Mettre un micro devant Claude Guéant, depuis qu’il est ministre de l’Intérieur, c’est s’assurer d’avoir des propos qui choquent sur l’immigration. Hier, sur Europe 1, cela n’a pas loupé. Interrogé par Jean-Pierre Elkabbach, sur sa volonté déclarée de diminuer l’immigration légale, l’ex-secrétaire général de l’Elysée a déclaré : «Contrairement à une légende, il est inexact que nous ayons besoin de talents, de compétences [issus de l’immigration, ndlr]. Il y a de l’ordre de 2 000 personnes qui viennent à ce titre. Mais on n’a pas besoin de maçons, de serveurs de restaurants. Il y a en France de la ressource parmi les Français.»
«Echec». Tout cela rappelle furieusement le slogan du FN, «Un travail aux Français», mais le ministre refuse de l’admettre. «Les mots du Front national n’ont aucune consistance. Et jamais ses idées ou ses mots n’ont été utilisés», s’est-il contenté de répondre dimanche, tout en ajoutant : «II y aurait un grand tort des familles républicaines à laisser au Front l’exclusivité des souffrances des Français. Et on devrait être ravi qu’un parti politique s’empare d’un problème pour le régler de façon républicaine.»
Pour Guéant, si les Français souffrent, c’est à cause du «communautarisme» et de «l’échec de l’intégration».«Contrairement à ce qu’on dit, l’intégration ne va pas si bien que ça, considère-t-il. Le quart des étrangers qui ne sont pas d’origine européenne sont au chômage, les deux tiers des échecs scolaires, c’est l’échec d’enfants d’immigrés.» D’où la solution préconisée par le ministre : faire passer de 200 000 à 180 000 le nombre d’immigrés légaux.
Le raisonnement fait hurler Dominique Sopo, président de SOS Racisme : «L’échec scolaire est un problème de classe sociale, explique-t-il. On devrait plutôt se poser la question de comment faire pour que la méritocratie républicaine soit une réalité plutôt que de réduire la population d’immigrés.» Et d’ajouter : «Il y a aujourd’hui une tentative extrêmement forte de développer dans l’opinion publique une défiance vis-à-vis de l’étranger pour récupérer l’électorat du Front national.»
«Peur». Un sentiment partagé par Arielle Schwab, présidente de l’Union des étudiants juifs de France : «Guéant alimente la peur de l’étranger. Quel que soit le critère choisi, nationalité, couleur de peau, religion, l’autre est perçu comme envahissant, menaçant, gênant. L’étranger est vu comme une épine dans le pied de la France.»
23/5/2011, Nicolas Cori
Source : Libération