Les Sages doivent trancher sur l'impossibilité de reconduite aux frontières.
Déjà reporté à deux reprises cette semaine, l'arrêt que doit rendre en principe le Conseil d'État vendredi en matière d'immigration est capital. Les sages du Palais-Royal ont été saisis à la mi-janvier par le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Et leur décision éclairera les conséquences que pourrait avoir le retard du vote de la loi Besson, défendue vendredi à l'Assemblée par le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant.
En bonne logique, ce texte aurait dû être voté avant la fin de l'année dernière. Car il transpose notamment dans notre droit interne une directive européenne de 2008, baptisée «directive retour», qui devait être appliquée de façon effective par Paris «au plus tard le 24 décembre 2010».
Des avocats spécialisés dans la défense des immigrés se sont engouffrés dans la brèche. Depuis le début de l'année 2011, ils ont formé des recours qui, tous ou presque, de Paris à Lille, Toulouse, Rouen, Lyon ou Nice, se sont soldés par une défaite des autorités. Les tribunaux administratifs ont en effet estimé que le droit communautaire primait sur le droit national. Conséquence : les clandestins concernés devaient être remis en liberté.
Des milliers d'autres pourraient bénéficier de cette faille juridique si une solution transitoire n'est pas trouvée. Car la loi Besson ne sera pas applicable dans les faits avant la fin mai, eu égard aux délais des éventuels recours constitutionnels et de publication des décrets.
«Il faut tenir pendant trois mois», résume un haut fonctionnaire, Place Beauvau. D'où les espoirs fondés par le ministère dans une décision favorable du Conseil d'État ce vendredi. La question à trancher peut se résumer ainsi : les dispositions prévues par la «directive retour» européenne sont-elles suffisamment «précises» et «inconditionnelles» pour être opposables à l'administration française ? Claude Guéant et ses équipes estiment que non. Le tribunal de Montreuil attend sa réponse.
«Directive retour»
En tout état de cause, même si une solution transitoire est trouvée, elle ne s'imposera qu'au juge administratif. Mais pas aux juges des libertés et de la détention (JLD) qui interviennent également dans le contentieux des étrangers.
À Nice, par exemple, sur la centaine de clandestins majoritairement tunisiens restés à la charge de la France, entre le 14 et le 28 février, 40 ont été remis en liberté par le juge administratif et 52 par le JLD.
«Le Conseil d'État est en quelque sorte invité à coller une rustine sur un pneu qui fuit. Mais il peut décider de laisser l'air s'échapper», se risque un haut fonctionnaire pour expliquer la situation.
Pour éviter un rejet systématique de leurs arrêtés de reconduite à la frontière, les préfets sont invités par leur ministre à s'assurer que, durant sa garde à vue, le clandestin s'est bien vu signifier qu'il avait le droit de rentrer dans son pays par ses propres moyens. Car c'est le sens même de la «directive retour». Désormais, le clandestin aura entre 7 et 30 jours pour rentrer de lui-même. L'éloignement immédiat et contraint deviendra l'exception.
11/3/2011
Source : Le Figaro