L’immigration en Libye d’Africains au Sud du Sahara constitue un dossier des plus complexes sur la scène politique et sociale libyenne au cours des quatre dernières décennies et le restera pour une longue période encore, en raison notamment des liens matrimoniaux entre les tribus libyennes et celles de certains pays voisins, tels les Touaregs du Niger et du Mali et les Toubous du Tchad, souvent originaires des régions frontalières où fourmillent, de longues dates, des réseaux de contrebandiers, de rebelles, ainsi que de groupes terroristes.
Si la position géographique de la Libye, avec ses 2.000 km de côte sur la rive sud de la Méditerranée, fait de ce pays une large porte africaine sur l'Europe, ses immenses frontières pour la plupart en bordure du désert, peu ou prou contrôlables, avec six pays d'Afrique que sont la Tunisie, l’Algérie et l’Egypte, mais également le Niger, le Tchad et le Soudan, offrent d’immenses opportunités aux convois d’immigrés africains.
Ce flux incessant d’immigrés africains concerne, non seulement les Africains en quête de travail rémunérateur en Libye, mais aussi et surtout des milliers de clandestins que le mirage de l’eldorado européen ne cesse d’attirer, et qui se servent généralement de la Libye comme d’une terre de transit.
La complexité du dossier de l’immigration en Libye procède du triple rôle que la situation géographique du pays l’assigne à jouer à la croisée des flux migratoires, servant aussi bien de havre d’accueil des travailleurs, de terre de transit aux migrants vers l’Europe, mais également de centre de recueil des migrants refoulés aux frontières européennes.
Les périples de sensibilisation entrepris à travers l’Afrique par l’ex-guide libyen Mouammar Kadhafi, pour obtenir l’adhésion des populations son combat pour l’accélération de la mise en œuvre de l’instauration des Etats-Unis d’Afrique ont contribué à conforter chez les jeunes sans emploi une perméabilité de fait des frontières de la Libye, ultime recours en terme d’emplois plus rémunérateurs.
Un tel écheveau, quoique difficile à démêler, avait contribué, à une certaine période, à décliner en faveur de la politique extérieure libyenne le rapport de force entre Tripoli et les capitales européennes, principalement de la rive Nord de la Méditerranée, en quête d’alliances sur le continent africain pouvant aider à résoudre définitivement l’épineux problème de l’immigration clandestine.
La réponse libyenne, déconcertante à priori, rappelait aux Européens que l’obstination des jeunes Africains à se faire une place sous le soleil européen était dictée, à raison, par le besoin de « récupérer », sans doute sous forme de salaires, « les richesses dont l’Europe coloniale avait spolié les pays africains sous domination ». Le discours a ensuite évolué, réclamant de l’Europe le financement des initiatives de création d’emplois en Afrique, dans le but de contribuer à estomper les flux migratoires vers l’Ancien monde.
Les menaces qui pèseraient sur la vie des ressortissants africains en Libye, depuis l’insurrection déclenchée contre le régime de Mouammar Kadhafi par les rebelles seraient bien réelles, vues sous l’angle d’une possible confusion entre des Noirs africains fuyant les théâtres de la crise libyenne et des mercenaires à la solde des troupes de Kadhafi, dont l’existence n’est plus à démontrer.
On comprend pourquoi, l’Union européenne, consciente du partage des responsabilités du meilleur autant que du pire des retombées de la crise libyenne, inscrit parmi les priorités de son Bureau de Coordination de l'Aide humanitaire nouvellement installé à Tripoli, « la protection des populations civiles, en particulier des ressortissants de l'Afrique sub-saharienne exposés à des exactions, parce qu'assimilés à des mercenaires recrutés par le régime de Kadhafi ».
Mais pour certains observateurs de la vie politique africaine, méfiants des ravages que pourraient entraîner les guerres de communiqués ainsi que la manipulation des médias, l’évocation du problème des immigrés africains en Libye pourrait être agitée ou provoquée par des milieux hostiles au rapprochement entre la Libye de Kadhafi et les pays africains, dans le but de brouiller les relations entre l’Union africaine et les insurgés du CNT, pour la plupart issus de la région cyrénaïque que d’aucuns estiment plutôt favorable aux relations avec le monde arabe.
Certes, les investissements de la Libye en Afrique, étudiés à l’aune d’une volonté de l’ex-leader libyen de contribuer à l’indépendance économique des Etats africains vis-à-vis des investisseurs occidentaux, ne sauraient être exclus des motivations d’une prétendue agitation du spectre des menaces sur les immigré africains.
La nouvelle Libye aura besoin de main-d’œuvre et ne pourrait se passer aisément des 3 millions d’Africains qui offraient la force de leurs bras aux grands travaux entrepris en Libye. De même, l’Afrique a besoin de la Nouvelle Libye qui ne saurait être extraite de l’intégration économique continentale entreprise depuis l’instauration de l’Union africaine.
Il ne reste plus qu’à tempérer les différentes ardeurs, remettre sur pieds la nouvelle Libye démocratique, sans toutefois qu’elle perde son indépendance également capitale parmi les droits humains réclamés et conquis depuis le déclenchement des soulèvements de fevrier dernier.
09/09/2011
Source : Afrique en ligne/ Pana