Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi vont proposer mardi un réexamen des accords.
À Rome
«Nous avons trouvé l'accord», annonce le porte-parole du Palais Chigi (le Matignon italien) et secrétaire d'État, Paolo Bonaiuti, à la veille du sommet franco-italien qui se déroulera mardi à Rome. Les fortes dissensions qui ont divisé les deux pays ces derniers temps, aussi bien sur la conduite des opérations en Libye que sur la question des permis de séjour provisoires distribués par l'Italie aux quelque 20.000 clandestins tunisiens débarqués sur l'île de Lampedusa, seraient donc surmontées.
Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi devraient lancer un appel commun à l'Europe, pour l'inviter à revoir l'accord signé en 1985 à Schengen sur la frontière commune. «Une révision s'impose pour adapter cet accord à des temps et un monde qui changent rapidement», affirmait dimanche le chef de la diplomatie transalpine, Franco Frattini. «Personne, pas même la France, ne veut torpiller cet accord. Mais il faut faire ce qui a été fait pour adapter l'euro au pacte de stabilité et de croissance», ajoutait-il dans une interview donnée au quotidien d'affaires Il sole 24 Ore.
Parvenir à un tel accord implique d'avoir surmonté tant de «malentendus». Exercice difficile, tant reste vif le ressentiment du côté italien. Les griefs de Rome portent d'abord sur la gestion de la crise libyenne. Rome a reproché à Paris d'avoir pris la tête de la coalition anti-Kadhafi sans l'avoir suffisamment associée. Silvio Berlusconi, dont l'amitié avec le Guide était notoire, s'est offusqué d'avoir été informé tardivement du déclenchement des opérations, alors que les appareils français pilonnaient déjà la Libye. Franco Frattini s'est aussi indigné que la France, la première, reconnaisse le Conseil national de transition (CNT) le 10 mars, sans en référer à l'Europe. Avant d'en faire autant trois semaines plus tard et d'accueillir le président de ce même conseil provisoire, Mustapha Abdel Jalil, mardi dernier à Rome.
Un climat de sourde hostilité
Quant à la gestion des flux migratoires, elle a donné lieu à un échange d'invectives qui sont loin d'être résorbées. La France est accusée de «manquer de générosité» en n'accueillant pas les clandestins tunisiens. Un ministre s'est même écrié que si elle ne voulait pas appliquer l'accord de Schengen, elle n'avait «qu'à en sortir». Les entretiens du 8 avril à Milan entre Claude Guéant et son homologue italien Roberto Maroni n'ont pas suffi à désamorcer ces tensions. La fermeture temporaire par la France de sa frontière de Vintimille pendant six heures, le 17 avril, a suscité à Rome un tollé qui ne s'est dissipé que quand Bruxelles a donné raison à Paris.
Ce climat de sourde hostilité a été attisé de surcroît par les visées de plusieurs groupes français sur des joyaux du patrimoine italien: LVMH a fait main basse sur Bulgari. EDF veut prendre les commandes de l'électricien Montedison. Lactalis cherche à conquérir le laitier Parmalat que le Trésor italien estime «stratégique» à l'économie nationale et veut défendre à tout prix.
Aussi a-t-il été décidé d'anticiper le sommet qui aurait dû se tenir fin juin et d'en restreindre les délégations. François Fillon, Alain Juppé, Claude Guéant et Christine Lagarde accompagneront Nicolas Sarkozy.
Par Richard Heuzé
24/4/2011