De Dunkerque à l'Europe, Oussama Loukili lance des ponts pour la coopération entre les pays. Président du collectif régional des organisations de solidarité internationale issues de l'immigration (COSIM), cet ancien chef d'entreprise qui se partage entre le Maroc et la France revendique la culturede l'efficacité.
« Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours. » Ce proverbe, supposé chinois, Oussama Loukili le fait sien. Car si, dans le titre du collectif qu'il préside (lire ci-dessous), figure le terme de solidarité internationale, il préfère parler de codéveloppement : « La solidarité, c'est dans un seul sens. Dans le codéveloppement, il y a un retour. » C'est en chef d'entreprise qu'Oussama Loukili aborde la coopération internationale. Normal : ce quadragénaire né au Maroc a notamment dirigé un centre de formation de 2 000 stagiaires et occupé de nombreuses responsabilités dans des organisations professionnelles représentant les petites et moyennes entreprises, jusqu'à être vice-président d'une union rayonnant sur treize pays arabes.
Le Maroc, pays des origines. La France, pays de la liberté pour l'adolescent qui est arrivé à Dunkerque, en 1984, à 16 ans pour « préparer un BTS informatique de gestion au lycée Jean-Bart. Je voulais venir en France, cela représentait l'émancipation, la sortie du cocon familial. » Oussama Loukili ne connaissait personne ici. Les week-ends hors de l'internat se passaient à l'hôtel ou « dans les foyers Sonacotra. J'y ai connu le vrai visage de l'immigration ».
Militant dans un mouvement des droits civiques, il aime la France mais retourne vivre au Maroc : « Mon but était de travailler sur le lien entre le Maroc et la France, alors, peu importe le point de chute. » Malgré la perspective d'une belle carrière dans les hautes sphères marocaines, des raisons familiales le ramènent vers une France et un Dunkerquois avec lequel il a tissé des liens, notamment via le milieu associatif : « J'avais été membre fondateur de l'AJS », où il intervient toujours.
« Peut-être suis-je plus utile ici qu'ailleurs pour le Maroc et pour la France », envisage celui qui s'investit aussi dans l'économie sociale au niveau européen. Utile, Oussama Loukili juge que ceux qui sont issus de l'immigration le sont tout particulièrement dans les projets de coopération internationale. Pas par communautarisme, mais par pragmatisme : « Ils connaissent mieux leur pays que les grosses ONG et sont plus vites opérationnels. Quelqu'un qui connaît le sujet - ce peut aussi être un Français qui a vécu vingt ans dans un pays - est plus efficace qu'une mission de prospection. Pourquoi payer 80 000 E un technicien alors qu'une association n'aura besoin que de 10 000 E pour réaliser la même chose, plus vite ? La coopération internationale, c'est aller voir dans un douar comment aider les femmes et signer la convention sur le dos d'un âne », s'amuse-t-il. Lui-même s'appuie sur son réseau marocain, notamment en accompagnant, au sein du CEFIR, un programme financé par le Maroc pour aider des projets des Marocains de France.
Oussama Loukili revendique « la culture du résultat, du suivi, de la formation ». Chef d'entreprise ou développeur de la coopération internationale, même combat. •
27.10.2011, ANNICK MICHAUD
Source : La Voix du Nord