Résider en Espagne en tant que Marocain devient de plus en plus difficile par les temps qui courent. Avec un taux de chômage élevé, ce pays, à l'instar d'autres contrées de l'Europe, touchées par la crise économique mondiale, peine à créer plus d'emplois. Pour les Marocains résidant dans ce pays, c'est une question de survie.
Ils se battent chaque jour pour trouver un emploi décent capable de les tirer de la misère. «Ici, les Marocains vivent dans des situations lamentables, surtout ceux qui sont en chômage», a confié au Matin un jeune chauffeur dans une société de transport. Et pour cause, la pension faisant office d'indemnités de chômage ne dépasse pas 450 euros alors que le loyer d'un appartement démarre à partir de 500 euros. Même un couple, avec un revenu de 900 euros, n'arrive pas à joindre les deux bouts, témoigne un MRE. «Actuellement, on voit de plus en plus de couples partager le même appartement pour pouvoir économiser un peu d'argent, ce qui crée beaucoup de désagréments», a affirmé Abdelaziz. Ce dernier a même souligné que s'il avait le choix, il serait parti dans un autre pays de l'UE pour chercher un travail mieux payé et s'y installer en attendant des jours meilleurs. «Cela fait quinze ans que je suis ici et je n'ai pas pu avoir la nationalité. Pour le moment, j'ai une carte de séjour et je dois pointer chaque trois mois au département du travail, sinon je perds mes droits».
Un autre jeune Tangérois nous a déclaré que beaucoup de Marocains ont préféré quitter l'Espagne et revenir au Royaume, en attendant un revirement de situation. «J'en connais beaucoup qui travaillent actuellement au Maroc en tant que chauffeurs de taxis ou qui ont monté des petits commerces ou encore qui ont laissé leur femme et leurs enfants au Royaume et sont rentrés en Espagne seuls pour faire des économies». «Suite à la crise, j'ai du vendre ma maison et je suis parti habiter en Belgique où il reste encore des opportunités à saisir», avance Mohamed, un autre MRE.
Pour ceux (les plus chanceux), qui ont un boulot en Espagne, ils font tout pour pouvoir le garder. Ce sont surtout les plus jeunes qui souffrent de cette situation. «Si je n'avais pas d'emploi, j'aurais suivi le conseil de ma femme qui m'a suggéré de nous installer à Bilbao, à coté de sa famille, où l'allocation chômage est plus élevée qu'à Madrid», a affirmé Abdelaziz. Il nous a confié que c'est une carte qu'il pourra jouer au cas où il perdrait son boulot, chose qu'il n'espère pas.
Ces angoisses et soucis quotidiens, dont nous ont fait part, les MRE rencontrés par Le Matin lors d'un récent voyage de presse en Espagne, ne sont qu'une petite part des déceptions des Marocains qui sont partis en Espagne à la recherche de l'Eldorado. Qu'elle fut grande leur déception dès lors qu'ils ont pu avoir le permis de travail pour pouvoir exercer légalement et qu'ils se sont rendus compte que la course pour garder ce boulot, quel qu'il soit, est longue et rude pour éviter de retourner à la case départ.
Ces difficultés sont corroborées par une étude publiée à Madrid le 20 janvier dernier sur "l'impact de la crise économique sur les immigrés marocains en Espagne", élaborée pour le compte de la Fondation "Casa Arabe" par le collectif "Ioé". Selon ce rapport, le problème du chômage se fait particulièrement ressentir chez les immigrés marocains avec une perte de 26% des postes d'emploi occupés par ce collectif entre 2007 et 2010. Les plus touchés sont les jeunes âgés de moins de 25 ans avec presque deux tiers des jeunes actifs (62,5%) sans emploi, souligne ce rapport qui relève également que ce taux a atteint 40% chez les immigrés âgés de 40 ans et plus, ce qui devient particulièrement préoccupant vu la détérioration des conditions de vie de la diaspora marocaine en Espagne que Le Matin a constatée sur place.
Certes, le chômage concerne tous les travailleurs mais les immigrés, qui représentent 16% de la population active, sont les plus affectés avec un taux de chômage de 28% contre près de 16% chez la population active autochtone, souligne le rapport. A noter que la situation en Espagne est très difficile. Ce pays affiche un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne dans l'Union européenne et le ministre du Travail ibérique avait prévenu en septembre qu'il faudrait "trois ou quatre ans pour revenir à un taux d'avant la crise". D'après l'AFP, le gouvernement a récemment revu à la hausse sa prévision pour 2011, tablant désormais sur 19,3%, contre 18,9% auparavant. Il attend 17,5% en 2012 et 16,2% en 2013.
Deux chiffres restent inquiétants: le chômage des moins de 25 ans, qui dépasse encore les 40%, et le nombre de foyers dont aucun membre n'a un emploi, qui atteint 1,3 million. De son côté, la Banque d'Espagne avait annoncé que "l'emploi ne montre toujours pas de signes de reprise, même si on observe une baisse très prononcée des taux de destruction d'emploi sur un an". Finalement, vu ces prévisions pessimistes, les Marocains résidant en Espagne ne sont pas encore sortis de l'auberge.
Plus d'un Espagnol sur cinq au chômage
Le chômage est reparti à la hausse en Espagne, atteignant à fin 2010 un taux de 20,33%, son plus haut niveau depuis le deuxième trimestre 1997 et un record dans l'Union européenne, selon les chiffres publiés, le 31 janvier dernier, par l'Institut national de la statistique (Ine) cités par l'AFP.
Le taux de chômage n'aura donc finalement baissé que sur un seul trimestre, le troisième, au cours de l'année 2010, repassant brièvement sous la barre symbolique des 20% (19,79%) qu'il avait franchie en début d'année. Il dépasse en fin d'année l'objectif de 19,4% que s'était fixé le gouvernement socialiste, et retrouve un niveau record, jamais atteint depuis le deuxième trimestre 1997 (20,72%). Le nombre de sans emploi était à fin 2010 de 4,69 millions, soit 121.900 personnes de plus qu'au trimestre précédent et 370.100 de plus qu'un an plus tôt, selon l'Ine.
L'augmentation du chômage n'a quasiment pas cessé depuis l'été 2007, quand il avait atteint un plancher historique à 7,95%. Frappée par la crise et l'éclatement de sa bulle immobilière, l'Espagne est entrée en récession fin 2008 et n'en sort aujourd'hui que timidement.
3/2/2011, Nadia Dref
Source : Le Matin