Luxembourg, Envoyé spécial - La France va poursuivre des contrôles "sérieux, attentifs" afin d'empêcher des Tunisiens arrivés en Italie de pénétrer dans le pays, a indiqué lundi, à Luxembourg, le ministre de l'intérieur, Claude Guéant. Ces contrôles se feront dans une bande de 20 km au-delà de la frontière et ne dureront "pas plus de six heures en un point déterminé", selon le ministre. Il tente ainsi de prévenir les accusations de contrôles systématiques auxquels procèderait la police, contre l'esprit de la directive européenne de Schengen sur l'Europe sans frontière.
Une compagnie de CRS supplémentaire va, d'autre part, être déployée pour épauler la police et la gendarmerie locales, a indiqué le ministre. En un mois, 2 800 Tunisiens venant d'Italie ont été interpellés et 1 700 reconduits dans ce pays, ainsi que 200 directement en Tunisie. Les procédures de retour sont en cours pour les autres, a précisé M. Guéant.
Il participait, à Luxembourg, à une réunion des ministres européens de l'intérieur consacrée essentiellement à l'immigration et à la situation en Méditerranée. Il a indiqué à cette occasion que Paris respecterait "tous les moyens du droit pour faire respecter la Convention de Schengen". C'est sur ce point que porte précisément une polémique avec l'Italie, qui a décidé d'accorder des permis de séjour temporaires à des milliers de Tunisiens, ce qui leur permettrait de se rendre dans d'autres Etats européens.
M. Guéant juge que cette pratique n'est pas "en stricte conformité avec l'esprit de Schengen". La France, en revanche, serait, elle, habilitée à contrôler ces personnes, à vérifier qu'elles ont un passeport en règle ainsi que des moyens suffisants pour séjourner en France "et repartir ensuite en Tunisie". Et les autorités françaises seraient autorisées à les reconduire en Italie si elles ne disposent pas les éléments requis.
ROBERTO MARONI DÉÇU
Calmée à l'issue d'une entrevue entre M. Guéant et son homologue Roberto Maroni, vendredi 8 avril, la querelle est loin d'être éteinte. A Luxembourg, M. Maroni a échoué dans ses tentatives visant à exiger que les autres Etats européens aident son pays à "partager le fardeau", à savoir l'afflux de quelque 22 000 immigrants. Des personnes qui, dans leur très grande majorité, sont assimilés à des immigrés économiques et ne peuvent prétendre à l'obtention du droit d'asile.
L'appel à la solidarité européenne du ministre italien a été retoqué et, au contraire, plusieurs pays ont critiqué son initiative d'octroi de titres de séjour temporaire (six mois).
L'Allemagne et l'Autriche ont appuyé les critiques de la France. "Nous allons voir s'il existe une Europe unie et solidaire ou s'il s'agit seulement d'un espace géographique", avait prévenu M. Maroni. A l'issue de la réunion, il n'a pas caché sa déception : l'Italie a été totalement isolée et n'a pas obtenu le déclenchement de la clause dite de "protection temporaire" qu'elle réclamait et qui lui aurait permis d'obtenir l'aide des autres pays membres. Mais "je me demande s'il ne vaut pas mieux être seul qu'en mauvaise compagnie", a ajouté le ministre, posant même la question de l'intérêt d'être membre de l'UE.
Malte a, en revanche, obtenu d'une dizaine d'Etats (la Suède, l'Espagne, l'Allemagne, le Portugal, la Belgique…) qu'ils se partagent quelques centaines de réfugiés venus de Libye qui ont accosté dans la petite île.
11/4/2011, Jean-Pierre Stroobants
Source : Le Monde