samedi 23 novembre 2024 19:26

Immigration professionnelle : la France donne un vrai-faux tour de vis

Le gouvernement s'attaque à la liste des trente métiers ouverts aux étrangers. Une "mesurette" très médiatique rapportée aux 25.000 titres de travail attribués chaque année. Explications.

C'est une opération de communication à peine voilée. Un an après le désormais célèbre "discours de Grenoble", dans lequel Nicolas Sarkozy reliait sans détour insécurité et immigration, le gouvernement persiste sur le terrain polémique de l'accueil des étrangers. Il propose la réduction de moitié du nombre de métiers dits "en tension", c'est-à-dire pour lesquels "il est difficile de trouver des candidats sur le marché classique du travail", selon le ministère de l'Intérieur, et ouverts aux étrangers. Ce pour répondre à un taux de chômage élevé. Outre le raccourci discuté qui consiste à lier chômage et immigration légale, cette proposition ressemble à tout, sauf à une véritable mesure.

Sur la manière d'abord, l'annonce en plein coeur de l'été attise les critiques. Le Parti socialiste dénonce une action "en catimini", tandis que les syndicats, qui avaient jusqu'au 8 août pour faire part de leurs commentaires, s'insurgent de ne pas avoir été consultés.

Sur le fond ensuite, le gouvernement semble s'être peu penché sur le sujet puisque la liste qui a "fuité" ne propose que quatorze métiers - "conception et dessin de produits électriques et électroniques" y figure deux fois. La liste définitive devrait être publiée avant le 15 août. Il faut dire qu'après avoir instauré cette liste des 30 métiers (à la suite de la déclaration de Nicolas Sarkozy en 2007 de vouloir augmenter de 7% à 50% la part de l'immigration professionnelle dans l'immigration régulière totale), le gouvernement revient finalement sur sa politique d'ouverture aux travailleurs étrangers, aussi qualifiés soient-ils. Pourtant les visas de travail ne représentent qu'un peu plus de 12% du total des titres délivrés aux étrangers en 2009, soit seulement 24.456 autorisations de travail nouvellement accordées à des étrangers des pays tiers, ou membres de l'Union européenne (UE) en situation transitoire (à ce jour, la Bulgarie et la Roumanie). Rapporté à la population française, cela donne un ratio de 0,04%. Même la présidente du Medef, Laurence Parisot, déclarait en avril ne pas croire que "l'immigration légale par le travail soit un enjeu".

Conventions bilatérales

D'autant que la liste des trente(bientôt 15) métiers en tension est loin d'être le seul moyen d'obtention d'un titre de travail. Pour la Bulgarie et la Roumanie, 150 métiers sont toujours ouverts. Des conventions bilatérales existent avec le Canada, les Etats-Unis, le Maroc, le Sénégal ou encore la Tunisie. Soixante-quatorze métiers sont ouverts aux ressortissants tunisiens, par exemple, avec un contingent de 1.500 titres délivrés par an en 2009, au seul motif des échanges de "jeunes professionnels", dont les durées peuvent aller jusqu'à vingt-qautre mois. L'accord mentionne également la carte "compétences et talents". Valable trois ans, elle concerne les migrants qualifiés et n'impose aucune restriction d'activité professionnelle. Son obtention est conditionnée au projet proposé par le migrant, qui doit contribuer au "rayonnement" de la France ainsi que du pays d'origine du travailleur.

Restent les cartes "scientifiques", délivrées aux étrangers accueillis dans des établissements de recherche ou d'enseignement pour une durée d'un an, mais renouvelables trois fois. Ou encore les titres de séjours provisoires pour étudiants étrangers. Ceux qui représentent près d'un tiers des immigrants autorisés, peuvent ainsi prolonger leur séjour jusqu'à six mois, afin de bénéficier d'une première expérience professionnelle en France.

L'impact de cette nouvelle liste paraît infime. A l'évidence, il s'agit bien, pour la majorité, de séduire un électorat hostile à toute politique d'immigration. Par ailleurs, le gouvernement refuse de communiquer tout chiffre détaillé.

11/08/2011, Agathe Machecourt

Source : La Tribune.fr

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