L'UMP organise jeudi 7 juillet une convention sur l'immigration. Le sujet déchire le parti, entre les modérés et les tenants d'une ligne dure. Pour Malika Sorel, membre du Haut conseil à l'intégration, il faut arrêter les petites polémiques autour de la binationalité pour appréhender le sujet dans son ensemble.
Malika Sorel : Je crois que tout le monde est gêné par ce thème parce que l'Etat, qu'il soit incarné par la gauche ou par la droite, a trop tardé à traiter du sujet. Il s'en est emparé régulièrement, en faisant augmenter la pression, sans s'attaquer nécessairement au fond du problème. On est dans une situation où l'on ne peut plus en parler. Tout prête à polémique. Cela devient épuisant.
Il y a la gauche qui crie à l'instrumentalisation, mais aussi l'extrême-droite qui empêche de traiter le sujet, comme lorsque Marine Le Pen a décerné un titre de "membre d'honneur" du FN à Claude Guéant. Alors qu'au Royaume-Uni, les différents partis arrivent à en parler et à s'entendre. Pourquoi n'y arrive-t-on pas en France ?
On a déjà énormément d'informations sur ce qu'il se passe sur le terrain. Il faut agir et faire fi des accusations et des procès en sorcellerie. Que les hommes politiques travaillent pour la France et pas pour leur réélection ! J'aime beaucoup rappeler cette phrase du général de Gaulle : "Il n'y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités." C'est de cela qu'on manque. Il faut travailler sur la question des flux migratoires, y compris de l'immigration familiale, qui sont trop importants pour être ingérés. Il faut une refonte complète du droit de la nationalité. Il faut aussi que les politiques arrêtent de dire tout et son contraire pour que les populations immigrées comprennent ce que l'on attend d'elles.
Qu’est-ce que vous pensez de la cristallisation du débat à l’UMP autour de la binationalité ?
C'est un vrai problème, mais qui ne peut pas être dissocié d'une refonte du code de la nationalité. Ce dernier est une aberration, qui remonte à une époque lointaine. Les hommes politiques ont fait comme si le monde n'avait pas changé. Par exemple, autrefois, lorsque des migrants intra-européens se déplaçaient au sein de l'Europe, les moyens de communication et de transport faisaient qu'ils n'avaient pas d'autre choix que de laisser leurs enfants s'enraciner dans la terre d'accueil. Aujourd'hui, ce n'est plus du tout le cas. Les enfants sont en connexion permanente avec leur culture et leur pays d'origine. Ils n'ont plus besoin de s'enraciner. D'ailleurs, leurs parents ne les laissent plus pour beaucoup s'enraciner, l'origine de notre problème est là.
Il faut arrêter avec cette absurdité que l'on appelle l'intégration par la nationalité, quand les hommes politiques s'arrogent le droit de distribuer la nationalité française et attendent ensuite que l'intégration se fasse. Ce n'est pas comme cela que ça marche. On doit donner la nationalité quand on reconnaît que la personne est devenue française, c'est à dire qu'elle possède la mentalité française.
La question de la binationalité, qui épuise notre société en la faisant entrer dans une hystérie collective, ne doit pas être traitée en l'air. On n'avancera pas en séparant les problèmes. Si je ne dois faire passer qu'un seul message, ce sera celui-là : que l'on cesse de tout mélanger !
Est-ce que vous sentez une vraie volonté de la classe politique de s’intéresser au fond du débat ?
Un exemple me tient à cœur. Il y a depuis plusieurs mois un problème qui pourrit la vie dans nos établissements scolaires. C'est la question de l'accompagnement scolaire par les mères voilées. Dès le mois de mars, Luc Chatel aurait dû leur dire que ces sorties dans le cadre du projet éducatif exigeaient le respect de la neutralité. Si le gouvernement est incapable de gérer un petit problème comme celui-là, comment voulez-vous qu'il gère le reste. Que fait-on sur ce sujet des mères voilées ? On attend que les parents se disputent sur le terrain pour que l'Etat agisse ? On ne peut pas demander à des enfants de réussir à l'école si on ne leur assure pas la sérénité.
S'ils veulent vraiment s'engager vers l'intégration, avec la signification que cela implique pour le peuple français, qu'ils suppriment le commissariat à la diversité ! Il faut mettre fin à ces signaux contradictoires envoyés à l'opinion publique, qui expliquent que les gens ne croient plus en rien et aient des soupçons d'instrumentalisation dès que le sujet de l'intégration est mis sur la table. Quand on en vient à faire de l'identité française la variable d'ajustement du politique, ça injecte de la méfiance, et les Français pensent que c'est simplement pour avoir des voix.
7/7/2011
Source : Atlantico