L’accumulation des affaires, qui touche le cœur du pouvoir, va relancer le refrain du “tous pourris”, cher au Front national. Et Marine Le Pen va en profiter. A qui la faute ?
Laurence Parisot. Ce vieux refrain relève de la démagogie, et même du piège populiste tendu par Marine Le Pen. Ce n’est pas parce qu’éclatent des affaires – qui d’ailleurs ne sont pas encore jugées – qu’on doit mettre en question l’ensemble des élites françaises, politiques, économiques, sociales. Cette critique globale est injuste et caricaturale.
L’un des secrets, selon vous, de Marine Le Pen est qu’elle navigue sur le registre de la séduction. Comment ?
J’ai toujours observé, dans les enquêtes d’opinion, que le FN attirait plus les hommes que les femmes, dans une proportion proche de 60/40. Marine Le Pen maintient cette spécificité. Comme nous le démontrons, exemples à l’appui, elle s’exprime sur les radios et les télévisions en émaillant son discours de propos inattendus. Ce qui lui permet de pratiquer sans qu’on le voie la stratégie de l’évitement en ne répondant pas aux questions posées. Beaucoup se font prendre en la regardant comme une héroïne de feuilletons de télé-réalité. Nous donnons, dans notre livre, un “décodeur” pour regarder en clair ce qu’elle se complaît à brouiller.
Vous dites que le thème de l’immigration attire paradoxalement les électeurs en leur faisant peur.
Dans la pure tradition xénophobe de l’extrême droite, elle fait croire que l’immigration est la cause unique de toutes nos difficultés, économiques, sociales, internationales. Son père disait déjà en 1978 : “Un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés de trop.” Son discours populiste a des similitudes stupéfiantes avec ceux de l’entre-deux-guerres. Il est fondé sur une horreur d’un prétendu ennemi intérieur.
Vous posez une question grave, celle de “l’influence” des discours anti-immigrés sur l’esprit du tueur d’Oslo, le 22 juillet dernier.
Marine Le Pen parle des immigrés en des termes qui reviennent à les désigner comme boucs émissaires. Cela ressemble à un appel à la vindicte populaire, susceptible donc de provoquer des réactions primaires. Il est grave de se présenter à l’élection présidentielle en tenant des propos aussi irresponsables.
A titre personnel, êtes-vous favorable au front républicain ?
Notre livre a pour vocation de contribuer à empêcher que Marine Le Pen soit présente au second tour de l’élection présidentielle. Si, par malheur, elle l’était, j’organiserais une réunion exceptionnelle du conseil exécutif du Medef. Et je ne doute pas que, comme en 2002, il demanderait aux électeurs de faire barrage au Front national.
2/10/2011
Source : Paris mach