Depuis la loi du 15 mars 2004 interdisant l'école publique aux élèves musulmanes portant le foulard, des exclusions se sont multipliées, non seulement à l'encontre des élèves mais aussi à l'encontre des mères d'élèves, que ce soit pour l'accompagnement des sorties scolaires ou pour la participation à des réunions au sein de l'école.
Malgré un avis de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité), rappelant que l'interdiction du foulard ne s'applique pas aux parents d'élèves, le ministre de l'éducation nationale, Luc Chatel, a annoncé son intention d'instaurer par décret cette nouvelle discrimination. La proposition vient d'être reprise dans le programme de l'UMP pour 2012 - parmi 26 propositions tout aussi inquiétantes, légalisant notamment la discrimination à l'embauche contre les femmes portant le foulard, y compris dans le secteur privé !
Ces mesures obéissent à une même logique de stigmatisation et d'exclusion, en rupture complète avec les principes laïques tels qu'ils ont été fixés par la loi de 1905 et les lois Ferry-Goblet sur l'école.
Nous refusons ce détournement de la laïcité, qui s'inscrit dans une série interminable d'offensives : loi anti-foulard, loi anti-niqab, débat sur l'identité nationale, stigmatisation des prières de rue, des minarets et des menus halal, invectives de Nicolas Sarkozy sur "l'égorgement du mouton" et de Claude Guéant sur le "trop grand nombre" de musulmans, "débat sur l'islam" rebaptisé "débat sur la laïcité", appels à généraliser l'interdiction du foulard aux usagers des services publics...
Nous refusons cette logique de guerre et de mise au ban, qui désigne les femmes portant le foulard comme des pestiférées, tend à les disqualifier aux yeux de leurs propres enfants, et leur adresse ce message implicite : "Restez dans vos cuisines !"
Parce que l'école publique ne doit pas choisir son public, parce qu'elle doit être un lieu de rencontre et non d'exclusion, parce qu'elle doit promouvoir le droit à la différence et non le mépris de l'autre, parce que nous tenons au principe de laïcité, aux libertés individuelles et à l'égalité de traitement, parce qu'un Etat démocratique n'a pas à imposer à ses citoyens leur manière de s'habiller, parce que ce sont une fois de plus des musulmans, et une fois de plus des femmes, qui sont discriminés, nous serons, dans les mois qui viennent, femmes et hommes, avec ou sans foulard, solidaires pour défendre un droit élémentaire.
Celui du droit pour une femme portant un foulard de vivre, travailler et s'impliquer aussi pleinement qu'elle l'entend dans la scolarité de ses enfants, au même titre que n'importe quel autre parent.
Sans attendre 2012, nous exigeons l'abandon pur et simple du projet Chatel, et l'arrêt de ces exclusions illégales.
3/6/2011
Source : Le Monde