Après son ouverture en fanfare, avec George Clooney, et un fiévreux premier week-end non moins glamour, le 68e Festival de Venise a fait place à de beaux films, souvent empreints de gravité et tournés vers quelques-uns des enjeux les plus sensibles de nos sociétés.
À commencer par le sort réservé aux migrants clandestins, sujet trouvant un écho particulier en Italie. Rien d’étonnant, donc, à ce que le cinéma transalpin s’empare avec force de la question, notamment à travers le débat, causé depuis quelques années dans le pays par le durcissement de certaines lois.
Terraferma, ou les damnés de la mer
Avec Terraferma, en compétition officielle, le réalisateur Emanuele Crialese, auteur des remarquables Respiro (2002) et Golden Door (2006), met en scène le surgissement, au sein d’une petite communauté insulaire, d’illégaux retrouvés épuisés sur un bateau en perdition, à quelques encablures des côtes. Dans un univers presque obsolète, où vivre des produits de la mer semble relever chaque jour davantage d’un pari insensé, l’échouage de ces damnés contrarie tous les esprits et polarise les réactions.
À ceux qui y voient une mauvaise publicité de nature à anéantir le développement touristique et se contentent d’obéir à une loi interdisant de venir en aide aux infortunés sous peine de graves poursuites, certains opposent un choix de conscience, invoquant d’autres principes, ceux de la mer, profondément ancrées dans l’esprit des vieux marins. Rehaussé par une très belle mise en scène, ce film généreux adresse des hommages plus ou moins discrets au néoréalisme, comme pour une audacieuse mise en perspective de la misère, et a été accueilli avec chaleur par les festivaliers.
La désobéissance civile au cœur de la Mostra
Aux lois de la mer, l’octogénaire Ermanno Olmi adjoint celles de Dieu, en filmant dans Il villagio di cartone (hors compétition) l’acte de résistance d’un prêtre (Michael Lonsdale) ouvrant son Église à un groupe de clandestins africains traqués par la police. Là encore, la question de la désobéissance civile est au cœur de cette œuvre filmée en huis clos, traversée de questions essentielles mais lestée par une symbolique très appuyée.
Dans un autre registre, Ann Hui, cinéaste chinoise de Hong Kong âgée de 64 ans, a également fait très bonne impression, lundi, en présentant en compétition A Simple Life. Histoire douce au lent déploiement, évoquant l’entrée dans une maison de retraite d’une vieille employée de maison sans famille, très liée à l’homme dont elle avait eu la charge dès l’enfance. Faite de petits riens mais inscrite dans une très belle humanité, capable de légèreté comme de beaucoup de profondeur, l’œuvre d’Ann Hui a touché au cœur.
Tout comme le dernier film, en costumes, de cette autre réalisatrice, Andrea Arnold, grand espoir du cinéma britannique (Red Road en 2006, Fish Tank en 2009), qui étonne en adaptant le roman d’Emily Brontë dans Wuthering Heights. Ou les amours impossibles d’un jeune métis et de la fille d’une famille modeste et croyante, revisitant le romantisme anglais avec une audace et une rugosité stupéfiantes.
7/9/2011, ARNAUD SCHWARTZ
Source : La Croix