Il existe aux Pays-Bas un journal (du genre « presse de caniveau ») dont les Marocains constituent la seule raison d’être: c’est le Telegraaf. Il ne se passe pas de jour sans que des pseudo-révélations s’étalent en première page de ce torchon: les Marocains veulent s’emparer du pays… Le Maroc espionne les Pays-Bas… La burqa est l’arme préférée des criminels marocains…
Quand tous les journaux du pays se contentent de rapporter des faits ou d’exprimer les opinions de leurs éditorialistes, le Telegraaf, lui, reproduit verbatim les élucubrations d’un Geert Wilders, ce politicien d’extrême droite qui a bâti toute sa carrière sur l’islamophobie et la marocanophobie. Or, c’est justement là que le bât blesse. Pendant la dernière guerre, ce mêmeTelegraaf avait honteusement collaboré avec l’occupant allemand. Quand c’était le Juif qui était le bouc émissaire de l’Europe, quand on le blâmait pour tout ce qui allait mal, quand on le déportait, le Telegraaf paradait avec les nazis. Aujourd’hui, le bouc émissaire, c’est le Marocain. En attendant la déportation?
La déontologie, ce drôle de canard ne sait pas ce que c’est. Si un Marocain réclame un droit de réponse, il ne reçoit… aucune réponse. Hélas, le Telegraaf est le journal le plus diffusé dans le pays. Ce qui signifie d’ailleurs que la plupart de ses abonnés, dans les banlieues cossues ou les villages paisibles, ne voient jamais un Marocain.
À cause du Telegraaf, un stéréotype s’est installé, du Marocain violent, voleur, fanatique religieux. Bref, inassimilable. Le fait que les Marocains, dans leur immense majorité, se lèvent tôt pour aller au travail et reviennent le soir dans leur famille, qu’ils n’ont d’autre ambition qu’une vie tranquille et une bonne éducation pour leurs enfants, ce fait-là n’est jamais rapporté par le Telegraaf.
Cela dit, quelque chose commence à perturber la propagande de ces imposteurs. Il y a quelques semaines, l’équipe nationale des Pays-Bas jouait un match amical contre le Brésil. Or, dans cette équipe, deux joueurs d’origine marocaine se sont de nouveau distingués: Afellay, le talentueux attaquant de Barcelone, et Boulahrouz, surnommé affectueusement « le cannibale » par ses coéquipiers tant il met du cœur à défendre les couleurs de son pays d’adoption.
Les Néerlandais qui voient ces deux-là « mouiller le maillot » deviennent en quelque sorte immunes à la propagande du Telegraaf et des racistes en général. Ne serait-ce que pour cela, ce n’est pas une mauvaise chose qu’Afellay et Boulahrouz aient choisi de défendre le maillot orange plutôt que le maillot vert. Saupoudrons les Marocains talentueux entre l’Europe et le Maroc: c’est la meilleure arme contre le racisme et la bêtise.
26/8/2011, Fouad Laroui
Source : Jeune Afrique