Le département arabe de la RNW (Radio Netherlands Worldwide) propose depuis quelques jours des chroniques audio réunies
sous l’intitulé «I Driss» (Moi Driss). Qui racontent le vécu et l’expérience des MRE de la première génération aux Pays-Bas. Des histoires uniques et impressionnantes jamais racontées. Nous avons rencontré l’écrivain et journaliste Hassan Bahara, co-auteur
de «I, Driss».
Libé : Comment est née l’idée de «I Driss» ?
Hassan Bahara : L’idée de « I Driss » est née suite à une collaboration avec un ami qui est co-auteur du même livre. Il y a quelques années de cela, mon ami et moi, nous nous sommes rendu compte qu’il est temps qu’on parle de la communauté marocaine qui a émigré aux Pays-Bas dans les années 70. Ils ont pas mal d’histoires qui, malheureusement, ne sont plus racontées. Et c’est quelque chose de très important, aussi bien pour nous, dans le pays d’origine ou en terre d’accueil. C’est l’histoire de tout un peuple. Nous, en qualité d’auteurs, nous avons le privilège voire l’obligation d’écrire. Si ce n’est pas nous qui devons le faire, qui d’autre le fera ? Et c’est la raison pour laquelle nous avons entamé cette expérience.
Vous êtes au Maroc dans le cadre des activités de la Radio Netherlands Worldwide (RNW) au SIEL. Quelle idée avez-vous sur le Salon du livre ?
C’est la première fois que je participe au SIEL et je suis là avec la Radio néerlandaise, qui a commencé à traduire en arabe, l’histoire de « I Driss » parue dans les journaux. Je crois que c’est une bonne opportunité pour ramener ces histoires dans notre pays d’origine et surtout au cours d’un événement aussi important que le SIEL. Je crois que c’est le moment idoine et l’endroit idéal pour une telle activité.
Vous vivez depuis plusieurs années en Hollande. Quelles idées se font les Hollandais des Maghrébins et particulièrement des Marocains ?
La majorité des immigrés maghrébins vivant aux Pays-Bas sont des Marocains. Alors l’image que se font les Hollandais du Marocain n’est pas vraiment quelque chose d’intéressant surtout après la mort du metteur en scène hollandais tué par un Marocain. Certains journaux donnent des Marocains et des Maghrébins une image faite de préjugés. Cette attitude a donné lieu à plus d’agressivité de leur part. Et surtout avec l’influence d’un parti de droite qui voue une haine pour les Marocains, inculquant aux Néerlandais l’idée que les Marocains sont inutiles pour la société hollandaise et qu’il va falloir se débarrasser d’eux. C’est la situation que nous vivons à présent. Mais j’espère du fond de mon cœur que dans l’avenir les choses changeront. Parce que je pense que l’avenir des jeunes de la nouvelle génération se trouve dans ce pays-là. J’espère que nous vivrons en Hollane comme aux Etats-Unis où les communautés étrangères se sont intégrées et ont formé une société tout en gardant leur racine.
Vous animez actuellement une chronique bimensuelle dans le NRC Handelsblad, intitulée «Identité». De quoi est-il question?
J’écris dans une colonne deux fois par mois. Ce n’est pas politique, c’est surtout académique. Ce sont mes idées à propos de l’identité.
Et cela ne touche pas seulement mon identité mais aussi la vie des gens : rencontres, discussions, relations…
Par exemple, il y a deux semaines, j’ai écrit sur la révolution en Tunisie. Quand on suit l’événement, on ne peut s’empêcher de se demander quel peut être son impact sur l’identité d’un Arabe, d’un musulman vivant en Europe. Aujourd’hui, les gens réclament leur droit, leur liberté ; cela a une grande influence sur les Maghrébins. Pour moi, c’est une manière de voir comment les gens se comportent, ce qui peut m’impacter moi-même qui vis aux Pays-Bas.
Que diriez-vous aux Marocains au sujet des Hollandais ? Qu’est-ce que vous appréciez de plus chez eux ?
La société hollandaise est très ouverte comparativement aux autres sociétés européennes. Les Hollandais sont différents et protestants : ils disent ce qu’ils pensent. Cela peut donner lieu à des frictions, des disputes entre les gens. Mais à la limite, c’est un moyen de penser, de dire ce que vous pensez, d’être honnête envers l’autre. Que vous l’aimiez ou non, il vous le dira. Ce n’est pas quelque chose que l’on rencontre dans d’autres pays. Il y a des gens qui ne l’apprécient pas. Mais j’apprécie cette franchise.
Vous vous êtes intéressé à la première génération de Marocains de Hollande. Avez-vous décelé un lien avec la deuxième génération ?
Le pont est jeté de manière à ce qu’il y ait un lien. Mais la deuxième génération ne sait pas exactement comme la précédente s’est établie en Hollande. Ce que nous essayons de faire, c’est de révéler la vie des premières vagues d’immigrants notamment leur lutte pour survivre, leur courage d’affronter la société hollandaise. Vous êtes là, certes vous êtes un étranger, mais vous allez devoir avancer, vivre dans un autre continent… Ce n’est pas notre pays, vous passez de l’Afrique en Europe. Mais la deuxième génération semble oublier les préoccupations des aînés.
Repères
Hassan Bahara a remporté le prix littéraire El Hizjra pour les jeunes de moins de 25 ans, en 2000 et 2001. Son premier livre “Een uitverhaal de stad” (Une histoire urbaine) paraît en 2006. Nominé pour le Selexyzdebuutprijs 2007, ce livre séduit le metteur en scène Pollo de Pimentel qui a pris une option sur les droits du film.
Entre 2009 et 2010, Bahara a écrit une série hebdomadaire intitulée “Driss Tafersiti”.
16 Février 2011, Propos recueillis par ALAIN BOUITHY
Source : Libération