Pour l’heure, il est le seul à avoir publiquement déchiré sa carte de l’UMP. Il l’a fait spectaculairement, à grands coups de ciseaux, le 10 mars, lors de la rencontre organisée à la Mosquée de Paris contre le débat sur la laïcité et l’islam. Abdallah Zekri a-t-il été suivi? Son appel à «tous les musulmans de l’UMP» a-t-il été imité ? «J’ai reçu des dizaines de mails, de SMS, de coups de téléphone de soutien», déclare-t-il. Et «une quinzaine de personnes» l’auraient rejoint. Depuis, Zekri a adhéré au Parti socialiste. Lors des cantonales, il a «fait campagne pour le candidat soutenu par le PS contre le FN». Franco-Algérien, gaulliste historique, Abdallah Zekri a d’abord milité au RPR avant de rejoindre l’UMP lors de sa création. Il a apprécié Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier a été nommé à l’Intérieur : «C’est lui qui a lancé le Conseil français du culte musulman.» Il l’a soutenu lors de la campagne de 2007 : «J’ai mouillé ma chemise pour lui.» Puis il a été déçu par l’évolution de son parti. Après le débat sur l’identité nationale, celui sur la laïcité et l’islam est de trop. «A l’UMP, il y a une aile droitière dont le discours est plus intégriste et fondamentaliste que celui du FN», dit-il.
Autre déçu de l’UMP, Abderrahmane Dahmane, conseiller technique de Sarkozy. Le 10 mars, il déclarait que «l’UMP de Copé, c’est la peste pour les musulmans». Le lendemain, il était limogé. Depuis, Dahmane a pris la tête d’une croisade contre Jean-François Copé, organisateur du débat sur la laïcité et l’islam du 5 avril (lire ci-contre). Hier, il a lancé un appel aux «Français de confession musulmane» afin qu’ils quittent l’UMP, «bateau de […] cette peste qui devient brune, qui est une horreur pour les musulmans et pour les Français».
Suivis par la base. Si Zekri et Dahmane ont publiquement rompu avec l’UMP, c’est qu’ils se savent suivis par une bonne partie de leur base. Rares sont, en effet, les musulmans favorables à ce débat. Y compris à droite. Exception : Fatima Belarbi, présidente de l’Association des femmes marocaines à l’étranger. Elle se dit «proche de l’UMP sans pour autant être dedans». «Je suis une personne de communication. Pour moi, tous les débats sont les bienvenus, affirme-t-elle. Mais je veux un débat de haut niveau qui permette vraiment de poser les problématiques que rencontrent aussi bien les pratiquants musulmans - on veut des salles de prière dignes - que le pays d’accueil.» Pour elle, l’UMP n’est pas islamophobe : «Au contraire, elle veut freiner l’islamophobie.» «Un tel débat peut apaiser les gens et être bénéfique pour l’islam et pour toutes les religions», veut-elle croire.
Abdessamad el-Abar, militant UMP à Versailles, vice-président du Cercle de la diversité républicaine (proche de l’UMP) et cadre dans le privé, n’est pas d’accord. Il pense au contraire que «le débat sur l’islam n’a pas lieu d’être. Il va nous arriver ce qui est arrivé pendant le débat sur l’identité nationale. On va encore nous stigmatiser». Eric Besson, alors ministre de l’Immigration, «nous avait dit de ne pas nous faire de souci, qu’on débattrait de tout ce qui fait l’identité nationale, rappelle-t-il. En fait, le débat a porté sur l’islam. Les musulmans se sont sentis stigmatisés. On va refaire la même chose. L’UMP est en train de courir après le FN». Pour autant, il n’envisage pas de quitter le parti. «Je n’ai pas rendu ma carte, je ne le ferai pas, mon choix est fait, je considère que le combat doit continuer à l’intérieur.»
Fayçal Ménia, élu UMP à la mairie d’Aubervilliers et chef d’entreprise, n’envisage pas non plus de suivre l’exemple d’Abdallah Zekri. «Je suis un élu, je ne renie pas mon parti, je ne ferai pas plaisir à cette frange-là de l’UMP.» Lui aussi dénonce ce débat : «C’est une blessure pour moi, pour les millions de musulmans qui sont en France, et pour les milliers de militants UMP de sensibilité musulmane.» Et il promet lui aussi de se battre en interne : «Je comprends que les gens soient gênés par les prières dans la rue. Mais j’explique aux militants et aux élus que les musulmans ne le font pas par plaisir mais parce qu’ils manquent de lieux de culte.»
L’éventuelle fronde des musulmans inquiète-t-elle Copé ? Abdallah Zekri leur a demandé de «manifester devant le siège de l’UMP le 5 avril», jour du débat sur la laïcité. Le 18 mars, le parti publiait un communiqué annonçant que «les musulmans de France favorables à l’UMP et à la majorité présidentielle [ont décidé] de créer l’Union des Français musulmans (UFM)». Abdessamad el-Abar et Fayçal Ménia n’envisagent pas d’y adhérer. «On me l’a proposé mais cela ne m’intéresse pas, dit le premier. Je suis Français à part entière. Je n’ai pas envie qu’il y ait un amalgame entre le religieux et le politique.» Le second est tout aussi sévère : «On ne peut pas être un parti républicain, croire en la laïcité, et créer à l’intérieur un petit groupe communautaire.» L’UMP s’est-elle rendu compte qu’elle avait fait une boulette ? Le communiqué annonçant la création de l’UFM a disparu de son site. Selon Abdallah Zekri, Jean-François Copé aurait affirmé n’avoir pas été informé de sa création. Et ne pas y être favorable.
Malsain et électoraliste. Quant à Dahmane Mebrouki, le président de l’UFM, il affiche sa distance avec le parti majoritaire : «Notre association est proche de l’UMP, nous partageons ses idées, nous soutenons l’action du Président depuis 2007. Mais notre création n’est pas une initiative de l’UMP. Et personnellement, je n’en suis pas membre.»
L’UFM pourrait être la seule représentante des musulmans le 5 avril. Le Conseil français du culte musulman a annoncé qu’il ne participerait pas à cette réunion. Les catholiques, protestants, juifs, sikhs et jusqu’aux francs-maçons du Grand Orient, ardents défenseurs de la laïcité, dénoncent un débat malsain et électoraliste. Claude Guéant recevra d’ici à la fin de la semaine prochaine les responsables des principales religions.
30/3/2011, Catherine Coroller
Source : Libération