Avec son homologue espagnol, le ministre de l'Intérieur appelle au renforcement des moyens des pays les plus exposés aux flux migratoires.
En pleine crise arabe, Claude Guéant resserre les rangs avec ses collègues du sud de l'Europe. Il a commencé mercredi sa tournée par une rencontre avec le socialiste Alfredo Perez Rubalcaba, premier vice-président du gouvernement espagnol et ministre de l'Intérieur. Suivra prochainement un rendez-vous de travail avec son homologue italien, Roberto Maroni, figure de la Ligue du Nord.
Mercredi soir, Claude Guéant et son homologue espagnol ont indiqué que la France et l'Espagne n'ont, pour l'instant, détecté aucun projet terroriste libyen en direction de leur pays respectif. Les deux hommes sortaient d'un dîner au cours duquel le ministre français a voulu aborder la question des flux migratoires «sans tabou», conscient que la lutte contre l'immigration illégale s'est muée en un combat collectif aux frontières extérieures de l'Union, là où entrent les clandestins. Il a donc appelé à renforcer la mobilisation de l'agence Frontex, sorte de police européenne de l'immigration, qui devra, selon lui, intensifier sa coopération avec les pays sources, comme la Tunisie. Il a aussi réclamé la mise en place accélérée de «zones de protection prioritaires» pour accueillir, au plus près de leur pays d'origine, les populations déplacées. Autre proposition : faire jouer davantage la solidarité européenne, notamment financière, pour les pays les plus exposés à la pression migratoire, comme l'Italie ou l'Espagne.
La France dépend d'autant plus de la vigilance de ces proches voisins qu'elle se trouve partiellement désarmée jusqu'en juin pour reconduire seule les illégaux qui entrent sur son sol. Un avis du Conseil d'État du 21 mars revient, en effet, à priver les préfets d'une partie de leurs prérogatives en matière d'éloignement, jusqu'à l'application effective de la loi Besson sur l'immigration.
Depuis les événements en Tunisie, en Égypte et en Libye, plus de 10 000 clandestins ont débarqué sur l'île italienne de Lampedusa. Et il ne s'agit sans doute que d'une première vague. La situation libyenne préoccupe particulièrement Paris tant l'issue du conflit est incertaine. «Ces pays ne sont plus en mesure de contenir l'immigration subsaharienne comme ils le faisaient par le passé» , reconnaît Dominique Paillé, président de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Les événements au Maroc, et surtout en Algérie, doivent également être pris en compte. Même s'ils sont de moindre intensité, ils peuvent avoir, tôt ou tard, «une implication», selon l'expression d'un diplomate français. L'Espagne se trouverait alors en première ligne.
Fort de cinq années d'expérience à son poste, Alfredo Perez Rubalcaba était présenté mercredi comme «l'homme de la situation». Et Guéant d'ajouter : «L'Espagne demeure un allié privilégié. Elle l'a démontré dans le combat au quotidien contre le terrorisme et le trafic de drogue.» Madrid a aussi su surmonter une crise migratoire en 2006, scellant des accords avec le Maroc, le Sénégal et la Mauritanie, pour endiguer le flux. Son expérience est précieuse.
Avec l'Italie, la relation est plus délicate. Déjà aux prises avec des arrivées massives de migrants, les Italiens aimeraient que les États de l'UE partagent le fardeau. Or Paris ne souscrit pas à ce point de vue. Claude Guéant considère que «disséminer les illégaux dans les pays voisins reviendrait à pérenniser leur situation». Un «très mauvais signal», selon lui, «qui créerait un appel d'air». La France et l'Espagne semblaient mercredi sur la même longueur d'onde.
24/3/2011, Jean-Marc Leclerc
Source : Le Figaro