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picto infoCette revue de presse ne prétend pas à l'exhaustivité et ne reflète que des commentaires ou analyses parus dans la presse marocaine, internationale et autres publications, qui n'engagent en rien le CCME.

La Charte de la diversité en crise de crédibilité ?

L'exercice a le mérite de la transparence. Depuis 2009, une fois par an, la Charte de la diversité publie un état des lieux des actions de ses signataires, afin de donner une vue d'ensemble des bonnes pratiques en vigueur dans les entreprises qui se proclament les plus engagées en matière de prévention des discriminations. Pourtant, la lecture des chiffres livrés hier oblige à rester lucide…

La Charte de la diversité, lancée en 2004, est un texte qui engage les entreprises qui la signent à « sensibiliser et former les dirigeants et collaborateurs impliqués dans le recrutement, la formation et la gestion des carrières aux enjeux de la non-discrimination et de la diversité. » Du 28 juin au 8 septembre 2011, le cabinet Inergie - Pôle Opinion a adressé un questionnaire en ligne à ses 3194 signataires. 942 entreprises ont répondu, soit 29,5% des signataires (contre 793 sur 2535 en 2010, soit 31,3%). Plus des deux tiers des signataires ont donc signé une Charte sans s'être senti l'obligation morale de rendre compte, une fois dans l'année, des résultats de leur engagement.

Parmi la minorité des entreprises répondantes, seuls 22% ont mis en place des « formations spécifiques diversité » lors du dernier exercice : l'effort de sensibilisation passe plus volontiers par des réunions d'information internes, qu'elles sont néanmoins moins de la moitié à avoir mises en œuvre. Pour le recrutement, 10% d'entre elles ont mis en place le CV anonyme, outil qui est pourtant activement promu par le secrétariat de la Charte. Certes, la prévention des discriminations à l'embauche ne se limite pas à ce seul outil. Mais faut-il pour autant se féliciter que 64% des entreprises répondantes utilisent une grille d'évaluation des compétences lors des entretiens d'embauche ? Ces entreprises sont, rappelons-le, signataire d'une charte qu'elles ont volontairement signée, et plus d'un tiers d'entre elles n'y ont donc pas recours, alors qu’il ne s’agit là que du minimum requis si l’on veut prétendre être un recruteur objectif. Et si on ne considère que ces outils a minima, moins de la moitié (48%) ont formalisé une procédure de tri du CV…

Concernant la gestion des carrières, un bon point : 71% des entreprises ont recours à une évaluation formalisée de chaque salarié. C'est heureux, car signer la Charte, c'est s'engager à « respecter et promouvoir l'application du principe de non-discrimination sous toutes ses formes et dans toutes les étapes de gestion des ressources humaines que sont notamment l'embauche, la formation, l'avancement ou la promotion professionnelle des collaborateurs. » Une minorité (47%) a cependant recours à une « grille de salaires intégrant les niveaux de compétences et de responsabilité. » Il ne s'agit pourtant là aussi que du strict minimum d'une gestion RH objectivé. Pour les bonnes pratiques plus audacieuses, les entreprises répondantes ne sont que 23% à avoir mis en place « une cellule d'écoute, de recours et de traitement des réclamations pour discrimination. » Rien d'étonnant, donc, à ce que seuls 5% des répondants aient pu satisfaire aux conditions d'obtention du label diversité, qui n'est délivré, lui, qu'après vérification de la conformité à un cahier des charges.

Enfin, on s'étonnera que plus de la moitié des entreprises ne procèdent à aucune quantification selon le sexe, l'âge, ou le handicap. Ce qui signifie que plus de la moitié des entreprises signataires de la Charte de la diversité reconnaissent ne pas satisfaire à la loi, que ce soit en matière d'égalité professionnelle femmes-hommes (le rapport annuel de situation comparée femmes-hommes est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés), d'embauche des personnes en situation de handicap et d'emploi des séniors (quid de l'obligation légale de négocier un plan d'action sur l'emploi des séniors ?).

La crédibilité d'une démarche de la signature volontaire d'une Charte sans vérification ni contrôle est donc aujourd'hui sujette à caution. De l'aveu même de Claude Bébéar, son président, beaucoup d’entreprises signent le texte « pour se donner bonne conscience, pour se vanter de l’avoir fait. » De quoi alimenter la thèse des contempteurs d'une « diversité » décrite comme un pâle substitut néolibéral à des politiques d'égalité réelle. Ce qui ne rend pas justice aux actions de formation et de sensibilisation menées par quantité d'acteurs associatifs ou privés, dont, précisément, le secrétariat de la Charte de la diversité.

21/10/2011, Alain Piriou

Source : Libération.fr

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