samedi 23 novembre 2024 15:35

Berlin durcit le ton sur l'immigration

La coalition de centre droit d'Angela Merkel durcit son discours sur l'immigration. Jeudi, les conservateurs de la CDU et les libéraux du FDP ont annoncé leur intention de faire voter une nouvelle loi au Bundestag renforçant les conditions d'immigration vers l'Allemagne: seuls les étrangers qui auront réussi un examen attestant de leur maîtrise de la langue de Goethe seront autorisés à rester. Le gouvernement confirme ainsi une inflexion à droite sur ces questions, amorcée avec la nomination du nouveau ministre de l'Intérieur, Hans-Peter Friedrich, issu de la CSU bavaroise.

L'amendement au texte actuel «restreindra à un an au maximum» la durée de séjour outre-Rhin des immigrants n'ayant pas passé l'examen d'allemand, affirment les députés, Hans-Peter Uhl (CDU) et Gisela Pilz (FDP). Cette disposition concerne uniquement les ressortissants de pays nécessitant un visa, comme la Turquie ou l'Égypte… Il touche donc en premier lieu les musulmans. Pour l'instant, la seule fréquentation d'un cours d'allemand suffit à obtenir le droit de séjourner outre-Rhin. Avec le nouveau dispositif, la coalition au pouvoir affirme vouloir s'assurer que les immigrants parlent effectivement l'allemand à la fin de leur «cours d'intégration».

«Une claque au visage des musulmans»

Le ministère de l'Intérieur a salué cette initiative, qui peut «offrir une incitation supplémentaire pour s'intégrer aux conditions de vie en Allemagne». Horst Seehofer, ministre-présidentde la Bavière et patron du nouveau ministre de l'Intérieur au sein de la CSU, est allé plus loin. Seehofer souhaite faire inscrire dans la Constitution bavaroise l'obligation pour les immigrés «de se reconnaître dans nos valeurs et en premier lieu d'apprendre l'allemand». La CSU veille scrupuleusement à la préservation des «valeurs conservatrices» et de la «tradition chrétienne» en Bavière, où les crucifix sont encore accrochés dans les classes des écoles publiques.

L'opposition dénonce «une germanisation forcée». La semaine dernière, Hans-Peter Friedrich avait déjà déclenché un tollé outre-Rhin en déclarant que «rien dans l'Histoire ne démontre que l'islam appartient à l'Allemagne», lors de sa prise de fonction au ministère de l'Intérieur. Les sociaux-démocrates avaient aussitôt dénoncé la «sottise» du nouveau ministre, qui est aussi en charge de l'intégration des immigrés, alors que les Verts lui reprochaient son «grossier comportement». C'est «une claque au visage des musulmans», avait estimé la présidente de la Fédération musulmane libérale, Lamya Kaddor.

Le président de la République, Christian Wulff (CDU), a répété que «l'islam est une partie de l'Allemagne». Entre 3,8 et 4,3 millions de personnes de confession musulmane (dont 45% ont la nationalité allemande) vivent actuellement dans ce pays de 82 millions d'habitants. Les Turcs en forment la plus grande communauté avec 2,5 millions de personnes. Comme la plupart des pays européens, l'Allemagne - qui compte 30% de catholiques et autant de protestants - est confrontée à l'épineuse question de l'intégration de cette population. Selon une étude publiée par Die Zeit en décembre, deux Allemands sur cinq s'estiment menacés par l'islam, plus que les Français, les Néerlandais, les Danois ou les Portugais. L'été dernier, un pamphlet anti-islam d'un haut fonctionnaire de la banque centrale, Thilo Sarrazin, avait déclenché une immense polémique et s'est retrouvé en tête des ventes de livres.

11/3/2011, Patrick Saint-Paul

Source : Le Figaro

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