samedi 23 novembre 2024 16:46

Immigration, prisons, binationalité : l’UMP polarise le débat sur la sécurité

On sent que 2012 approche. A l’UMP, on a déjà préparé ses thèmes de campagne. Après celle menée par Guéant et Sarkozy, le parti organisera une convention sur l’immigration en juillet. Trois mois après la convention sur l’Islam. Nicolas Sarkozy avait déjà donné le ton cet été et lors de son discours en février, la droite fera campagne sur les thèmes de l’identité, de la sécurité et de l’immigration. Plus que le président sortant, c’est le ministre de l’Intérieur qui fera campagne en 2012. Une façon de galvaniser (ou de récupérer) un électorat conservateur tenté par le FN. Et dans le numéro du Point qui vient de paraitre, Patrick Buisson annonce la couleur : le Président lui a confié les clefs de sa campagne de 2012. « S'il perd, dit-il, ce sera de ma faute! »

L’UMP s’est aussi trouvé de nouvelles marottes comme la binationalité. Claude Goasguen avait fait scandale en souhaitant « limiter » la binationalité. Ne souhaitant pas se faire couper l’herbe sous le pied, Marine Le Pen a ensuite rappelé une vieille idée du FN en demandant la suppression pure et simple de la binationalité. La Droite populaire, qui en avait fait sa marotte, hurle au vol de programme. De son côté, Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, a préféré botter en touche et a renvoyé à la convention sur l’immigration. Sur le même thème, Europe1 a pu bénéficier, par une heureuse coïncidence, d’une fuite sur un refus du ministère de l’Intérieur de naturaliser un Algérien au nom de sa « conception dégradante de la femme ».

La droite tient aussi à s’occuper des prisons. Eric Ciotti, toujours présent sur les thèmes liés à la sécurité, vient de remettre au chef de l’Etat un rapport sur l’exécution des peines. Trois mois après une convention UMP sur le sujet qui avait déjà développé ces idées. Ce rapport est plus celui d’un cadre UMP pour le candidat de son parti que d’un député de la Nation au président de la République.

Sarkozy désavoue Sarkozy

Au menu du rapport Ciotti : mettre fin aux réductions automatiques de peines (accordées sauf en cas de mauvaise conduite), limiter les aménagements de peines pour les condamnations à moins de deux ans permettant de ne pas aller en prison, créer 20 000 places pour les détenus d’ici 2018, confier au seul parquet l’exécution des peines de prison à la place des juges d’application des peines… Autant de propositions qui remettent en cause certains des engagements de la droite, notamment concernant les réductions de peine.

Dès 2002, la droite avait lancé le chantier de la surpopulation carcérale en créant même le poste de « secrétaire d’Etat aux Programmes immobiliers de la justice » occupé par Pierre Bédier jusque 2004. Ce dernier a dû quitter son poste à cause d’une mise en examen pour une affaire de corruption. Neuf ans après, on apprend que la France a battu son record de surbooking en prison. Au 1er mai, on comptait 64 250 détenus pour 56 150 places soit un taux de suroccupation de 115%.

De même, les réductions automatiques de peine ont été créées par la loi Perben II de 2004, les aménagements de peine par la loi Dati de 2009. Cette dernière, déjà peu encline à laisser sa place à Fillon pour les législatives 2012, a d’ailleurs vertement critiqué le rapport Ciotti, alors que le Président faisait savoir, lui, qu'il y était plutôt favorable. De même, le projet de loi sur les jurés populaires prévoit de maintenir le rôle des juges d’application des peines mais en mettant à leurs côtés deux jurés tirés aux sort dans les cas concernant les condamnés à plus de cinq ans. Le rapport Ciotti en confiant cette tâche au parquet envoie à la corbeille cette réforme.

Que fait la gauche ?

La droite est aussi passée à l’offensive sur la sécurité urbaine. A Sevran, où le maire écolo Stéphane Gatignon a demandé l'envoi de « Casques bleus » contre les dealers qui s’affrontent à coups d’armes à feu, Eric Raoult s'est offusqué en jouant les droits-de-l'hommistes tandis que Claude Guéant montrait ses muscles. « Je peux vous assurer qu'entre la justice et la police, nous allons vraiment unir nos efforts pour que les voyous payent, (leur) place est en prison (...) la lutte sera impitoyable contre les voyous », a-t-il promis. Mais la situation de Sevran marque surtout l’échec de son chouchou le préfet de Seine-Saint-Denis Christian Lambert.

Même situation à Corbeil-Essonne, dans la cité des Tarterêts, où un CRS a été blessé par des jeunes armés de barres de fer le 25 mai, deux suspects ont été arrêtés. Dimanche, une enfant de 10 ans a été blessée suite à des affrontements entre la police et des jeunes, elle a été placée en coma artificiel. La police et les habitants se sont mutuellement accusés de la responsabilité de cet incident. En visite à Corbeil, Claude Guéant, lui, sortait a de nouveau sorti son Kärcher : « Il faut donc que nous prenions en compte ce phénomène de bandes et que nous les mettions hors d'état de nuire ». Mais un récent rapport de la Chambre régionale des comptes pointait les failles de la Mairie UMP de la ville en matière de sécurité notamment sur l’inefficacité de la vidéosurveillance et le manque d’information de la mairie sur la situation de sa ville. Un autre symbole de l’échec de la droite en matière de sécurité. Qu'importe : au lieu de montrer en quoi tous ces évènements montrent l'échec de l'action gouvernentale sur la sécurité, les médias se contentent de mettre en scène les clivages au sein de la majorité entre supposés « bobos » (NKM, Dati, Raoult (!)) et supposés « fachos » (Ciotti, Vanneste, Guéant, Goasguen), exactement comme en 2007.

Face à cela que va faire la gauche ? Peut-elle seulement dénoncer la lepénisation du sarkozysme ? Cette nouvelle campagne de la droite va tester sa capacité à répondre à travers une logique d’efficacité et non pas seulement d’humanité. Le PS a déjà timidement entamé ce virage sur la sécurité. A propos du rapport Ciotti, le député Jean-Jacques Urvoas a d’ailleurs noté l’entourloupe avec une droite qui cherche « des boucs émissaires pour dissimuler son échec dans la lutte contre l'insécurité ». De son côté, Ségolène Royal a mis au défi le gouvernement de tester l’encadrement militaire des jeunes délinquants, sa proposition qui avait fait couler tant d’encre pendant la présidentielle de 2007.

Idem sur l’immigration, le PS cherche à ne plus se limiter aux amalgames droite-FN. La droite a longtemps pensé qu’elle pouvait se permettre toutes les surenchères, face à une gauche qui n’aurait que l’indignation morale pour réponse. Mais le PS veut montrer qu’il a évolué. Reste à savoir s'il est entendu.

9/6/2011, Tefy Andriamanana

Source : Marianne

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