La France entend rester "ferme" face à l'immigration illégale et espère "éviter" des flux "incontrôlables" en provenance d'Afrique du Nord, pressant l'Union européenne de se mobiliser davantage contre les clandestins tout en soutenant les révolutions arabes.
Dès sa prise de fonction lundi, le nouveau ministre de l'Intérieur Claude Guéant a insisté sur la nécessité, "face à des bouleversements de nature historique", "de lutter contre l'immigration irrégulière qui, c'est un fait, (...) inquiète" les Français.
Il a évoqué un "défi formidable et redoutable, celui de changer la France pour qu'elle reste elle-même, qu'elle conserve sa civilisation, son art de vivre, son modèle de société".
Alors que le rempart libyen protégeant l'Europe menace de craquer sous la pression d'une insurrection contre le régime de Mouammar Kadhafi, le Premier ministre français, François Fillon, avait auparavant affirmé que la France ferait "preuve d'une très grande fermeté à l'égard de l'immigration illégale".
M. Fillon a admis qu'"il va y avoir des mouvements migratoires importants", conséquence de la situation en Libye, mais aussi en Tunisie et en Egypte où les régimes de Zine El Abidine Ben Ali et de Hosni Moubarak ont été balayés par des révoltes inédites.
La dégradation de la situation en Libye, pays pétrolier où vivent entre 500.000 et 1,5 million d'étrangers, a jeté sur les routes de l'exode des dizaines de milliers de personnes.
L'ONU recensait ce week-end près de 100.000 personnes, principalement des travailleurs égyptiens et tunisiens, aux frontières avec la Tunisie et l'Egypte, une situation qualifiée de "crise humanitaire".
Originaires de pays où la situation économique est trop difficile pour laisser espérer une réinsertion, ces migrants peuvent avoir comme "perspective" de gagner l'Europe si l'instabilité persiste en Libye, pronostique l'avocate Claire Rodier du réseau Migreurop.
"Nous savons ce que pourraient être les conséquences de telles tragédies sur des flux migratoires devenus incontrôlables et sur le terrorisme. C'est toute l'Europe alors qui serait en première ligne", a estimé dimanche le président français Nicolas Sarkozy.
"Nous devons tout faire" pour que "ces forces vives restent sur le territoire de leur pays" et "puissent concourir au développement économique", estime pour sa part Dominique Paillé, le président de l'Office français pour l'Immigration et l'Intégration (Ofii).
Avant même l'insurrection en Libye, quelque 6.000 Tunisiens étaient arrivés en quelques jours sur l'île italienne de Lampedusa avec l'espoir de rejoindre la France.
Pourtant, Rome n'a pas été entendu par tous ses partenaires européens mis en garde contre un risque humanitaire "catastrophique" et un afflux de réfugiés libyens.
Après l'Italie, M. Sarkozy a demandé à l'UE la réunion d'un sommet pour décider d'une "stratégie commune" face à la crise libyenne.
La situation dans le monde arabe et les errements de la diplomatie française l'ont même conduit à un remaniement ministériel dimanche, avec des nouveaux ministres des Affaires étrangères, Alain Juppé et de l'Intérieur, avec Claude Guéant, bras droit à l'Elysée de Nicolas Sarkozy.
"Avec les autres pays européens nous ferons preuve d'une très grande fermeté à l'égard de l'immigration illégale", a prévenu François Fillon.
Mais le Premier ministre veut croire que "le meilleur moyen" d'éviter le flux migratoires "c'est d'aider la Tunisie à réussir, c'est d'aider l'Egypte à réussir, c'est de faire en sorte que la situation se stabilise rapidement en Libye".
La France va "accompagner, soutenir, aider les peuples qui ont choisi d'être libres", a assuré le chef de l'Etat.
Ce discours "est hypocrite et paradoxal", juge Claire Rodier qui appelle l'Europe à la "solidarité", la jugeant "tout à fait capable d'assumer ces situations de crise".
28/2/2011
Source : AFP/La Croix