C’est ce qui ressort d’une étude de la KUL. Mais la discrimination serait “moins forte” pour les jeunes allochtones à Bruxelles qu’à Anvers.
Fin 2009 et début 2010. Des émeutes secouent certains quartiers d’Anderlecht et Molenbeek. Le clash entre jeunes "allochtones" et la police bruxelloise est violent. Plus symptomatique encore : l’incompréhension entre "les deux camps" paraît abyssale. Durant ces événements, les jeunes de "ces quartiers difficiles", majoritairement d’origine marocaine et turque, parlent de "traitement injuste" de la police à leur égard. "Nous habitons ici. Nous sommes nés ici, mais quand la police vient ici, nous sommes les macaques. Alors qu’ils sont là pour nous protéger, nous devons nous méfier d’eux", explique l’un d’eux. Le politique s’en mêle. Le ministre-Président Charles Picqué (PS) évoque un "débat indispensable" à l’organisation de la police bruxelloise, suite à ces émeutes. Seule Bruxelles est touchée par ces mouvements. A l’époque Patrick Janssens (SP.A), bourgmestre d’Anvers, autre métropole belge à fort taux d’immigration, affirme haut et fort : "Quand on voit ce qui se passe à Molenbeek, je ne pense pas que cela aille aussi mal à Anvers. [ ] Aucun quartier d’Anvers n’est une "no go-zone". Il n’y a non plus aucun quartier que la police ne puisse maîtriser."
Existe-t-il, dès lors, un problème d’intégration typiquement bruxellois ? L’approche de la police envers certaines populations est-elle différente d’une ville à l’autre ? Ce sont les questions que se sont posées trois universitaires de la K.U. Leuven dans le 47e volet de la revue électronique Brussels Studies. La démarche est inhabituelle puisque les trois chercheurs sont partis du ressenti des jeunes Bruxellois et Anversois, immigrés de seconde génération et d’origine marocaine et turque. Tant à Anvers qu’à Bruxelles, plusieurs centaines de personnes ayant au moins un des deux parents nés en Turquie ou au Maroc ont été interrogés. Le questionnaire portait sur "leur sentiment de discrimination" dans l’espace public, au travail, lors de la recherche d’un emploi, à l’école, dans leurs rapports avec la police, etc.
Premier constat : la population bruxelloise, davantage que l’anversoise, est extrêmement variée. On estime qu’elle comprend 46 % de personnes d’origine étrangère. "Les deux groupes de non-Européens les plus nombreux sont les groupes marocain (13 % de la population bruxelloise) et turc (4 %)", précise l’étude. Selon les auteurs, ce sont précisément ces "deux groupes" qui se retrouvent dans les couches inférieures du marché du travail bruxellois. "L’acquisition de la nationalité n’offre pas de solution. Tant à l’école que plus tard, il existe un "fossé ethnique" important. Les ethnic penalties (désavantages ethniques) sont des réalités.". Tout comme les "stéréotypes tenaces" relatifs tant aux "Turcs" qu’aux "Marocains". Les résultats de l’enquête sont assez nets : tant à Anvers qu’à Bruxelles, les sondés de la communauté d’origine marocaine ressentent davantage de discriminations que ceux d’origine turque. Autre constat, les personnes interrogées à Anvers se disent plus discriminées dans leur vie quotidienne que celles questionnées à Bruxelles. Avec une exception de taille : le rapport avec la police est jugé plus discriminatoire à Bruxelles.
Difficile dès lors, selon les auteurs, de mettre en lumière un lien clair entre le sentiment de discrimination et les émeutes qui ont pris place à Bruxelles et non à Anvers. "Les émeutes ne nous montrent que le sommet de l’iceberg, expliquent-ils. Ma problématique sous-jacente des sentiments d’exclusion et de discrimination est plus largement répandue et, avec la seule répression, on ne résout pas le problème, on se contente de le rendre invisible." (L’étude)
7/3/2011
Source : Lalibre.be