La toute nouvelle Conférence pour les représentants des cultes en France pourrait s’exprimer à ce sujet mercredi
La convention de l’UMP «sur la place des cultes en France et singulièrement l’islam», prévue le 5 avril, n’en finit pas de faire des remous. Son secrétaire général, Jean-François Copé, a eu beau, jeudi soir sur France 2, rectifier le tir en assurant que le débat porterait sur «?la laïcité et le pacte républicain?», et qu’il apporterait «?des solutions?» à des «?questions concrètes?» comme celle de la nourriture halal dans les cantines, des créneaux horaires réservés aux femmes dans les piscines ou encore de l’encadrement de sorties scolaires par des mères voilées, les inquiétudes restent fortes.
Après Alain Juppé ou François Fillon la semaine dernière, Rachida Dati, aujourd’hui députée européenne, a estimé vendredi que «?ce débat doit apaiser les craintes?», «?permettre aussi d’en avoir une meilleure connaissance, et de ne pas les alimenter?». Patrick Devedjian, président du conseil général des Hauts-de-Seine, a lui aussi mis en garde contre un dérapage du débat sur la laïcité. À gauche, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, le juge «?inutile et dangereux?» et Laurent Fabius redoute que «?ce qu’ils appellent un débat sur l’islam ne soit un débat contre l’islam?».
Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, se trouve sur la même longueur d’onde?: dans un communiqué publié vendredi, il dit «?son inquiétude face au lancement d’un nouveau débat sur la laïcité dont l’exercice du culte musulman en France sera le point central?».
Copé propose d'interdire les «les prêches en arabe»
Aux yeux du président du CFCM, les «conditions d’un débat serein (…) ne sont pas réunies en cette période de pré-campagne électorale, dans un contexte international marqué par la situation préoccupante du monde arabo-musulman et de crispation identitaire instrumentalisée par les extrémistes de tous bords?».
L’idée, évoquée par Jean-François Copé, d’interdire «?les prêches en arabe?» est particulièrement critiquée côté musulman. Dalil Boubakeur, recteur de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris, rappelle que le prône «?fait partie intégrante de la liturgie solennelle musulmane en langue arabe (langue du Coran) le jour du vendredi?» et que « de nombreux cultes en France sont pratiqués dans leurs langues?: l’allemand, le latin, le russe, l’hébreu, le grec, l’arménien…?».
Mais, au-delà, c’est la crainte d’une stigmatisation des musulmans de France que redoutent de nombreux hommes politiques ou responsables religieux. Dans un entretien au Monde (daté samedi 5?mars), le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, estime ?que « ce débat est important et peut porter ses fruits?», mais que «?son interrogation porte sur la méthode?». «?Puisque le chef de l’État estime que c’est un problème de société, (…) il vaudrait mieux qu’il soit mené directement dans la société civile », fait-il valoir.
Le SRI «préoccupé par la tournure que pourrait prendre le débat»
Le sujet est d’ailleurs à l’ordre du jour de la réunion, mercredi, de la toute récente Conférence pour les représentants des cultes en France, inaugurée le 23 novembre dernier. Certains, y compris du côté du gouvernement, souhaiteraient une «?prise de position commune sur ce débat?». Côté catholiques, la Conférence des évêques annonce toutefois une prise de position officielle pour le mardi 15?mars, à l’issue de la réunion de son Conseil permanent et «?après mûre réflexion?».
Se pose notamment, pour les responsables religieux, la question de leur participation à la préparation de cette convention de l’UMP?: Jean-François Copé a contacté chacun d’entre eux pour demander à les rencontrer avant le 5?avril… Au nom du Service des relations avec l’islam de la Conférence des évêques, le P. Christophe Roucou se dit «?préoccupé par la tournure que pourrait prendre le débat et par les risques d’instrumentalisation du christianisme à des fins politiques?».
Remettant, vendredi, au cours d’une cérémonie privée organisée à l’Élysée, la Légion d’honneur à Mgr Nicolas Thévenin, membre de la communauté Saint-Martin, protonotaire apostolique participant à Rome et collaborateur de la Secrétairerie d’État, Nicolas Sarkozy s’est, quant à lui, bien gardé d’évoquer le sujet.
Dans son discours, il a surtout insisté sur ses liens étroits avec le Saint-Siège, rappelant que, depuis 2007, un «?échange direct?» entre lui ou un membre de son gouvernement et le Saint-Siège avait eu lieu «?chaque année?». Mais il n’a pas confirmé la rumeur selon laquelle il pourrait se rendre à Rome le 1er mai pour la béatification de Jean-Paul?II.
6/3/2011, Anne-Bénédicte HOFFNER, avec Isabelle de GAULMYN
Source : La Croix