Un million de migrants irréguliers se trouveraient en Libye, auxquels s'ajoutent 360 000 étrangers en situation régulière, principalement originaires des pays voisins ainsi que d'autres pays arabes et africains plus éloignés.
Soumettant de façon persistante sa politique migratoire à une diplomatie versatile, le gouvernement libyen a successivement ouvert ses frontières aux Arabes au nom du panarabisme, puis aux Africains au nom du panafricanisme. Par la suite, dans le but de satisfaire l'Europe, le gouvernement libyen soumit les migrants arabes et africains à l'obligation de visa, faisant passer des milliers d'entre eux dans l'irrégularité.
Durant la dernière décennie, des centaines de milliers d'entre eux furent expulsés sous le prétexte de représenter une menace pour la sécurité. En réalité, ces expulsions permettaient à la Libye d'ajuster la migration de travail aux besoins de son économie. Depuis la fin des années 1990, la situation des migrants en Libye s'est dégradée.
Des émeutes contre les étrangers ont éclaté, en 2000, faisant 135 morts, avec pour toile de fond une forte xénophobie. Ces derniers jours, les informations selon lesquelles des mercenaires étrangers ont été enrôlés par le régime pour contrer les manifestations contribuent à jeter de l'huile sur le feu.
Depuis le début de la crise libyenne, les médias sont restés silencieux sur le devenir des migrants africains, arabes et asiatiques en Libye. Des milliers ont déjà fui pour rejoindre l'Egypte et la Tunisie. Ces deux pays seront-ils prêts à ouvrir leurs frontières à d'autres migrants que leurs propres citoyens ?
Quel pays les prendra alors en charge ? La plupart des travailleurs migrants en Libye ne sont pas des réfugiés et ceux qui la fuiraient ne pourraient donc prétendre au statut de réfugiés sur la base de la convention de Genève de 1951, ni sur celle de la convention de l'Union africaine de 1969.
Alors que certains gouvernements occidentaux ont adopté des mesures pour rapatrier leurs citoyens résidant en Libye, aucun pays africain ne semble être en mesure de faire de même.
L'Europe a fréquemment demandé aux gouvernements des pays d'Afrique du Nord de contribuer à la gestion des migrations internationales. Elle a l'occasion d'offrir en retour la collaboration dont elle a bénéficié.
27.02.11 Collectif : Philippe Fargues, Anna di Bartolomeo, Thibaut Jaulin, Delphine Perrin, Giambattista Salinari du Migration Policy Centre Institut
Source : Le Monde