Faute de pouvoir traverser la frontière en règle, les Tunisiens de Vintimille trouvent des solutions alternatives et efficaces. Reportage.
De notre envoyé spécial à Vintimille, Cyriel Martin Appelons-le Stefano. Lunettes noires, cheveux ras, tatouage d'aigle dans le cou, Stefano arpente le parvis de la gare de Vintimille, en Italie. Au creux de sa main, un plan de la région, et un parcours. Le chemin vers la France. Stefano est un passeur. Il ne s'en cache même pas. Au milieu des forces de l'ordre, au nez et à la barbe du maire de Vintimille qui ne quitte pas les lieux, il propose à tous les petits groupes de migrants qu'il rencontre de les conduire en France. Il demande la modique somme de 200 euros par passager, destination finale : Lyon. "Le prix de la liberté", argumente-t-il.
Visiblement, sa proposition n'intéresse guère les migrants. "Comment je peux trouver 200 euros ?", s'interroge Aziz, qui explique ne pas avoir mangé depuis la veille au soir. Le trajet entre la Tunisie et Lampedusa lui a coûté toutes ses économies, 1 000 euros. Le reste du voyage, Aziz l'a parcouru comme il a pu, essentiellement en train. Des propositions comme celles de Stefano, Aziz assure en recevoir des dizaines par jour. Autour, ses amis confirment timidement. "On ne veut pas frauder, monsieur", explique Tarek. Lui a récupéré son titre de séjour samedi. Il a malgré tout été refoulé à la frontière lundi matin parce qu'il ne disposait pas des 62 euros exigés par la France. Une situation qui semble systématique en gare de Menton-Garavan, la première étape française après Vintimille, comme nous avons pu nous-même le constater. "La police française aussi, c'est des passeurs !" s'emporte Tarek. "Ils veulent de l'argent pour nous faire passer la frontière."
"Un treno per Savona"
Quitte à devoir payer, certains migrants essaient donc des solutions alternatives. "La route de l'arrière-pays semble être le moyen le plus utilisé, surtout de nuit", confie un policier français sous couvert d'anonymat. "On ne peut pas contrôler tous les petits chemins", lâche-t-il en menottant un migrant sans papiers qui vient de tenter sa chance par le train. Par la mer ? "Il y a peu de chances", explique un autre policier français tenant lui aussi à rester anonyme. Des patrouilles sillonnent les côtes jour et nuit. Reste une solution qui semble se répandre comme une traînée de poudre chez les migrants. "Un treno per Savona", comme s'entraînent à demander plusieurs migrants. "Un train pour Savone", donc, une ville située une centaine de kilomètres plus à l'est, sur la côte ligure, juste avant Gènes. Car de là partent des ferries pour la France.
Au bout du compte, "les plus persévérants passent", assure Luciano Cosco, président de la Croix verte. "J'ai 150 personnes qui dorment dans mon centre tous les soirs, je ne revois quasiment jamais les mêmes."
18/4/2011