Les participants au Forum social mondial ont adopté vendredi 4 février une charte réclamant la liberté de circulation et d’installation des migrants, et l’obtention de droits civiques
À Dakar, dimanche. Organisé pour la seconde fois en Afrique, ce 11e Forum social mondial est l’occasion pour les représentants des migrants du monde entier de mettre la question de la libre circulation au cœur des discussions. (AP Photo/Rebecca Blackwell)
Dans une joyeuse pagaille, des milliers d’altermondialistes venus d’Amérique latine, d’Afrique, d’Asie et d’Europe ont convergé vers la capitale sénégalaise avec pour mot d’ordre : « Un autre monde est possible. »
Cette année, le Forum social mondial (FSM) planche tout particulièrement sur les migrations internationales, au cœur des débats d’un grand nombre d’organisations comme le Secours catholique, Caritas ou le CCFD-Terre solidaire. Un thème qui concerne au premier chef les populations des pays africains.
La manifestation la plus spectaculaire de ce débat a été vendredi 4 février l’adoption, sur l’île de Gorée, lieu symbolique de la traite négrière, de la mouture finale de la Charte mondiale des migrants, qui réclame la liberté de circulation et d’installation des migrants, ainsi que l’obtention pour ces derniers de droits civiques.
La décision de sa rédaction avait été prise après la rébellion, en 2006, d’un sans-papiers à Marseille. Son originalité est que plusieurs milliers de migrants ont contribué à la rédiger dans des Forums organisés sur quatre continents.
L’émigration est un droit humain
Pour l’un de ses responsables, Jelloul Ben Hamida, si la libre circulation des marchandises et des capitaux est admise internationalement, il en va autrement de la libre circulation des hommes : « Les pays européens n’ont de cesse de nous refouler ou bien ils font jouer le rôle de gendarmes aux pays africains pour protéger leurs frontières. Il est temps que nous prenions nos destins en main. »
La quarantaine, Alpha est un député suisse originaire d’Afrique. « Mes enfants m’ont dit : “Au lieu d’essayer de faire passer des lois à Genève qui ne seront jamais promulguées, pourquoi ne vas-tu pas plutôt à Dakar pour rencontrer d’autres migrants afin de créer une chaîne de solidarité jusqu’en Chine ?” C’est ce que j’ai fait. »
À l’université Cheikh Anta Diop, épicentre du rassemblement altermondialiste, nombre d’anciens migrants « subsahariens », certains refoulés à plusieurs reprises des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc, répètent avec force que l’émigration est un droit humain.
« Je trouve utopique de vouloir donner des droits civiques aux migrants s’ils ne veulent pas adopter la nationalité du pays dans lequel ils résident. À notre grande honte, la simple liberté de circuler ou de s’installer n’est pas respectée en Afrique », souligne Sœur Marie Ndiaye, de la confrérie de l’Immaculée Conception à Dakar.
La solution à ce drame se trouve d’abord en Afrique
Pour Cheikh Diop, président de l’association Sideb (Solidarité et développement de base), la solution à ce drame se trouve d’abord en Afrique. « Nous travaillons avec les immigrés clandestins rapatriés, parce que ce sont eux qui ont le plus pâti des politiques restrictives d’immigration », commente-t-il.
À M’Bour (40 km au sud-est de Dakar) beaucoup de jeunes sont partis ou sont morts sur les pirogues en essayant d’atteindre l’Europe par l’Espagne.
« La plupart de ces candidats à la migration n’ont pas de qualification. Il faut les aider à développer des activités sur place ou à mieux se former avant de demander un visa. » Vice-président du GIE des migrants de M’Bour, Assane Mané affirme qu’il ne veut plus repartir en Europe sans visa « sauf pour les vacances ».
Avec l’aide du CCFD, il exploite depuis un an cinq pirogues motorisées permettant de faire travailler une soixantaine de jeunes pêcheurs.
8/2/2011
Source : La croix