samedi 23 novembre 2024 19:32

Les 100 ans de «Parc-Ex»: les immigrants passent, le quartier reste

Où à Montréal, peut-on trouver côte à côte une mosquée, un magasin de saris, une épicerie ghanéenne et une boulangerie grecque? Si vous répondez Parc-Extension, vous gagnez.

Avec plus de 75 communautés différentes et 70% de sa population qui est née hors du Canada, «Parc-Ex» est peut-être le quartier le plus multiethnique de la ville, ex aequo avec Côte-des-Neiges. Une petite balade rue Jean-Talon, entre l'avenue du Parc et le boulevard de l'Acadie, suffit à s'en rendre compte. Ici plus qu'ailleurs, la cohabitation est une réalité qui se décline au quotidien.

Comment s'agence une telle mosaïque de cultures? Comment s'est-elle développée? L'exposition 100 ans d'histoires - Raconte-moi Parc-Extension, qui est présentée jusqu'en décembre à la mairie de l'arrondissement, s'est penchée sur la question.

Piloté par le Centre d'histoire de Montréal dans la foulée des fêtes du centenaire de Parc-Extension qui ont eu lieu l'an dernier, ce projet multimédia explore la mémoire et la dynamique du quartier, par des photos actuelles, d'archives et une vingtaine de témoignages audiovisuels de commerçants, de figures religieuses ou de simples résidants.

Le résultat est assez modeste: quatre stations et une soixantaine de photos. Mais il donne un autre éclairage sur ce petit quartier enclavé, qui n'a pas toujours eu bonne presse.

Un quartier parmi les plus pauvres

Oui, Parc-Ex est l'un des quartiers les plus pauvres et les plus densément peuplés du Canada (32 000 personnes réparties sur à peine 1,6 km2). Mais c'est aussi un inestimable point de chute pour beaucoup de nouveaux arrivants. Et pour Jean-François Leclerc, directeur du Centre d'histoire, c'est une des premières choses qui ressortent de l'exposition. «Les problèmes sociaux sont bien réels. Mais c'est aussi un quartier qui les rassure parce qu'ils ne s'y sentent pas étrangers. Parce que leurs églises ne sont pas loin. Parce qu'il y a une vie de quartier et une vie associative très forte.»

Rien n'indique que cela changera de sitôt. Alors que les quartiers qui l'entourent s'embourgeoisent à grands pas, Parc-Ex demeure pour l'instant un lieu de transit où les loyers sont abordables, mais l'accès à la propriété difficile. Dès qu'ils en ont les moyens, beaucoup de résidants quittent d'ailleurs le quartier pour s'établir en banlieue.

Ce va-et-vient constant explique en partie l'extraordinaire diversité de Parc-Ex, qui fut successivement perçu comme un ghetto anglophone, ukrainien, arménien, grec, sud-asiatique et ghanéen. Mais ces vagues d'immigration n'ont pas toujours laissé de traces, d'où l'importance de cette exposition à cachet historique.

«Un quartier n'est pas une page blanche, conclut Jean-François Leclerc. C'est un lieu avec une histoire. Pour nous, c'était là tout le défi. Raconter ce qui était là avant. Montrer qu'il y a eu une présence, même passagère. Et transmettre cette mémoire avant qu'elle ne disparaisse. Qui sait? Dans 20 ans, il n'y aura peut-être aucune trace que les Grecs sont passés par là.»

100 ans d'histoires - Raconte-moi Parc-Extension, jusqu'au 12 décembre à la mairie de l'arrondissement de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, 405 avenue Ogilvy.

Parc-Extension: un siècle d'immigration

Parc-Extension n'a pas toujours été un quartier d'immigrants. En 1910, année de son annexion à Montréal, ce quartier agricole est surtout habité par des francophones. Mais avec la spéculation immobilière, la population va se diversifier. Ce sont d'abord des Britanniques qui travaillent dans l'industrie de la construction, puis des Ukrainiens, des Polonais et des Italiens, qui s'installent après la Seconde Guerre mondiale. Au début des années 60, «Parc-Ex» est adopté par la communauté grecque, qui façonne le quartier à son image. Celle-ci migre progressivement vers Laval, mais laisse derrière elle trois églises orthodoxes, quatre boulangeries, des bars, des associations et bon nombre de restaurants. Au début des années 80, la vague sud-asiatique (Indiens, Pakistanais, Bengladis, Sri-Lankais) comble le vide laissé par les Grecs et donne une couleur curry au quartier, que certains surnomment désormais Little Bombay. Plus récemment, les Ghanéens y ont pris leur place, autour de certaines institutions comme Ghanacan, Mama Love et Marché d'Afrique. Qui seront les prochains?

Cinq adresses pour faire le tour du quartier

Afroditi > 756, rue Saint-Roch 514-277-5705 www.afroditi.ca

Cette pâtisserie grecque ouverte en 1971 tient un appétissant comptoir de desserts aux noms impossibles (bougatsa, diples, ek mek, galaktobourikos, tsourekis) sans oublier l'incontournable melomakaronas, délicieux petit gâteau enrobé de miel et de noix. Bon point pour la déco, style «lampe Tiffany».

Café Cozmos > 880, rue Jean-Talon Ouest 514-279-7144

Attention, repaire masculin. Des Grecs d'un certain âge viennent ici pour échanger, boire et profiter de l'antenne satellite. Avec sa clientèle qui vieillit, l'endroit vibre moins qu'avant. Mais affiche toujours complet les jours de soccer, quand la télé et la musique grecque se chamaillent dans les haut-parleurs.

Marché Pryanka > 808, rue Jean-Talon Ouest 514-278-5757

Cette petite épicerie sud-asiatique abrite un des secrets les mieux gardés de Montréal: au fond de l'établissement, vous trouverez un incroyable comptoir de CD et de cassettes de musique indienne en tout genre, du raga classique à la trame sonore. Ce kiosque surréaliste est tenu par un sikh, mémoire vivante de film bollywoodien à Montréal.

Fondé en 1992 dans une ancienne bâtisse industrielle, ce temple hindou n'a cessé de prendre de l'expansion, à l'image de la communauté hindoue. La déesse Durga y est principalement vénérée et ses activités sont nombreuses, à commencer par leur festival annuel, qui a lieu aujourd'hui et demain.

2/7/2911, Jean-Christophe Laurence

Source : Cyberpresse.ca

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