La France et l’Italie ont-elles anticipé le vote par le sommet européen aujourd’hui du rétablissement des contrôles aux frontières à l’intérieur de l’espace Schengen ? C’est ce qu’affirment deux associations, le Gisti et l’Anafé qui ont réalisé une mission d’observation à la frontière franco-italienne mi-avril.
La France et l’Italie sont alors dans une cynique partie de ping-pong avec les migrants tunisiens arrivés depuis quelques semaines sur l’île de Lampedusa. C’est à qui récupérera la patate chaude... Le 5 avril, l’Italie marque un point en annonçant la délivrance de titres de séjour « à titre humanitaire » aux « citoyens de pays d’Afrique du nord », leur permettant de se déplacer dans l’espace Schengen. Colère de la France, qui accuse l’Italie de ne pas avoir contrôlé efficacement ses frontières externes et établie des critères supplémentaires, notamment de ressources, pour franchir la frontière entre les deux pays.
Le bouc-émissaire est tout trouvé : « Il faut une révision en profondeur de notre dispositif de surveillance des frontières dans l’espace Schengen » déclare le ministre de l’intérieur, Claude Guéant. C’est ce à quoi devrait s’atteler aujourd’hui les chefs d’États et de gouvernements des 27 pays de l’Union européenne réunis en sommet à Bruxelles. Si la crise grecque a quelque peu évincé le débat sur l’immigration, elle ne devrait pas empêcher l’ordre du jour de se tenir. Il est fort probable que le sommet adopte la proposition de la Commission européenne de rendre possible le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures en cas de « défaillance »d’un pays membre, ou lorsqu’un pays sera soumis à une « pression migratoire forte et inattendue ». Et ce alors même que les Vingt-Sept font du surplace sur la définition d’un régime commun d’asile.
Cette remise en cause de l’espace Schengen n’est pas sans soulever de vives critiques. Pour le Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme, les migrants risquent d’être les « grands perdants » de ce sommet européen. « Les textes fondateurs de l’Union européenne, qui posent le principe de la libre circulation entre les États membres, risquent-ils ainsi d’être remis en cause au gré des fantasmes sécuritaires de leurs dirigeants ? » s’interrogent le Gisti et l’Anafé. Lors des deux missions d’observation qu’elles ont organisées entre le 10 et le 18 avril à la frontière franco-italienne, les deux associations ont constaté la « multiplication des contrôles frontaliers non conformes aux règles fixées par le code« Schengen » et à caractère ouvertement discriminatoire ». Les deux associations menacent de saisir les instances européennes pour que soient sanctionnées ces infractions au droit communautaire.
23 juin 2011, Marie Barbier
Source : L’Humanité