Acteur associatif incontournable en matière d'accompagnement de migrants en France, la Cimade fait valoir son expérience du terrain pour faire des propositions en matière de politique d'immigration. Elle s'adresse aux partis politiques et candidats aux élections présidentielles de 2012, avec comme mot d'ordre : Inventer une politique d'hospitalité en France, une valeur que les débats actuels sur l'immigration occultent et tendent à faire disparaître de l'Hexagone.
« Un véritable contre-projet, qui prend à rebours trente années de politique d’immigration », estime Jean-Baptiste François, journaliste au quotidien La Croix, analysant 40 recommandations publiées lundi 20 juin par la Cimade en matière de politique d'immigration en France. Le document est intitulé « Inventer une politique d'hospitalité », et il s'inscrit dans la devise de la Cimade selon laquelle « il n’y a pas d’étrangers sur cette terre ». Un slogan qui « prend l’exact contre-pied des lois d’inhospitalité actuellement en vigueur » en France, expliquent ses auteurs.
Une position intermédiaire
Ces derniers affirment s'être inspirés des expériences de terrain de la CIMADE (Comité Inter Mouvements Auprès Des Évacués) pour formuler leurs propositions, qu'ils estiment constructives. « Nous ne prônons pas la liberté de circulation et d’installation pour tous, tout de suite ; non, nous ne légitimons pas non plus la logique de contrôle des flux migratoires qui prévaut actuellement », déclarent-ils, deux positions antagonistes qui rendent le débat sur l'immigration « passionnel, inutile et sans issue ». Pour la Cimade, la liberté de circulation et d'installation pour tous est un idéal, mais qui ne peut être atteint qu'en procédant par étapes. Dans ce sens, l'association propose des mesures d'urgence, de moyen terme, et une vision à long terme, basé sur trois socles: la mobilité, l'hospitalité et la citoyenneté.
Maroc ne doit plus être le gendarme de l'Europe
Une grande partie des politiques d'immigration est définie aujourd'hui au niveau européen. L'orientation est sécuritaire et a donné lieu à l'image de la « Forteresse Europe ». Par conséquent, la Cimade adresse une première partie de ses recommandations aux leaders européens, à ceux qui façonnent et influencent la politique migratoire. Réformer les rapports avec les pays d'origine et de transit est le principal objectif formulé.
Le « chantage sur les pays d’origine » des migrants doit cesser, la Cimade préconise l'abolition des clauses de réadmission dans les accords entre l'UE et des pays comme le Maroc. Supprimer l'agence Frontex et réorienter son budget puis arrêter l'externalisation du contrôle des migrants en dehors des frontières européennes sont d'autres recommandations faites par la Cimade pour mettre la politique migratoire sur de nouvelles bases. Dans le cas du Maroc, cela revient à dire que le royaume ne doit plus être le « gendarme de l'Europe ».
Asile, mobilité internationale : respecter la dignité des personnes
En matière d'asile, l'association demande notamment à ce que l'interdiction de travailler pour les demandeurs d'asile soit levée. La Cimade appelle accueillir des demandeurs d’asile et des réfugiés de manière à respecter leur dignité et facilite leur insertion en France.
Assurer la dignité des migrants et demandeurs d'asile revient à créer une culture d'hospitalité en France, qui fait défaut aujourd'hui, selon la Cimade. Une législation de plus en plus contraignante en matière d'entrée sur le territoire, qui donne aux personnes en charge de plus en plus de pouvoir arbitraire sur le sort d'étrangers l'illustre. A court terme, la Cimade propose pour cela d'attribuer un visa de plein droit pour l’ensemble des membres de familles de Français ou d’étrangers installés en France. Cette automaticité existe aujourd’hui seulement pour les conjoints de Français et les conjoints de réfugiés. Sur un autre domaine, la politique de reconduite aux frontières est lourdement critiquée. La Cimade qui intervient dans les centres de rétention administrative à travers la France, juge dangereuse « la banalisation progressive de l’enfermement administratif des étrangers ». Cet enfermement doit rester exceptionnel, exige l'association.
Des propositions basées sur une éthique humaniste... et un souci d'efficacité
D'autres propositions méritent d'être citées, telles la suppression d'objectifs chiffrés de reconduites aux frontières, la dépénalisation du séjour irrégulier en France. Dans un contexte où le débat sur l'immigration en France est marqué surtout par une surenchère populiste entre la droite et l'extrême droite, les propositions de la Cimade viennent à point nommé. Elles ne sont toutefois pas uniquement basées sur des considérations humanistes.
« La lutte contre l’immigration irrégulière crée de la souffrance et coûte chere alors qu’elle ne fonctionne pas », explique Jérôme Martinez, secrétaire général de la Cimade. Selon lui, « il y a toujours entre 200 000 et 400 000 étrangers en situation irrégulière en France. Nous pensons qu’une politique d’hospitalité sera à la fois plus humaine, plus efficace et moins onéreuse. »
Frederic Schmachtel
21/6/2011
Source : Yabiladi