Un frisson parcourt la foule alors que la chef du parti populiste danois la traverse et s'adresse individuellement aux sympathisants dans un dernier effort de campagne avant les législatives de jeudi qui s'annoncent décevantes pour cette formation anti-immigration.
Sur la petite place de Slagelse (80 km à l'ouest de Copenhague) une centaine de personnes sont venues assurer leur soutien à Pia Kjaersgaard qui, à 64 ans, dirige le Parti du peuple danois (Dansk Folkeparti, DF).
"Je comprends tout à fait (...) C'est ce que je dis depuis le début", répond-elle après avoir écouté les sourcils froncés un électeur qui se plaint de la réduction des retraites, ou encore après avoir entendu des craintes concernant le chômage.
Plus loin, elle s'agenouille pour parler à un homme cloué dans un fauteuil roulant et qui lui lance avec de grandes difficultés de diction: "vous êtes la meilleure pour le Danemark !"
D'autres tendent le cou pour tenter d'apercevoir cette charismatique grand-mère qui a co-fondé le DF en 1995.
"J'aime Pia !" crie Erkki Trige, 76 ans, en répétant le slogan inscrit sur le pin porté par de nombreux sympathisants réunis sur la place de Slagelse et dont la plupart, comme lui, sont des retraités.
Posant le gobelet de café distribué par les organisateurs de la campagne du DF, M. Trige assure que Pia Kjaersgaard est "de loin la meilleure des responsables politiques du Danemark".
Et s'il vote pour le Parti du peuple danois c'est parce que, après avoir vécu dans des pays arabes pendant trois ans, il dit avoir réalisé "que l'on ne peut pas vivre aux côtés de ces gens-là".
Fort d'un soutien d'environ 12% de l'électorat, le DF est depuis 2001 un allié parlementaire clé du gouvernement minoritaire de centre-droit. C'est sous son influence que le Danemark a adopté l'une des politiques d'immigration les plus restrictives d'Europe.
Les sondages montrent cependant que les Danois s'apprêtent à choisir l'alternance jeudi et à porter au pouvoir l'actuelle opposition de centre-gauche. Celle-ci assure qu'elle réduira fortement l'influence du Parti du peuple danois.
Mais Mme Kjaersgaard se dit "persuadée que le DF s'en sortira bien" jeudi.
"Nous continuerons d'avoir de l'influence", assure-t-elle à l'AFP, estimant que même en cas de victoire de l'opposition, son parti aura toujours les moyens d'imposer ses vues dans certains domaines.
Outre la législation sur l'immigration et le rétablissement -controversé dans le reste de l'Europe- de contrôles douaniers permanents aux frontières du royaume, le DF présente un programme eurosceptique et a tenté de séduire les seniors en leur promettant d'augmenter les retraites et de leur distribuer gratuitement des bombes lacrymogènes d'auto-défense.
Jenette Fagerberg, 30 ans, a séché ses cours à l'école professionnelle pour adultes afin de venir voir Pia Kjaersgaard. Pour elle, le Danemark a besoin d'un changement de gouvernement, mais elle compte sur la nouvelle équipe pour coopérer avec le DF "particulièrement afin de continuer à lutter contre l'immigration".
Dans la foule, tout le monde n'est pourtant pas là pour l'acclamer.
Arborant le badge de mise "J'aime Pia", Fatih Sen, un jeune-homme de 23 ans né au Danemark de parents turcs, demande à Pia Kjaersgaard de poser pour une photo avec lui.
Elle accepte avec joie, mais l'enjoint de parler danois avec ses amis.
Sur le cliché, malgré une bonhomie trompeuse, il apparaît en faisant un signe de défiance qu'il apparente à un doigt d'honneur car, explique-t-il, "je ne les respecte pas", c'est "un parti très raciste".
SLAGELSE (Danemark), 14 sept 2011
Source : AFP