Pour Marine Le Pen, la relance par l’UMP d’un débat sur «la laïcité et la place de l’islam en France» est pain béni. «La dernière fois que Nicolas Sarkozy a utilisé cela, c’était le débat sur l’identité nationale et le Front national a fait 15% des voix. Alors, encore un effort M. Copé ! Encore un petit débat, un petit bla-bla sur l’islam, la laïcité, et je pense qu’effectivement nous pourrons terminer à la présidentielle avec 25%», se réjouissait-elle vendredi sur France Info. Ce jour-là, un sondage Ifop publié par France-Soir la créditait de 19 à 20% d’intentions de votes au premier tour de la présidentielle (1). Un score inédit pour le FN à quinze mois de l’élection.
L’UMP va se retrouver sur un terrain que la présidente du FN a déjà labouré lors de sa campagne interne pour accéder à la tête du parti, en brandissant l’étendard de la laïcité et en dénonçant les prières de rues des musulmans comme une nouvelle forme d’«occupation».
En donnant l’impression de courir après les thématiques de Marine Le Pen, la formation de Jean-François Copé risque de les banaliser sans en tirer profit. Tout comme son père, Marine Le Pen pense que les électeurs «préféreront l’original à la copie». L’ex-Premier ministre Dominique de Villepin a d’ailleurs mis en garde ses propres amis de l’UMP : «Que voulons-nous ? A quoi jouons-nous ? Moi, j’ai beaucoup de sympathie pour les apprentis sorciers mais je n’ai pas le sentiment que dans un pays démocratique cela puisse se faire sans conséquence.» Villepin n’est pas le seul à s’inquiéter d’un débat «qui peut prêter à toutes les mauvaises interprétations», selon les mots de Jean-Marie Bockel, président de la Gauche moderne et ex-ministre de Sarkozy. L’ex-garde des Sceaux Rachida Dati a ainsi demandé que les initiateurs de la discussion publique fassent «attention de ne pas stigmatiser les musulmans qui sont d’abord français».
«Sarkozy joue avec le feu et ce depuis des années, constate le socialiste Manuel Valls, pour qui ce débat aboutira à stigmatiser l’islam. Quand on fait ce débat sans réflexion, c’est une stratégie.» Preuve s’il en est que l’UMP vient de mettre les pieds sur un terrain déjà miné par le FN.
(1) Réalisé les 16 et 17 février auprès de 949 personnes.
19/2/2011, CHRISTOPHE FORCARI
Source : Libération