Le ministre de l'intérieur (… et de l'immigration) a récemment présenté les nouvelles exigences du gouvernement en matière "d'assimilation linguistique" et de "connaissance des valeurs de la République" auxquelles devront répondre les futurs candidats à l'acquisition de la nationalité française (cf. décrets du 11 octobre 2011, JO du 12 octobre).
A partir du 1er janvier 2012, les étrangers qui souhaiteront déposer une demande de naturalisation, par décret ou par mariage, devront faire concrètement la preuve qu'ils ont, à l'oral, une maîtrise de la langue française équivalente à celle d'une personne ayant été scolarisée jusqu'en fin de classe de 3e (par la production d'un diplôme français d'un niveau égal ou supérieur ou d'une attestation de réussite à des tests particuliers, réalisés par des organismes habilités).
Cette brusque remontée de la "barre d'accès" à la nationalité française aura un effet sélectif d'autant plus important qu'au surcroît d'exigence linguistique viendra s'ajouter la vérification de la bonne connaissance des "droits et devoirs du citoyen" (via un QCM organisé en préfecture… dont les exemples fournis montrent qu'ils ne seront pas forcément à la portée du premier citoyen venu, fut-il "gaulois" !).
Ainsi, contrairement aux affirmations de M. Guéant ("L'objectif n'est pas du tout quantitatif" ), il est évident pour les praticiens du service public de la nationalité française que la mise en œuvre de ce nouveau dispositif va avoir un fort impact réducteur sur le nombre d'étrangers qui pourront désormais obtenir la nationalité française… à commencer par l'exclusion de tous ceux – et surtout de toutes celles – qui n'ont pas, ou peu, été scolarisés dans leur pays d'origine et qui auront le plus grand mal, quels que soient leurs efforts en ce sens, à atteindre les niveaux d'exigence ainsi fixés… Puisque la finalité idéologique de ces nouvelles mesures ne peut échapper à personne, on ne peut pas laisser passer l'occasion qu'elles nous procurent de tordre enfin le cou à l'idée reçue que le rythme des acquisitions de la nationalité française continue de se maintenir au niveau moyen de la décennie passée, autour de 100 000 par an.
Comme la CGT l'avait craint et dénoncé, en 2008, la décision prise dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), de déconcentrer les décisions d'octroi et de refus de la nationalité française sur les préfectures a, non seulement, entraîné une rupture de l'égalité de traitement des demandeurs mais, aussi, un durcissement – inédit depuis 1945 – de la politique menée en matière de naturalisations.
Il faut savoir, en effet, que, par le biais d'un fort "tour de vis" donné aux consignes d'instruction des demandes par le cabinet de M. Besson, puis par celui de M. Guéant (cf. notamment, l'exigence injuste – et absurde en ces temps de crise économique et de chômage généralisé – de la pleine autonomie matérielle des candidats par l'exercice d'une activité professionnelle "stable"), le taux d'acceptation des demandes de naturalisation est certainement déjà tombé en dessous des 50 %, alors qu'il était au-dessus de 70 % en moyenne ces trente dernières années*. On sera donc loin, en 2012, de l'étiage des 100 000 naturalisés ; et cela, sans prendre en compte les futurs effets restrictifs des décrets du 11 octobre 2011.
19/10/2011,Marc Bonnefis
Source : Le Monde