samedi 23 novembre 2024 21:21

Le carré musulman de Bobigny : une histoire française

Le seul cimetière consacré aux sépultures musulmanes en France est inscrit au titre des Monuments historiques. Un site particulier, dont l'histoire est étroitement liée à la l'histoire de la colonisation et de l'immigration. Une réalisation qui répondait à un besoin. Celui de l'inhumation des immigrés nord-africains, souvent des hommes seuls, sans famille pour assurer le rapatriement du corps au pays.

Au fond de d'une impasse à Bobigny, un porche de style oriental accueille le visiteur. Imaginée par l'architecte Revel, la partie bâtie du cimetière musulman de Bobigny est désormais gérée par l'association des Français Musulmans du Cimetière De Bobigny. Elle comprend une salle de prière, le pavillon de l'imam et une salle pour les ablutions. Autour de ce lieu de vie cultuelle, plus de 7 000 sépultures musulmanes.

Une exception au principe de laïcité

Jusqu'en 1996, c'était la AP-HP qui gérait le cimetière musulman de Bobigny. Un héritage historique puisque le cimetière fut créer le 4 janvier 1934, par décret présidentiel pour accueillir les musulmans mourant à l'hôpital franco-musulman de Bobigny. Une annexe privé de l'hôpital donc qui en aura la gestion jusqu'à la fin des années 90. Mais, constatant des problèmes d'entretiens, le syndicat intercommunal du cimetière des villes d'Aubervilliers, Bobigny, Drancy et La Courneuve va hérité de la gestion de l'espace d'inhumation et entreprendre un travail important de réhabilitation : le cimetière musulman devient par un jeu d'écriture administrative le « carré musulman » du cimetière communal (situé à plus de deux kilomètres).

C'est ce syndicat qui va recenser les tombes du cimetière et commencer un travail de recherche important des familles des défunts enterrés à Bobigny. Des concessions seront proposées à ces familles et le syndicat gère aujourd'hui les relations avec les marbreries, l'entretien et l'attribution des places. Désormais, seules les personnes résidant sur les quatre communes du syndicat ou des personnes ayant un ancêtre enterré au cimetière peuvent y être inhumées. L'association cultuelle voisine ne s'occupe plus que de la partie rituelle.

Un patrimoine exceptionnel et original

Le syndicat intercommunal mène, en partenariat avec le département, une réflexion sur la conservation du cimetière, véritable patrimoine de l'immigration. Ce paysage est exceptionnel, agrémenté d'une végétation méditerranéenne volontairement plantée. L'alignement des tombes, dans la pure tradition musulmane font la singularité du cimetière mais le temps fait son oeuvre. Certaines s’affaissent car elles ne sont pas constituées par des cuves en béton.

Depuis 1996, un travail de recensement a donc été entrepris. Le cimetière étant plein, le syndicat a constitué des ossuaires pour recueillir les os des défunts les plus anciens et permettre l’accueil de nouveaux corps. Les tombes, toutes orientées vers la Mecque, ont des styles différents, des plus simples à des styles plus élaborés, signes des temps.

Ainsi, à la Toussaint, les tombes fleurissent comme dans tous les cimetières de France. Sur certaines tombes, des petits de mots de regrets éternels trônent sur le marbre des pierres tombales. Un Coran miniature voisine avec un photo du défunt, ce cimetière témoigne de l'intégration des musulmans de France.

Un carré militaire rappelle d'ailleurs le rôle joué par les soldats nord-africains lors de la Seconde Guerre Mondiale. Beaucoup d'entres eux sont tombés lors de la libération de Paris. Ils cohabitent avec le champion olympique Boughera El Ouafi ou encore la célèbre princesse Selma, l’héroïne du roman « De la part de la princesse morte », inspiré par sa vie et écrit par sa fille.

La carré musulman de Bobigny est, bien plus qu'un cimetière, un témoignage de l'histoire française. Aussi bien son histoire administrative ou l'étude des choix qui ont prévalu à son organisation, révèlent en filigrane l'histoire des relations entre la France et ses anciennes colonies. Un patrimoine à préserver et à faire connaitre.

8/9/2011, Pauline Compan

Source : Saphir News

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