Les reconduites à la frontière devraient passer de 28.000 à 30.000 cette année. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement compte sur les nouvelles dispositions de la loi immigration, dont les décrets d'application ont été publiés il y a quelques jours.
Le gouvernement veut rattraper le temps perdu. Avant de partir en vacances, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a annoncé le relèvement des objectifs de reconduites à la frontière de 28.000, réalisé en 2010, à 30.000 en 2011. Il faut dire que les premiers mois de l'année ont été perturbés par l'enchevêtrement de plusieurs textes juridiques qui ont compliqué le travail de l'administration.
Au premier chef, le retard pris dans l'adoption de la loi immigration, finalement votée en mai 2011. Depuis le 1 er janvier 2011, et avant l'entrée en application de la loi Besson, c'est la directive retour de l'Union européenne qui s'est appliquée. Or ce texte est plus favorable par certains aspects que l'ancienne législation nationale. Il rend obligatoire, pour tout étranger qui opte pour un retour volontaire dans son pays, un délai de sept jours sans mise en rétention. Certains étrangers sans titre profitent de ce délai pour s'évanouir dans la nature. Cette disposition explique en partie la sous-occupation très nette qu'ont connu les centres de rétention administrative (CRA) durant le deuxième trimestre de l'année. Quant aux étrangers qui ont été malgré tout amenés en rétention, des annulations en chaîne ont été prononcées par les tribunaux.
Pour faire face à la multiplication du contentieux sur les étrangers irréguliers, qui explique en partie que plus de 70 % des reconduites ne sont pas exécutées, le gouvernement compte beaucoup sur les nouvelles dispositions de la loi, dont les décrets d'application sont sortis le 18 juillet. Notamment le report de l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) à 5 jours, au lieu de 48 heures. Parmi l'arsenal des mesures adoptées, Claude Guéant met aussi en avant l'allongement de la durée de rétention de 32 à 45 jours. Un allongement qui devrait permettre d'obtenir davantage de laisser-passer consulaires de la part de pays, notamment le Maroc et le Mali, qui mettent souvent plus de 32 jours pour délivrer les documents indispensables à la reconduite. « Je doute que l'on puisse obtenir en 45 jours, ce que l'on n'a pas réussi à avoir en 32 », estime Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile. C'est pourtant l'une des mesures, avec celle du JLD, que le gouvernement a défendu avec le plus d'ardeur pendant les débats parlementaires.
Pression sur les préfectures
Un discours de fermeté, une loi permettant une plus grande efficacité, tout est donc en place pour atteindre le nouvel objectif, dont la portée doit toutefois être relativisée. Une grande partie des reconduites est en réalité intra-européenne. L'exemple des Tunisiens (3.688 d'entre eux ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement depuis le 1 er janvier) renvoyés à la frontière italienne en est un bon exemple. Par ailleurs, un tiers (9.000 sur 28.000 en 2010) des reconduites concernent des ressortissants communautaires, roumains et bulgares. « Nous sommes en plein discours idéologique, poursuit Pierre Henry de France Terre d'Asile, et personne ne sait encore quels seront les effets de la nouvelle loi. Ce qui est sûr en revanche, c'est que les préfectures sont soumises à une très forte pression gouvernementale. Des dossiers de régularisations normalement très simples deviennent de vrais casse-tête du fait de l'acharnement de l'administration. » Preuve de cette pression qui frise parfois le ridicule : la préfecture du Loir-et-Cher, qui n'est pas connue pour accueillir une forte proportion de sans-papiers, a fixé comme « objectif prioritaire du second semestre 2011 » la reconduite de... 35 étrangers sur toute l'année 2011.
8/8/2011, MARIE BELLAN
Source : Les Echos.fr