Une délégation des autorités espagnoles du ministère du Travail et de l'Immigration et une sous-délégation du gouvernement de Huelva prévoient d'organiser les 23 et 24 de ce mois des visites à quelques exploitations qui emploient des ouvrières marocaines pour la cueillette de la fraise.
Dans le cadre des activités organisées par le gouvernement espagnol pour évaluer le bon déroulement de la campagne agricole, une délégation des autorités espagnoles du ministère du Travail et de l'Immigration et une sous-délégation du gouvernement de Huelva prévoient d'organiser le 23 et le 24 de ce mois des visites à quelques exploitations qui emploient des ouvrières marocaines pour la cueillette de la fraise. Selon une source à l'ambassade d'Espagne, ces visites auxquelles ont été conviées à participer les représentants du ministère marocain de l'Emploi et de l'ANAPEC (organisme chargé de la gestion des flux migratoires au Maroc) visent à vérifier sur le terrain les conditions de vie et de travail des ouvrières marocaines, d'évaluer les conditions d'accueil et de logement, ainsi que les procédures et les méthodes déployées pour analyser et traiter les réclamations ou les doléances présentées. En effet, le gouvernement espagnol a autorisé le recrutement d'un total de 5.335 travailleuses et la légalisation de 5.169 contrats pour la campagne actuelle. D'après un responsable à l'ambassade, la plupart de ces ouvrières se trouvent déjà en Espagne. Quant aux autres, elles arriveront au cours des prochains jours.
Elles travailleront à Huelva pour une période de quatre mois. Rappelons qu'une enquête sur la situation des ouvrières marocaines en Espagne a été publiée au mois de janvier dernier par le Centre international de recherche en Méditerranée et le Centre national de la recherche scientifique. Cette étude a porté sur un échantillon de 65 femmes issues de la région du Ksar El Kébir ayant déjà travaillé sur les terres espagnoles. Elle s'est basée également sur 25 entretiens réalisés au sein même des coopératives en Espagne. Selon les résultats révélés par cette enquête, la plupart des femmes interrogées reconnaissent ne pas connaître leurs droits. En effet, si ces travailleuses déclarent vouloir retourner pour travailler en Espagne, elles soulignent toutefois la nécessité d'améliorer leurs conditions de travail et de logement.
D'après l'étude, 23 % de ces femmes gagnent moins de 35 euros par jour, soit moins de 1.000 euros par mois. Par conséquent, elles sont appelées à effectuer des heures supplémentaires pour arrondir leurs fins de mois et payer les dettes qu'elles ont accumulées avant leur départ en Espagne liées essentiellement aux frais de complément de dossier. Ainsi, la majorité de ces femmes ont exprimé leur souhait de voir leur situation régularisée afin qu'elles puissent circuler librement entre le Maroc et l'Espagne. Néanmoins, rares sont celles qui affichent le désir de vouloir s'installer définitivement en Espagne. En effet, si l'année 2002 a été marquée par une fuite importante de ces travailleuses saisonnières (sur les 500 femmes, 90% ont «fugué» pour s'installer clandestinement sur les terres espagnoles), ce taux a été largement revu à la baisse en 2008.
Une date qui a été marquée par un taux d'installation clandestine en Espagne qui n'a pas dépassé les 4,5%. Cette baisse importante n'est toutefois pas le fruit du hasard. En effet, le gouvernement espagnol et son homologue marocain ont durci les procédures afin de lutter contre la migration clandestine. Désormais, il faudra répondre à des conditions draconiennes pour être parmi «les chanceuses» qui peuvent décrocher un contrat de travail et cela même pour une durée de trois mois. La première condition sine qua non donc pour être choisie, c'est d'être mariée et mère d'un enfant ou plus. Résultat : plus de 89 % des ouvrières saisonnières disent avoir laissé derrière elles deux enfants ou plus âgés de moins de 15 ans.
Malgré le contrôle, des dérapages relevés
La migration a, certes, été bénéfique pour de nombreuses femmes marocaines, mais en l'absence d'un cadre légal pour contrôler les gestionnaires institutionnels de ce flux migratoire en Espagne et évaluer constamment les conditions de travail de ces employées, des dérapages sont toujours enregistrés dans les douars de Huelva. Selon une source proche du dossier qui a préféré garder l'anonymat, les employeurs abusent souvent de la fragilité de ces femmes et de leur analphabétisme pour les exploiter financièrement, en les faisant travailler hors des heures de travail réglementaire sans indemnisation ou en les privant de conditions décentes, notamment de logement correct ou des services de transport censés les ramener de leur lieu d'habitation aux champs de fraise. L'exploitation va, selon la même source, jusqu'aux abus sexuels.
24/3/2011
Source : Le Matin