Une fois de plus, avec le projet de loi sur l'immigration qu'ils ont voté jeudi en première lecture, les sénateurs ont fait de la résistance en adoptant une version largement édulcorée par rapport au projet initial et au texte voté en octobre dernier par les députés.
Les sénateurs ont en effet retoqué les deux mesures-phare du texte, l'extension de la déchéance de nationalité aux meurtriers de représentants de l'autorité publique ainsi que la réforme du contentieux judiciaire pour l'expulsion des sans-papiers.
Le texte, voté à main levée, sera de nouveau examiné pour une seconde lecture par l'Assemblée le 8 mars. Même si de nombreux députés de la majorité avaient eu quelques états d'âme devant les aspects les plus sécuritaires du texte, les mesures-phare du projet initial devraient cependant être rétablies.
Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, qui défendait le texte, a d'ailleurs rappelé jeudi que la Constitution donnait le dernier mot aux députés.
Symbolique du discours de Grenoble, l'extension de déchéance de nationalité vise les personnes qui, dans un délai de 10 ans suivant leur accession à la nationalité, ont été condamnées pour meurtre ou violences contre une personne "dépositaire de l'autorité publique".
La mesure avait été incluse à l'automne dans le projet sur l'immigration préparé par le ministre de l'époque Eric Besson, au grand dam des associations de droits de l'homme et de l'opposition de gauche.
Allant au-delà du vote de la commission des Lois qui avait conservé l'extension de cette déchéance, en se bornant à raccourcir la longue liste des "dépositaires de l'autorité publique", le bloc gauche-centre du Sénat a refusé le dispositif.
"Nous ne voulons pas créer deux catégories de Français", ont fait valoir ces sénateurs, en écho aux oppositions manifestées à l'automne, à l'Assemblée, au-delà des rangs de la gauche.
A peu près dans les mêmes proportions (184 voix contre 153), les sénateurs socialistes et centristes ont aussi refusé la réforme du régime de rétention des sans-papiers en instance d'expulsion.
Considérée comme "le coeur de la réforme" par le chef de file des sénateurs UMP Gérard Longuet, la mesure, approuvée en première lecture par les députés, prévoyait de retarder l'intervention, en rétention, du juge des libertés et de la détention (JLD) à cinq jours (au lieu de deux jours actuellement).
Elle visait à une meilleure efficacité des procédures d'éloignement, puisqu'actuellement, moins de 30% des sans-papiers placés en rétention sont finalement reconduits aux frontières.
Si les sénateurs ont adopté sans guère rechigner la transposition dans le droit français de trois directives européennes, ils ont encore refusé d'autres dispositions, notamment la pénalisation des mariages "gris", définis comme "fondés sur une tromperie volontaire".
Ils ont donc choisi d'intégrer le fait de "dissimuler ses intentions à son conjoint" dans la législation sur les mariages frauduleux ou "blancs" et de conserver l'actuelle échelle des peines de 5 ans d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende - contre 7 ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende votés par les députés -.
De même, ils ont refusé de restreindre la possibilité de droit au séjour pour les personnes sans papiers lorsqu'elles sont atteintes de pathologies graves.
10/2/2011, Anne-Marie LADOUES
Source : AFP