La question migratoire en Espagne est désormais régie par une nouvelle doctrine de gestion des flux migratoires, des rapports de la société avec les étrangers et des conditions d’embauche de la main d’œuvre. À l’issue d’un large débat auquel avaient pris part durant plus d’un an syndicats, administration et associations d’immigrés, le conseil des ministres, le plus haut organe de l’exécutif, a approuvé, vendredi dernier lors de sa réunion hebdomadaire, le règlement d’application de la loi régissant les conditions de résidence et de travail des étrangers et leur intégration à la société espagnole. Apparemment, il paraît un texte moins coercitif que les précédents en cette matière mais apporte des nouveautés conformément aux impératifs de la nouvelle situation sociale qui se caractérise par une profonde crise économique.
Dans sa rédaction, le législateur a tenté d’atténuer toutes les expressions relatives aux instruments de répression, d’expulsion ou de détention arbitraire d’immigrés. Il a particulièrement introduit trois aspects essentiels, qui ont d’ailleurs une connotation sociale. Il s’agit, d’instaurer un nouveau modèle migratoire en Espagne, fortifier la cohésion sociale et faciliter les conditions de retour volontaire de l’immigré. En définitive, il se considère comme un texte élaboré sur la base d’un large dialogue, qui introduit plus de rigueur aux procédures administratives et judiciaires en matière de migration et crée plus de mécanismes de collaboration entre les différents services de l’administration publique concernés (ministère de l’intérieur, de la justice et du travail et l’immigration). En tout cas, il institutionnalise l’application de la dernière loi révisée en matière de l’immigration. Sous la pression de la crise économique, les acteurs sociaux ont cependant exigé l’amélioration de son contenu en vue de l’adapter aux nouvelles conditions du marché du travail.
Le texte développe les mécanismes de gestion prévus dans la loi organique du 11 janvier 2000, après sa révision par la Loi organique 2/2009, adoptée par le parlement en vue de faire face aux défis du nouveau cycle migratoire, instaurer une cohésion entre l’arsenal juridique espagnol et les normes de l’Union Européenne en matière d’immigration.
Le gouvernement a dû recourir à une consultation du Conseil d’Etat ainsi qu’à une consultation publique à laquelle ont participé administration et société civile.
En résumé, le règlement apporte trois nouveautés essentielles par rapport au texte de la Loi organique. Il instaure des mécanismes de développer et garantir le changement d’emploi et de région pour les étrangers et encourage le retour volontaire à leur pays d’origine en cas de perte d’emploi. Pour cela, l’administration a créé des programmes qui déterminent les conditions de transfert et d’aides à la réinsertion dans leur pays d’origine. A ce titre, le premier vice-président du gouvernement et ministre de l’intérieur, Alfredo Pérez Rubalcaba, a signalé vendredi dernier lors d’une conférence de presse, qu’il sera pris en considération le respect de l’ancienneté de résidence au cas où ces immigrés décident de retourner en Espagne afin de leur faciliter l’accès à un permis de résidence de longue durée ou à la nationalité espagnole.
Le règlement développe aussi l’aspect relatif à la protection des immigrées victimes de la violence de genre se trouvant en situation irrégulière. En cas de dénoncer les mauvais traitements auxquelles elles sont soumises de la part d’un agresseur, celles-ci ne seront pas expulsées en application du nouveau règlement. Cette norme entre en vigueur au moment où les groupes parlementaires discutent de la possibilité de faire bénéficier les immigrées victimes de violence de genre de meilleures conditions d’accès à des papiers en règle pour régulariser leur situation au plan administratif, et lorsque le cas de violence de genre est annulé par le juge faute de localiser l’auteur dénoncé.
Enfin, le troisième aspect est relatif à la politique de gestion des flux migratoires. Le gouvernement compte dans sa nouvelle doctrine adhérer pleinement aux normes communautaires qui insistent sur une immigration ordonnée en relation « directe » avec la situation du marché du travail. Pour Rubalcaba, cette doctrine a un double sens puisqu’elle insiste sur « les droits et les devoirs » des immigrés en Espagne. Commentant l’approbation du texte de Règlement, la centrale syndicale Union générale des Travailleurs (UGT) a réagi à travers la diffusion d’un communiqué dans lequel elle considère qu’il s’agit d’un instrument qui va “contribuer à éviter un mauvais usage de l’immigration par les partis politiques dans leur campagne électorale”. Le texte, selon la centrale syndicale, “perfectionne” les instruments de régulation des flux migratoires, améliore la détermination de la situation de l’emploi et garantit “une meilleure protection et sécurité juridique pour les travailleurs” exerçant dans des conditions légales.
Cependant plus de 80 autres organisations sociales, dont des ONG, syndicats, associations et collectifs organisés au sein du « Réseau pour le droit d’avoir des droits », ont “totalement rejeté” le Règlement, estimant, dans un manifeste remis aux médias, que ce texte allait provoquer “la violation des droits” des immigrés qui représente 12% de la population espagnole. Pour les signataires, dans leurs revendications qui ont été communiquées au ministère du travail et de l’immigration ainsi qu’aux groupes parlementaires, ils demandent de régulariser la situation de toutes les personnes actuellement sans papiers en règle, reconsidérer les mesures d’expulsion et démanteler les Centres d’internement des immigrés. De même, ils critiquent le contenu du Règlement pour introduire des « concepts juridiques vagues, tel l’effort d’intégration » qui risque de « conduire à un abus brutal de l’administration », « traite les immigres de simple marchandise » et « encourage la xénophobie et le racisme parce qu’il incite la recherche de boucs émissaires » aux problèmes sociaux tel le chômage. En prévision des futures échéances électorales, les signataires appellent les politiques a se comporter comme “freins” face aux manifestations xénophobes et racistes au ”lieu d’être des canaux de transmission” de ces phénomènes.
Ainsi, la question de l’immigration en Espagne relance-t-elle le débat sur la manière de concevoir les droits humains, réguler les conditions d’entrée en Espagne et développer le concept de participation et de convivialité. Les statistiques officielles révèlent d’ailleurs que le collectif des immigrés est la grande victime de la récession économique puisque le chômage touche plus de 30% des étrangers, face à 18% des nationaux. Ce sont des motifs qui incitent l’immigré à penser sérieusement au retour dans son pays d’origine que de continuer de dépendre des prestassions sociales dans l’attente que s’améliore le marché du travail.
19/4/2011, Mohamed Boundi
Source : Al Bayane