samedi 23 novembre 2024 23:52

La galère des diplômés étrangers, condamnés à quitter la France

Effet collatéral de la restriction de l'immigration légale, des centaines de jeunes diplômés étrangers qui ont fait leurs études en France doivent refuser du travail, faute de titre de séjour.

Ce devait être une formalité, une démarche un peu pénible mais sans risques, après sept, huit, parfois dix ans passés en France. Pour plusieurs centaines de jeunes diplômés non-européens, le passage d'un titre de séjour étudiant à celui de salarié, qui doit leur permettre d'accepter du travail, vire pourtant au cauchemar depuis la rentrée.

En cause, une circulaire des ministères de l'Intérieur et du Travail, en date du 31 mai, qui prévoit que "la procédure de changement de statut (étudiants demandant un titre de séjour professionnel) devra faire l'objet d'un contrôle approfondi". Mais aussi que "le fait d'avoir séjourné régulièrement en France en tant qu'étudiant (...) ne donne droit à aucune facilité particulière dans l'examen de la procédure de délivrance d'une autorisation de travail".

Les jeunes en question ont pourtant déjà signé un contrat de travail, ou disposent au moins d'une promesse d'embauche. Résultat, un diplômé d'HEC a dû rentrer au Maroc après le refus de son dossier, quand une Américaine sortie de Sciences-Po a transformé un CDI en stage pour rester en France.

Des carrières avortées

"On répertorie déjà 600 cas en difficulté, et une trentaine de nouveaux nous arrive chaque jour", rapporte Nabil Sebti, porte-parole du Collectif du 31 mai, qui recense et soutient les diplômés touchés. Parmi eux, on compte 200 refus fermes de titre de séjours, dont 30 assortis d'une obligation de quitter le territoire", autrement dit le départ immédiat. "Pour ces derniers, la situation est bloquée. Ils sont désespérés", poursuit Nabil Sebti.

D'autres voient leur début de carrière avorté par plusieurs mois d'attente. C'est le cas de Sarah*, 26 ans qui devra attendre au moins quatre mois pour être fixée sur son sort, quand la procédure prenait seulement quelques semaines jusque là. Arrivée en France en 2003, la jeune femme travaille depuis le mois d'avril pour une émission de télévision. Elle ne pourra bientôt plus exercer. "Le récépissé que l'on va me donner pendant l'examen de mon dossier n'autorise pas à travailler. Je vais redevenir touriste après huit ans passés en France. Ma carrière qui venait juste de commencer va s'interrompre du jour au lendemain", déplore-t-elle.

Des profils juniors très qualifiés

Beaucoup de jeunes aidés par le Collectif du 31 mai sortent pourtant des meilleures écoles de France. "On renvoie des gens que l'on a formés, sur lesquels le pays a investi. Ces gens ont pourtant des emplois et s'apprêtent à rembourser ce que l'on a misé sur eux, via la consommation et les recettes fiscales!", s'insurge Nabil Sebti

En plaidant l'aberration économique, les jeunes diplômés espèrent gagner le patronat à leur cause. "Des patrons commencent à s'exprimer pour dire que cette situation met à mal la compétitivité de la France, en la privant de profils juniors très qualifiés", plaide son porte-parole. La très puissante Association française des entreprises privées a déjà fait part de son incompréhension, tout comme la Conférence des grandes écoles. Une centaine de cas ont été finalement régularisés mais "cette logique du cas par cas n'est pas satisfaisante", juge le collectif.

La polémique rebondit maintenant sur le terrain politique. Le Parti socialiste, les Ecologistes mais aussi le Nouveau Centre ont appelé à assouplir les mesures. Mercredi, des enseignants français au Maroc ont aussi remis une pétition à leur ambassadeur, dénonçant l'effet "désastreux" des nouvelles restrictions sur les jeunes qui prévoient d'étudier en France. Dans les prochaines semaines, les cas de diplômés bloqués pourraient se multiplier, à mesure que les ex-étudiants des universités vont eux aussi arriver sur le marché du travail.  *le prénom a été changé

27/10/2011, Alexia Eychenne

Source : L’Express.fr

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