L'interdiction du port de signes religieux par une crèche privée apparaît « justifiée » pour la cour d'appel de Versailles, qui a rendu jeudi 27 octobre une décision déboutant à nouveau une salariée voilée qui contestait son licenciement de la crèche Baby Loup.
Crèche associative d'un quartier populaire de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), Baby Loup avait licencié en 2008 une salariée qui avait refusé d'ôter son voile au retour d'un congé parental. Celle-ci, qui contestait son licenciement, avait déjà été déboutée par les prud'hommes en première instance en décembre 2010.
Dans son arrêt, la cour d'appel a confirmé le premier jugement, considérant notamment que les enfants accueillis dans cette crèche « compte tenu de leur jeune âge, n'avaient pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d'appartenance religieuse ». « Les restrictions [à l'expression des convictions religieuses des salariés, NDLR] ainsi prévues apparaissent dès lors justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées », a ajouté la cour, qui a également estimé que le licenciement de cette salariée « ne présentait pas de caractère discriminatoire ».
« C'est une grande victoire pour la laïcité, mais c'est avant tout la victoire de Baby Loup . Pour la première fois de manière aussi claire, on étend le champ de la laïcité au secteur privé et il n'est pas discriminatoire de demander aux salariés de laisser leurs convictions religieuses aux portes de l'entreprise », s'est félicité l'avocat de la crèche, Me Richard Malka.
Trois ans de procédure
« Le fait que ce soit une crèche a joué, mais la cour d'appel pose un principe plus large sur la restriction de l'expression du fait religieux en entreprise quand le motif est légitime », a poursuivi l'avocat. L'avocat de la salariée n'a pas pu être joint dans l'immédiat.
La directrice de la crèche, Natalia Baleato s'est dite « soulagée après trois ans de procédure ». « La justice devait trancher et Baby Loup a été légitimée dans son action. Je pense que maintenant, il y a un après-Baby Loup, la jurisprudence va s'appliquer maintenant », a-t-elle déclaré.
Tandis que Baby Loup avait reçu le soutien de plusieurs personnalités dont la philosophe Elisabeth Badinter, le député-maire PS d'Evry (Essonne) Manuel Valls s'est pour sa part réjoui qu'ait été « imposé le principe de laïcité, c'est vrai dans la sphère publique et, maintenant, c'est vrai dans la sphère associative et privée ».
Cette décision intervient après la parution lundi 24 octobre d'un code de la laïcité, recueil de textes et de jurisprudences, qui en soit n'est pas nouveau, mais dont l'interprétation par le ministre de l'intérieur Claude Guéant restreindra le champ d'application de la liberté religieuse de la loi de 1905, sans vouloir la modifier.
Des « précisions» à apporter à la loi de 1905
Ainsi, la question du port du foulard pour les femmes musulmanes accompagnant les enfants dans les sorties scolaires s'inscrit dans un désir de plus grande neutralité, de même que les pratiques religieuses dans certaines entreprises privées. Pour Claude Guéant, « il n'est pas question de revenir sur la loi de 1905 » (de séparation des Eglises et de l'Etat), qui est équilibrée. Mais, il y a des précisions à apporter, qui ne feront pas l'objet d'une nouvelle législation".
L'affaire Baby Loup avait créé des remous au sein de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), saisie également par la salarié licenciée.L'institution avait d'abord apporté son soutien à la salariée en mars 2010. Mais en octobre de la même année, après son entrée en fonction, la présidente de l'époque, Jeannette Bougrab, avait pris position en faveur de la crèche.
Jeannette Bougrab avait été entendue comme témoin devant les prud'hommes de Mantes-la-Jolie, où elle avait défendu la possibilité pour la crèche incriminée de choisir « l'option philosophique de la laïcité », quand d'autres établissements peuvent opter pour l'option religieuse.
27/2011
Source : La Croix/AFP