C’est le dernier en date des triomphes d’un parti populiste. Et l’envolée électorale des Vrais Finlandais en annonce d’autres, dans une Europe où prospèrent ces mouvements eurosceptiques et xénophobes. Bruxelles s’inquiète, même si, hier, une porte-parole de la Commission assurait «être pleinement confiante dans le fait que la Finlande va continuer à honorer ses engagements». Timo Soini, le leader des nationalistes finlandais (lire ci-contre) rappelait pourtant, hier, haut et fort que «ce vote [était] un référendum sur la politique européenne». En campagne, il clamait ne plus vouloir payer pour le plan d’aide économique au Portugal après ceux pour la Grèce et l’Irlande. Qu’il soit ou non intégré à la future majorité, son pouvoir de nuisance sera bien réel sur ces dossiers européens. Un phénomène qui ne touche pas que la Finlande.
«Tout populisme est d’abord un nationalisme antieuropéen, c’est le plus petit dénominateur commun de ces formations, qu’elles soient de droite, avec leur xénophobie affichée, mais aussi de gauche, avec des accents protectionnistes»,explique Dominique Reynié, professeur à Sciences-Po. Dans son livre Populismes : la pente fatale (Plon, lire page 14), le directeur de la Fondation pour l’initiative politique a répertorié 27 partis populistes de droite dans 18 pays européens. Seuls deux d’entre eux - la Ligue du Nord en Italie (8,5% des suffrages) et l’Union démocratique du centre en Suisse (29%) - participent à des gouvernements.
Recettes. Souvent, ils appuient de l’extérieur des gouvernements conservateurs comme le Parti de la liberté aux Pays-Bas, fort de 15,5% des suffrages, ou encore le Parti du peuple au Danemark. Dans 14 pays européens, ils sont représentés au Parlement. Il existe aussi des formations populistes issues de la gauche, dont l’archétype reste le Smer-SD slovaque de Robert Fico, exclu du Parti socialiste européen pour avoir gouverné, en 2006, avec l’extrême droite.
Ces nouveaux populismes qui ont le vent en poupe, recourent toujours peu ou prou aux mêmes recettes. Ils prônent le peuple contre les élites corrompues par le cosmopolitisme et la mondialisation, la démocratie directe contre la démocratie représentative. Ils fustigent l’immigration incontrôlée, dénoncent le multiculturalisme et la menace de l’islam. «C’est un populisme patrimonial, souligne Dominique Reynié, qui articule deux formes de conservatisme et de réaction : d’un côté, la protection d’intérêts matériels comme le niveau de vie, l’emploi, la pression fiscale et de l’autre, un patrimoine immatériel, c’est-à-dire l’attachement à un certain style de vie menacé par l’immigration et la globalisation ou la défense de valeurs libérales menacées en matière d’égalité homme-femme ou d’inclination sexuelle.» Un spectre large qui permet à ces mouvements de cristalliser aussi bien les suffrages des couches populaires précarisées que ceux des classes moyennes, voire même des bobos inquiets du conservatisme moral porté par l’immigration musulmane.
Les figures de proue de ces partis sont jeunes, charismatiques et décomplexées. Elles parlent cru, pourfendent le politiquement correct mais évitent les dérapages ouvertement racistes qui les condamneraient à la marginalité politique. «Il s’agit d’une quatrième vague nationale populiste en Europe après celles de l’après-guerre, des années 60 (restée limitée) et des années 80 comme le Front national en France. Ces partis n’ont pas de racines idéologiques à l’extrême droite, ou les ont abandonnées», explique Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques. Il souligne que ces formations «revendiquent des valeurs de tolérance, liberté et laïcité, fonds commun de la civilisation européenne qui seraient directement menacées».
Ravalement. Ce fut, par exemple aux Pays-Bas, la raison du succès de Geert Wilders, venu des rangs du parti libéral, qui dénonce «l’islamisation rampante» du pays. Des partis issus de l’extrême droite fascisante, tels les Démocrates suédois, ont fait ce ravalement, ce qui leur a permis en septembre d’entrer au Parlement. Telle est aussi l’évolution d’une Marine Le Pen qui tente de récupérer le discours républicain. Dans les pays de l’Est seulement, continue de prospérer une extrême droite à l’ancienne, viscéralement antisémite dont Jobbik (16,7% des voix en Hongrie) est l’archétype.
Le plus grand danger vient de la porosité avec une droite traditionnelle partout en crise et qui n’hésite pas à reprendre des thèmes électoralement porteurs. «Quand ces partis populistes font entre 5 et 10%, il est possible de faire une stratégie de "containement", mais quand ils arrivent à 15%, les partis de droite sont tentés de composer ou de les concurrencer sur leur propre terrain, en rejetant leurs thèses mais non leurs thèmes»,explique Dominique Reynié.
En témoigne la stratégie actuelle de Nicolas Sarkozy sur l’immigration ou l’offensive lancée par l’Allemande Angela Merkel sur l’échec du multiculturalisme. Le leader de la droite hongroise, le Premier ministre Viktor Orbán, conservateur nationaliste, est celui qui a poussé le plus avant cette préemption des thèmes d’une extrême droite dont il s’est, depuis, un peu distancié. Mais depuis son arrivée au pouvoir, fort d’une majorité des deux tiers, il ne cesse de remettre en cause les garde-fous démocratiques mis en place à la fin du communisme.
19/4/2011, MARC SEMO
Source : Libération