dimanche 24 novembre 2024 00:00

Pas de minimum vieillesse pour les étrangers ? Une véritable injustice

Des députés UMP souhaiteraient que le minimum vieillesse soit désormais refusé aux étrangers qui n'ont pas cotisé suffisamment pour avoir une retraite à taux plein. Mais cette mesure sonne comme une injustice pour certains français issus de l'immigration. Souad Gojif, petite fille d'immigrés marocains, témoigne.

Sara a 6 ans. Elle est née d’une maman française "de souche" et d’un papa né en France, mais dont les parents, nés à Casablanca au Maroc, sont venus s’installer en France dans les années 70.

Ce matin au petit déjeuner, Papy est d’une colère monstrueuse. Sara veut savoir : "Papy, qu'est-ce que je t'ai fait ?" Le Papy fuit, journal à la main, au café des anciens. Sara ne connait encore pas l’histoire...

La belle époque

Les grands parents de Sara, d’origine marocaine, ont été bien reçus en France, même professionnellement. Ils ont eu la chance être formés rapidement, en vue d’intégrer un poste au sein d’une société de textile : dans la région, ces métiers étaient très demandés.

Autant de bonneteries que de boulangeries : les grandes marques vestimentaires avaient leurs plus grandes manufactures dans cette zone.

Il n’y avait pas une seule famille, étrangère ou française "de souche" dont le père et/ou la mère n’aient travaillé dans des usines de textiles ou encore dans chez des sous-traitants de pièces automobile. C’était même curieux pour une femme, à l’époque, de visser des boulons pour une pièce de voiture !

La crise du textile est passée par là

Beaucoup ont perdu leur emploi, d'autres se sont convertis rapidement à tout ce qu’ils pouvaient trouver : ménages, travaux de manutention, vendanges… On ne distinguait pas encore famille française "de souche" et "famille étrangère". Plus le chômage montrait le bout du nez, plus il devenait nécessaire d’en trouver les causes : facile, les étrangers. Psychiquement, le racisme est un confort pour les uns, un enfer pour les autres.

Les grands-parents marocains de Sara n’ont pas de nationalité française mais une carte de séjour renouvelable. Loin de là un refus ou un patriotisme du pays d’origine. Mais ils ne s’étaient, à vrai dire, jamais posé la question.

L’année noire

En 2002, quand Jean-Marie Le Pen est arrivé au second tour de l'élection présidentielle, ce petit monde d’étrangers a commencé à avoir peur, prenant conscience de l’enjeu. Beaucoup ont décidé de demander le droit à la nationalité française afin préserver leur avenir, et surtout celui de leurs enfants.

Evidemment qu’ils ne voulaient pas retourner au pays, leur pays c’était la France ! Ils y avaient fait construire leur maison, il y avaient élevé leurs enfants, travaillé, cotisé, comme tout bon citoyen !

Être Français, pour certains ce fut le fait de recevoir une invitation de la préfecture et de recevoir un dossier intitulé : "Qu’est-ce qu’être citoyen en France ?" Les étapes s'étaient bien déroulées, les papiers requis avaient été rassemblés, et quelques temps plus tard le droit à la nationalité française leur avait été attribué.

Pour d’autres, les étapes furent plus fastidieuses et n’ont même jamais abouti : en effet, venus de leur village dans les années 70, ils n’avaient aucun papier attestant même leur naissance ; certains avaient leur acte de mariage, d’autres pas. C’était, pour ces pauvres "campagnards marocains", un parcours interminable. Il faut admettre que l’’administration, dans les années 60 au Maroc, n’était pas encore à la pointe.

Ceux-là même, ces étrangers qui ont vécu plus de 30 ans en France, qui ont vécu en "bons français", casier judiciaire à l’appui, parce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir la paperasse nécessaire à la constitution du dossier de demande du droit à la nationalité sont aujourd'hui choqués, atterrés après avoir lu un article voulant interdire le minimum vieillesse aux étrangers.

La mamie de Sara tente d’expliquer à la fillette mais elle "ne comprend pas pourquoi les français sont méchants avec les français !"

Evidemment, pour elle, son papy est aussi français que son voisin !

26/10/2011

Source : Le Nouvel Observateur

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