samedi 23 novembre 2024 17:19

Culte musulman, une instance en divorce

Les adeptes de l’islam doivent élire leurs délégués au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM). Le boycott s’annonce massif.

Le croissant islamique à l'entrée de la Grande mosquée de Paris, en mars 2011. (AFP Lionel Bonaventure)

Les musulmans sont appelés aux urnes dimanche. Enfin, quelques musulmans. Les mosquées peuvent envoyer des délégués voter pour le renouvellement des 25 conseils régionaux du culte musulman (CRCM), qui éliront à leur tour le président d’un conseil national (le Conseil français du culte musulman, CFCM) plus affaibli que jamais. Moins de la moitié des lieux de culte se sont inscrits (700 environ), car le scrutin fait l’objet d’un boycott de la part de plusieurs fédérations musulmanes. Elles refusent de se plier à un mode d’élection absurde, dont les résultats seraient courus d’avance.

Imaginé par Jean-Pierre Chevènement, le CFCM est sorti aux forceps en 2003, alors que Nicolas Sarkozy était à l’Intérieur. Il s’agissait d’aider la deuxième religion française à s’organiser, à défendre «les intérêts» et «la dignité» des musulmans. Pour l’Etat, l’enjeu était aussi de se trouver des interlocuteurs et de réduire l’influence des Etats étrangers.

Danger. En huit ans, les conseils régionaux ont montré leur utilité pour dédiaboliser les représentations, aider à la construction de carrés musulmans dans les cimetières, former des imams ou sensibiliser les petites mosquées au danger des discours radicaux. Au niveau national, c’est beaucoup plus laborieux. Les grandes fédérations musulmanes (organisées pour la plupart en fonction des pays d’origine) traînent les pieds, ne tenant pas à asseoir l’autorité d’un conseil qui réduirait leur influence. Cela a donné lieu à des débats interminables pour l’élaboration du mode de scrutin, qui se révèle ubuesque. Chaque salle de prière dispose d’un délégué par tranche de 100 m2, quelle que soit l’affluence. Les plus grandes ne s’y retrouvent pas, car le nombre de délégués est limité à 15 à partir de 800 m2 (18 pour la Grande Mosquée de Paris). Cela favorise les jeux d’alliances.

Report. En 2008, le Rassemblement des musulmans de France, proche du Maroc, a conquis de cette façon la présidence du CFCM, après deux mandats de Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui depuis boycotte le conseil. Cette année, l’UOIF (Union des organisations islamiques de France) rejoint la fronde. «Cette élection organise la diversité ethnique, pas le culte musulman», dénonce son président, Fouad Allaoui. Comme la Grande Mosquée de Paris, il demande un report, le temps de changer les statuts, ce que tout le monde s’était engagé à faire dès 2003. Mohammed Moussaoui, président depuis 2008 du CFCM, propose pour sa part de voter d’abord et de mettre ensuite en chantier la réforme.

Parmi les régions où le boycott sera le plus fort, Rhône-Alpes : 16% des mosquées se sont inscrites, contre 80% en 2008. Le président de son CRCM, Azzedine Gaci, ne se représente pas. Vendredi, il confiait, amer : «Une élection de religieux devrait s’accompagner d’éthique, de morale. Au lieu de cela, c’est depuis le début une occasion de haine, de rivalité et d’une course aux mètres carrés. Les musulmans n’ont pas envie d’être représentés comme cela.»

4/6/2011, OLIVIER BERTRAND

Source : Libération

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