Face à l’insistance de la France et d’autres grands pays, la Commission de Bruxelles est prête à revoir les accords de Schengen.
S’achemine-t-on, en dépit des accords de Schengen régissant la libre circulation des personnes au sein de l’espace communautaire européen, vers un retour beaucoup plus visible des contrôles aux frontières nationales des pays de l’Union? C’est l’objet actuellement d’une âpre négociation entre la Commission de Bruxelles d’un côté et quelques grands pays emmenés par la France de l’autre.
Saisie d’une demande conjointe de la France et de l’Italie, à la suite de l’arrivée soudaine de migrants venus surtout de Tunisie, la Commission doit adopter aujourd’hui des propositions pour étendre les cas où les contrôles aux frontières peuvent être rétablis à l’intérieur de l’espace Schengen.
Les populismes ont le vent en poupe en Europe
Pour le moment, seules des raisons « d’ordre public » (par exemple pour un sommet international ou un match de football) ou de « sécurité nationale » peuvent être invoquées par les Etats. Bruxelles serait d’accord pour envisager deux autres cas supplémentaires : lorsqu’un Etat gérant une frontière extérieure est manifestement défaillant (la Grèce est ainsi régulièrement pointée du doigt) ou lorsqu’il se trouve débordé par un afflux de migrants, ce qui fut le cas de Malte ou de l’Italie.
José-Manuel Barroso, le patron de la Commission européenne, voudrait s’en tenir à ces ajustements qui ne visent qu’à compléter le « code » de Schengen, alors que le gouvernement français, tout en saluant ces avancées, souhaite, lui, une modification plus profonde. Un projet que Bruxelles ne voit pas d’un très bon œil, inquiet des difficultés juridiques — une refonte nécessiterait un accord à la majorité qualifiée entre les Etats — et soucieux de ne pas encourager une surenchère des populismes qui ont aujourd’hui le vent en poupe en Europe.
Paris n’entend pas en rester là et pointe notamment la « gouvernance trop administrative et techno de Schengen ». Dans l’entourage de Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, on se félicite d’avoir obtenu de la Commission « une autocritique sur le mode de fonctionnement du droit européen ». « C’est une vraie révolution », insiste-t-on en assurant que les grands pays européens comme l’Allemagne ou l’Italie appuient la position française.
Pour autant, le rétablissement « temporaire » des frontières nationales dans les moments de tension migratoire ne sera pas mis en place tout de suite. Les propositions de la Commission seront discutées le 12 mai à Bruxelles par les ministres de l’Intérieur et de la Justice avant d’être soumises aux chefs d’Etat de l’Union au sommet du 24 juin. « On sait très bien qu’il y aura des étapes, mais l’essentiel est d’avoir ouvert la porte de la discussion », indique-t-on place Beauvau.
4/5/2011