas certain que leur patrimoine se soit appauvri du fait de l'empêchement du rachat de logement ».
L'argumentaire n'a pas convaincu Me Bleitrach. « En 2009, l'ANGDM leur a fait des propositions de rachat en nature : elle accordait 14 000 E par personne. Vous croyez qu'ils peuvent racheter leur maison avec 14 000 E ? C'était à l'époque qu'ils auraient dû pouvoir les racheter. Lors de la liquidation des Houillères, les maisons des mines étaient bradées 80 000 francs. Aujourd'hui, la même maison vaut 120 voire 130 000 E. C'est là qu'il y a eu une perte, qu'ils ont été discriminés. Ils ont perdu un patrimoine. » M e Tilly, au nom de la Halde, s'est dit lui aussi convaincu que les mineurs marocains ont été lésés. « Toute personne victime de discrimination a droit à une réparation juste et adéquate de son préjudice. Dans ce dossier, la discrimination a été reconnue par tous : la HALDE, et l'ANGDM elle-même. » Les plaidoiries des avocats achevées, Abdellah Samate a demandé la parole. Le président de l'association régionale des anciens mineurs marocains tenait à raconter son parcours, semblable à celui de ses camarades, Bachar, Adardour, Erraïs... Des hommes qui partagent la fierté d'avoir bien travaillé pour l'économie française... et le sentiment d'avoir été exclus d'un certain système, celui des Houillères. « Il faut que les gens comprennent que les temps changent, que le monde change, confiait Abdellah Samate à la sortie de l'audience. On doit en finir avec les discriminations et les inégalités ». La cour d'appel de Douai rendra son jugement le 31 mars. •
26.01.2011, ANNE-LISE TENEUL
Source: La Voix du Nord