L’Europe est-elle condamnée à ouvrir ses portes aux flux migratoires en provenance de la rive sud de la Méditerranée à long terme ? La réalité économique et les défis futurs qui guettent l’Union européenne sont loin de démentir cette tendance. Le consensus sur la gestion des flux migratoires est plus qu’une nécessité pour les deux parties afin de sauvegarder la pérennité des domaines où la coopération est sur le point de se renforcer, comme les volets économique et commercial.
Mis en place en 2010 par la Commission européenne pour se pencher sur les perspectives géopolitiques euro-méditerranéennes à l’horizon 2030, un groupe d’experts, spécialisés dans divers domaines, (économie, politique), vient de mettre au point un rapport détaillé qui fait ressortir de nombreux éléments qui concourent à un rapprochement inévitable entre le nord et le sud de la Méditerranée.
Au volet relatif à l’évolution démographique dans la région, le rapport souligne : «La population des pays actuellement membres de l’Union européenne restera en 2030 pratiquement à son niveau actuel (500 millions d’habitants). Cependant, du fait de son vieillissement, elle perdra 20 millions d’actifs dans les tranches d’âge de 15 à 65 ans, ce qui posera des problèmes aigus notamment pour le financement des systèmes sociaux.
Celle des pays du sud et de l’est de la Méditerranée, particulièrement jeune aujourd’hui, passera dans le même temps de près de 300 millions à 370 millions. La tranche d’âge de 15 à 65 ans croîtra d’environ 55 millions».
Pour compenser le déficit en main-d’œuvre qu’induira le ralentissement de la croissance démographique au niveau local, les pays européens devront s’ouvrir à l’émigration, déduit ce groupe d’experts qui suggère, au chapitre des propositions qui ont été formulées pour la transition, la mise en place d’«une politique d’immigration visant à un meilleur accueil et à une meilleure intégration des immigrés – tout en reconnaissant les préoccupations légitimes des pays hôtes.
Cela serait de nature à réduire l’impact des pratiques politiques essentiellement électoralistes et démagogiques». Les flux migratoires sont appelés en tout cas à s’accentuer vers le Nord à la faveur de la croissance démographique dans les pays du sud méditerranéens où, estiment ces experts, «le développement économique des pays du sud et de l’est de la Méditerranée ne suffira pas à créer des emplois dans la même proportion – alors même que le taux de participation au marché du travail y est déjà faible et que le besoin d’emploi devrait être accentué par un désir accru de participation des femmes».
Pour une meilleure régulation de transfert de la main-d’œuvre des pays du Sud vers le Nord, le même document suggère une sorte de solution pratique en soulignant qu’ «il y a là un facteur de complémentarité entre le besoin européen de travailleurs actifs et le besoin d’emploi du sud et de l’est de la Méditerranée, pour peu qu’on renonce à la peur de l’immigration et que des efforts soient mis en oeuvre pour résoudre les problèmes objectifs qu’elle peut poser».
Le consensus sur la gestion des flux migratoires est plus qu’une nécessité pour les deux parties afin de sauvegarder la pérennité des domaines où la coopération est sur le point de se renforcer, comme les volets économique et commercial où, souligne le rapport sur l’Euromed 2030, «les intérêts mutuels sont à l’évidence forts : l’Union européenne est, de loin, le premier partenaire commercial de nombreux pays méditerranéens et le restera malgré la montée en puissance d’autres acteurs du commerce mondial.
Appuyer la transition démocratique
L’un des objectifs majeurs du Processus de Barcelone était de constituer une zone euro-méditerranéenne de libre-échange et de développer les échanges commerciaux – les résultats observés actuellement sont modestes, mais le potentiel est bien réel». Les vulnérabilités auxquelles sont confrontées les économies des deux rives, elles aussi, nécessitent le rapprochement entre le Nord et le Sud.Pour relever le défi énergétique, le document requiert la nécessité de «renforcer les réseaux d’approvisionnement à travers la Méditerranée, pétrole, gaz et électricité par des réseaux interconnectés, d’améliorer l’usage efficace de l’énergie, (jusqu’à présent cela n’a pas constitué une priorité sur les rives méridionale et orientale, où des politiques d’énergie subventionnée ont des effets pervers à la fois sur le développement économique et sur le plan social, les subventions profitant en réalité davantage aux plus riches qu’aux plus pauvres) et d’exploiter le potentiel considérable d’énergies renouvelables, notamment solaire, des pays de la région ».
Dans le domaine politique, les experts qui ont élaboré le rapport Euromed 2030, suggèrent à la Commission européenne plus d’implication dans la promotion de la démocratie dans les pays du sud. Il y est noté, à cet effet : «Du côté du Sud et Est, où certains régimes autoritaires en place peuvent constituer en eux-mêmes un frein, il faut soutenir l’évolution profonde des sociétés orientées vers l’ouverture. L’Union européenne ne peut pas et ne doit pas chercher à pousser elle-même hors du pouvoir ceux qui le détiennent, mais elle peut accompagner les mouvements sociétaux endogènes qui le permettront un jour».
En conséquence, Bruxelles tiendra-t-elle compte de cette recommandation en s’impliquant davantage dans les mutations profondes que traverse actuellement la rive sud avec les mouvements révolutionnaires qui ont tendance à n’épargner aucun régime despotique ?
9/5/2011, Mohamed Naili
Source : El Watane