samedi 30 novembre 2024 13:48

La mesure issue de la directive européenne dite "retour", prévoyant d'interdire le retour sur le territoire européen à tout sans-papiers sous le coup d'une obligation de quitter le territoire, a été longuement débattue tard dans la soirée de mardi par les députés de l'Assemblée française…Suite

La délégation marocaine, composée des présidents des Chambres des représentants et des conseillers, respectivement M. Abdelouahed Radi et Mohamed Cheikh Biadillah et de parlementaires des deux chambres, a poursuivi, mardi à Genève, sa participation aux travaux de la 123ème Assemblée de l'Union interparlementaire (UIP) et Réunions connexes, qui se déroulent à Genève jusqu'à mercredi.

Intervenant lors de la réunion spéciale sur le thème "Migrations et développement", Mme Khadija Ezzoumi, membre du Groupe Istiqlal à la Chambre des conseillers a rappelé la tenue au Maroc en juillet 2006 de la Conférence ministérielle Euro-Africaine sur la Migration et le Développement et les recommandations sur lesquelles cette rencontre a débouchées et qui constituent, a-t-elle dit, une réponse appropriée à la problématique de la migration. Elle a fait savoir que cette problématique ne peut être traitée indépendamment du contexte économique général et sans tenir compte des exactions physiques et psychologiques dont sont victimes les migrants, particulièrement les enfants et les femmes.

Elle a relevé que le débat récurrent qui s'organise autour de cette question au sein d'instances internationales, d'associations et au sein de l'Union interparlementaire ne débouche pas sur des décisions et résolutions applicables sur le terrain, de sorte que ce débat s'avère infructueux.

Aussi, a-t-elle indiqué, le 4ème Forum mondial sur la migration et le développement qui se tiendra au Mexique en novembre prochain sur le thème "Partenariats pour les migrations et le développement humain: prospérité partagée - responsabilité partagée" se devra-t-il de poser les vraies questions concernant cette problématique.

Mme Ezzoumi a, d'autre part, évoqué l'injustice au niveau des salaires, du travail et du logement qui frappe trois millions de migrants marocains, dont plus de dix mille chercheurs dans les pays d'accueil.

Elle a, en outre, insisté sur le danger que représente l'immigration clandestine dans la région du Sahel et le trafic de drogue, d'êtres humains et d'armes et le développement du terrorisme qu'elle génère, faisant remarquer que le Maroc a pu, grâce à la coopération, réduire de 80 pc le flux des immigrés clandestins.

De son côté, Mme Latifa Bennani Smires, présidente du Groupe Istiqlal à la Chambre des représentants, a pris part à une Réunion-débat, dans le cadre de la 1ère Commission permanente de la paix et de la sécurité internationale de l'UIP autour du thème "Prévenir la violence électorale et assurer une transition politique sans heurt".

Mme Smires a mis en exergue les efforts déployés au Maroc pour améliorer, sans cesse, les mécanismes conduisant à des élections honnêtes et de plus en plus transparentes. Elle a fait savoir que l'opération électorale est supervisée au Maroc par la justice aux plans local et national. Elle a aussi cité la neutralité de l'autorité et le contrôle du financement des élections.

Ces mécanismes, a-t-elle dit, sont opérationnels au Maroc et ont fait que l'ensemble des acteurs ayant participé aux dernières élections, ont reconnu que l'autorité était neutre et que la consécration de la probité des élections est sur bonne voie.

L'opération électorale au Maroc, a-t-elle ajouté, donne l'occasion de réviser et d'affiner les moyens qui permettent de garantir l'égalité des chances et la transparence, ainsi que la participation effective de tous les acteurs à la vie politique dans le cadre des institutions élues, le Maroc étant un pays pluraliste.

Mme Smires a, par ailleurs, signalé que la violence électorale est répandue dans les régions du monde qui détiennent les sources de richesse (énergie ou matières premières), stratégiques ou dans des entités disposant de la possibilité de l'unification dans le cadre national ou fédéral, soulignant que les interférences extérieures ont joué un rôle capital dans la division de ces micro-Etats.

La délégation marocaine comprend également M. Mohamed Ibrahimi, membre du Groupe socialiste (USFP) à Chambre des représentants.

Source : MAP

La Commission européenne et la Libye ont envisagé des actions communes pour lutter contre l'immigration clandestine, sans aborder leur financement, a annoncé mardi soir une délégation européenne de haut rang au terme d'une visite de deux jours en Libye.

"Nous avons signé un agenda de coopération qui couvre plusieurs volets à commencer par les racines de l'immigration, la surveillance des frontières et le combat contre le trafic d'êtres humains", a déclaré Cécilia Malmström, commissaire européenne chargée des questions d'immigration.

Selon un communiqué conjoint, la Libye et l'UE affirment être d'accord sur une "liste d'initiatves pour une éventuelle coopération", comprenant notamment "des mesures concrètes pour un système de surveillance des frontières", les problèmes liés à la mobilité et "le dialogue sur les réfugiés".

Mme Malmström a reconnu qu'il existait toujours des divergences sur la convention de Genève sur les réfugiés, que la Libye refuse de signer.

"Mais nous sommes d'accord pour travailler ensemble en vue de garantir les droits des plus vulnérables et la protection des réfugiés", a-t-elle dit lors d'une conférence de presse conjointe avec son collègue chargé des accords de coopération entre l'UE et ses voisins, Stefan Füle.

Sur la question du financement, Mme Mamström a estimé qu'il fallait "d'abord étudier les programmes de coopération avant de parler financement".

Au sujet des 5 milliards d'euros par an réclamés par Tripoli pour "stopper définitivement" l'immigration clandestine à partir de ses côtes, elle a affirmé avoir évoqué ce chiffre avec les ministres libyens des Affaires étrangères Moussa Koussa et de l'Interier Abdelfatteh El Obeidi.

"Les deux ministres ont assuré que ce montant n'est pas destiné à la Libye seule mais à toute l'Afrique", pour favoriser le développement dans les pays d'origine, a-t-elle dit, affirmant que l'UE accordait déjà 5 milliards d'euros d'aide à l'Afrique et allait financer un programme de lutte contre l'immigration clandestine en Libye doté de 50 millions d'euros.

Les deux commissaires revenaient de la ville de Koufra, un no man's land situé à 2.000 kilomètres au sud-est de Tripoli, aux confins des frontières égyptiennes, tchadiennes, soudanaises et nigériennes, où ils ont visité des postes de surveillance de frontière et rencontré des migrants détenus dans le centre de rétention de la ville.

"Nous avons aussi pris connaissance des routes suivies par les contrebandiers et les immigrants et des difficultés de surveiller les frontières dans des régions désertiques dangereuses et nous avons discuté avec les autorités libyennes de l'assistance qui pourrait être apportée aux émigrés qui arrivent dans cette région au bout d'un voyage pénible à travers le désert", a déclaré Mme Malmström.

Les négociations entamées depuis novembre 2008 entre Bruxelles et la Libye en vue de la conclusion d'un vaste accord de partenariat, et qui peinent à ce jour à progresser, ont été également au centre des entretiens de la délégation européenne à Tripoli.

M. Füle a souligné la "volonté des deux parties de rattraper le retard" et de signer cet accord pendant la première moitié de l'année 2011.

Avec ses 1.770 km de frontières maritimes, la Libye qui partage plus de 4.000 km de frontières avec ses six voisins africains, est un pays de destination et de transit d'immigrés originaires notamment de l'est et du sud de l'Afrique, vers Malte ou Lampedusa (Italie).

Source : AFP

Agés de 17 ans, Youssef et Tahar sont les fils d'Atiq 8enchikar, journaliste et animateur à 2M, et jumeaux. Depuis l'âge de 7 ans, ils vivent à Amiens et passent toutes leurs vacances au Maroc.

Le Magazine VH les choisit pour rebondir sur le sondage effectué par le CCME (Conseil de la communauté marocaine à l'étranger) auprès de jeunes MRE sur leur intégration dans leur pays de résidence et leurs liens avec le Maroc. En bons jumeaux , leurs deux voix n'en font qu'une ...Suite

Dans le cadre de sa démarche de concertation avec la société civile, le Conseil consultatif a organisé une rencontre avec les associations des droits de l'Homme.

Dans le cadre du débat national lancé autour de l'élaboration d'un projet de loi visant la lutte contre le phénomène de la traite des personnes, le Conseil consultatif des droits de l'Homme a organisé lundi dernier à Rabat une rencontre de concertation avec les associations des droits de l'Homme autour du même sujet.

Cette rencontre tenue suite à une première réunion organisée en septembre dernier par le conseil avec les secteurs gouvernementaux et les institutions nationales concernées s'inscrit dans le cadre de la finalisation d'un projet d'étude que prépare le Conseil sur le phénomène de la traite dans le cadre de la mise en œuvre de ses prérogatives dans le domaine de la protection et de la promotion des droits de l'Homme. La première mouture du projet a été présentée lors de la dernière session du Conseil tenue durant le mois de juillet dernier.

D'après le président du Conseil consultatif des droits de l'Homme, Ahmed Herzenni, le conseil a adopté une approche des droits de l'Homme participative et intégrée prenant en considération la réalité du phénomène, les efforts nationaux engagés dans la lutte contre ce dernier, ainsi que les moyens de coopération internationale, régionale et les expériences comparées dans ce domaine dans une optique visant à protéger la dignité des personnes.

D'après le même responsable, le phénomène de la traite des personnes est considéré par le CCDH comme une violation grave aux droits de l'Homme vu qu'il viole le droit global de l'homme à la vie, à la liberté et à l'émancipation et qu'il porte atteinte à la vie de l'enfant et aux femmes. Des principes que l'on retrouve également dans le protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants.

Ce protocole définit la traite des personnes comme étant le recrutement, le transport, le transfert et l'hébergement ou l'accueil de personnes par la menace de recours ou le recours à la force où à d'autres formes de contrainte par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation.

L'exploitation comprend dans ce sens l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les travaux forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes.
L'étude réalisée par le CCDH fait donc le point sur l'évolution du phénomène du trafic des personnes dans le contexte international et régional à travers des données statistiques.

Elle étale également les différents mécanismes et organisations internationales concernées et leurs actions ainsi que les multiples bonnes pratiques et expériences au niveau national en la matière.Le document fait état également de la situation au Maroc, des mécanismes mis en place pour lutter contre le trafic des personnes et formule des recommandations et propositions concernant deux volets, à savoir le cadre législatif et institutionnel.

Concertations avec les acteurs institutionnels

Il est important de souligner que le Conseil consultatif des droits de l'Homme a participé dans le cadre de la préparation de cette étude à plusieurs rencontres internationales sur la question de la traite des personnes et a pris connaissance des expériences réussies et des bonnes pratiques dans le domaine. Il a ainsi étudié les conventions internationales relatives à la question et considéré les statistiques et données existantes.

Le conseil a veillé également, dans le cadre de la préparation de cette étude, à s'ouvrir sur les différents acteurs gouvernementaux, institutionnels, politiques et de la société civile en vue de s'informer sur leurs propositions et leurs recommandations s'inscrivant ainsi dans le cadre d'une approche globale et participative visant à lutter contre ce phénomène sur le plan législatif et institutionnel.

Source : Le Matin

Pour justifier le durcissement de sa politique anti-immigration, le gouvernement prétend que l’évidence statistique permet d’établir un lien de causalité entre immigration et délinquance. Deux questions se posent. Est-ce que les données françaises permettent réellement de tester ce lien de causalité ? Quelle est l’évidence disponible dans les pays étrangers ?

Les économistes se sont intéressés aux questions de crime et de délinquance depuis Gary Becker. Selon ce dernier, s’engager dans une activité criminelle plutôt que dans une active légale résulte d’une comparaison entre lescoûts, les risques et les bénéfices des deux activités. Le modèle initial s’est depuis enrichi pour prendre en compte le rôle des interactions sociales entre individus comme les effets d’émulation («peer effects»). Cette approche a permis de mettre à jour l’effet statistique de l’âge, du niveau d’éducation, des opportunités sur le marché du travail, et de l’activité policière dans le risque de délinquance. En conséquence, établir le rôle causal d’un déterminant additionnel de l’activité délinquante - par exemple, le statut d’immigré - nécessite de contrôler les caractéristiques dont le rôle est déjà connu, comme l’âge ou le niveau d’éducation.

Les données fournies en France par les forces de police de gendarmerie sur des personnes mises en cause dans des crimes et délits ne donnent que trois caractéristiques démographiques : le sexe, le statut (majeur ou mineur) et la nationalité (étrangère ou française). Si on exclut les violations à la législation sur le séjour des étrangers, le pourcentage d’étrangers mis en cause est autour de 11 à 12 %. Un premier problème déjà soulevé est que le pourcentage d’étrangers ne peut être comparé au pourcentage d’immigrés dans la population française (6 %) puisque ce dernier chiffre ne se réfère qu’aux étrangers résidents en France.

Un problème plus fondamental est qu’en absence d’informations sur l’âge ou le niveau d’éducation, il est impossible de conclure que la nationalité joue un rôle additionnel dans la délinquance. Ce chiffre de 12 % peut refléter non pas la surreprésentation des étrangers dans la délinquance mais seulement leur surreprésentation dans des catégories d’âge, d’éducation ou de situation socio-économique qui sont associées à un risque de délinquance accrue. En conséquence le lien de causalité entre immigration et délinquance n’est pas établi en France.

Au contraire des données françaises, les données américaines permettent de contrôler les caractéristiques démographiques et d’éducation mais aussi de différencier l’origine des immigrés. Le fait majeur mis au jour par les économistes Kristin Butcher et Anne Morisson est que les immigrés ont des taux d’incarcération cinq fois moins élevés que les citoyens nés aux Etats-Unis qui ont le même niveau d’éducation. Ce fait s’explique non pas par le risque d’expulsion des immigrés condamnés mais par une sorte d’autosélection des candidats à l’immigration qui les rend moins susceptibles de commettre des crimes et délits. Les données américaines permettent aussi de mesurer la délinquance de la seconde génération d’immigrants. Le taux de délinquance de la seconde génération d’immigrants est nettement plus fort que celui de la première génération et équivalent ou légèrement supérieur à celui des citoyens de même niveau d’éducation et nés de parents américains.

Au Royaume-Uni, une équipe de recherche menée par Steven Machin a étudié les effets sur la délinquance de deux vagues successives d’immigration. La première vague, à la fin des années 90, correspond à l’afflux de demandeurs d’asile en provenance de pays en guerre (Afghanistan, Irak et Somalie). La seconde vague, à partir de 2004, résultait de la décision prise par le Royaume-Uni d’ouvrir immédiatement, à la différence de la France, son marché du travail aux nouveaux pays accédants à l’Union européenne (Pologne, Hongrie, etc..).

Les résultats de l’étude montrent qu’aucune des deux vagues n’a été associée à une hausse des violences contre les personnes. Seule la première vague fut suivie d’une légère hausse du taux d’atteinte aux biens (de 2,5 à 2,7 %). Au final, l’étude valide le modèle de Gary Becker : les opportunités de travail légal constituent un déterminant essentiel du niveau de délinquance. Les immigrants de la première vague eurent un accès difficile au marché du travail parce qu’ils devaient attendre longtemps la décision finale sur leur demande d’asile alors que ceux de la seconde vague furent rapidement intégrés.

Romain Rancière est chercheur à l’Ecole des Ponts et Chaussées et professeur associé à l’Ecole d’économie de Paris.

Source : Libération.fr

"La protection des droits humains aux frontières" est le thème d'une Conférence internationale organisée, mardi à Oujda, à l'Initiative de l'Association Beni Znassen pour la culture, le développement et la solidarité (ABCDS).

Les politiques migratoires, la protection des droits des migrants et des réfugiés aux frontières internes et externes de l'Europe, les politiques de rétention et d'expulsion, les alternatives citoyennes ou encore le rôle des sociétés civiles du Sud, sont autant de sujets soulevés par les intervenants.

La rencontre, qui a connu la participation de représentants d'Associations et de Réseaux nationaux et internationaux des pays du Sud et du Nord qui œuvrent notamment pour la promotion et le respect des droits fondamentaux des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés, a constitué aussi une occasion pour faire un état des lieux, échanger les expériences et engager une réflexion sur les actions et les efforts à déployer dans ce domaine.

Les intervenants, tout en estimant que les mesures exclusivement répressives ne peuvent stopper la migration, ont plaidé en faveur d'un véritable changement des politiques internationales dans ce domaine afin de consacrer le respect des droits fondamentaux de la personne et des obligations internationales découlant de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et des conventions et pactes internationaux.

Certains participants ont appelé au renforcement de la collaboration entre les différentes parties que sont les pays d'origine, de transit et d'accueil pour mieux résoudre les questions liées à l'immigration et assurer la protection des groupes vulnérables de migrants, loin des réflexes xénophobes et des mesures discriminatoires.

Ils ont, de même, mis l'accent sur le rôle que peuvent jouer les sociétés civiles pour "infléchir les politiques européennes" dans ce domaine et plaider pour des lois et des solutions concrètes qui préservent la dignité humaine.

"Les politiques européennes en matière d'asile et d'immigration sont très restrictives et sont conçues dans l'optique de limiter l'accès au territoire européen aux personnes qualifiées", a estimé Diane Kitmun, du Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) en France, dans une déclaration à la MAP, mettant l'accent sur "les conséquences de ces orientations au sein même de l'UE".

Après avoir rappelé que la migration est un phénomène planétaire, elle a indiqué qu'il faudrait "arrêter d'être dans cette logique d'immigration choisie et aller vers une politique de libre-circulation".

Les Associations de la société civile peuvent jouer un rôle important tant au niveau juridique que politique, a-t-elle noté, faisant remarquer que le GISTI agit sur ces deux aspects.

Source : MAP

 

Des Etats-Unis à l'Europe, partout le débat s'envenime autour de la religion musulmane et des menaces que fait peser l'islamisme sur les sociétés occidentales. Un terrain fertile pour les amalgames, les manipulations, l'exploitation des peurs. L'Express décrypte ce dossier. Sans tabous.

En théorie, le xxie siècle aurait pu être celui de l'Occident. A la fois civilisation et force géopolitique , il apparaissait en position de poursuivre son influence planétaire tout en conservant son attraction. Ses ennemis avaient été mis à terre, un à un, qu'il s'agisse de ses propres pulsions dévastatrices - l'idéologie fasciste - ou de son farouche adversaire du xxe siècle, le bloc communiste érigé par l'URSS. Certes, on a vu les tensions internes se multiplier depuis l'effondrement du mur de Berlin, notamment lors de l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis, en 2003 ; le lien s'est néanmoins resserré, non sans débats, en Afghanistan. De même, la construction européenne a-t-elle suivi un chemin pour le moins chaotique et discutable ; mais elle a confirmé les atouts historiques accumulés par cette partie du monde, que François Mitterrand avait définie comme une "communauté de valeurs et de civilisation". Or c'est précisément cet héritage qui semble aujourd'hui menacé. Vraie ou fausse, cette perception ne cesse de gagner l'opinion, modifie les clivages politiques traditionnels et annonce une zone de graves turbulences pour les démocraties.

La supériorité des valeurs occidentales est d'un faible secours face à un faisceau convergent d'éruptions planétaires, que résume clairement Gilles Andréani, ancien directeur du Centre d'analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères : "Le populisme "néobolivarien" en Amérique latine, l'invocation des "valeurs asiatiques" en Asie orientale, des rémanences néo-impériales vaguement slavophiles en Russie, l'islamisme militant dans le monde musulman."

Cette dernière cause d'inquiétude est de loin celle qui engendre le plus de tensions. Des Etats-Unis à la Hongrie, il n'est plus un pays qui échappe à l'impression, diffuse mais tenace, que l'identité occidentale est confrontée à une sorte de défi géant lancé par l'islam, une simple religion, donc, laquelle n'a par essence aucune des caractéristiques d'une force unie ni aucune définition stratégique. Funeste amalgame, qui se fait au détriment de millions de musulmans anonymes, soucieux avant tout d'intégration mais pris en otages par une noria de groupuscules agissant pour le compte d'un islamisme affiché et conquérant. D'où une asymétrie consternante. Des imams face à la plus forte concentration de missiles jamais vue, des masses démunies opposées à la partie la plus riche du monde, des Corans et la charia contre un millénaire de droit séculier et deux siècles de démocratie individuelle : pour la première fois de l'Histoire, une spiritualité exogène se transforme en angoisse endogène.

Comment décrypter la part d'irrationnel et de réel dans cette frayeur collective, de nouveau entretenue par des rumeurs récurrentes d'attentats terroristes ? Depuis des semaines, les mises en garde gouvernementales se multiplient : Paris, Londres, Berlin préviennent ouvertement leurs populations respectives d'une amplification du risque. Washington vient aggraver l'inquiétude par une déclaration officielle d'un genre inédit : "Le département d'Etat alerte les ressortissants américains du risque potentiel d'attentats terroristes en Europe." Sans que le terrorisme islamiste soit nommément désigné, il est directement suggéré.

Le malaise va croissant si l'on en juge par la multiplication des signes. Et par le caractère transversal du problème : aucun pays, ou presque, n'échappe à la question de l'islam. Par un enchaînement dramatique, le positionnement des différents acteurs politiques par rapport à cette religion en vient à représenter le nouveau clivage des démocraties : non plus entre droite et gauche seulement, mais entre partisans de la tolérance et défenseurs de l'identité traditionnelle. Comme toujours, les règles du jeu politique amènent leur lot de simplifications, de radicalisations, de manipulations, d'exploitations.

Aux Etats-Unis, un projet de centre culturel comportant une mosquée, pourtant situé à une distance raisonnable de Ground Zero, sert de ligne de fracture entre républicains et démocrates offrant aux adversaires de Barack Obama un cheval de bataille électoral qu'ils ont tôt fait d'enfourcher.

En France, le débat envahit la scène publique de manière incessante dans un étonnant mélange d'arrière-pensées électoralistes et de réflexions de fond. L'islam "à la française", gageure des années 1990, a déserté le credo officiel. Mais Nicolas Sarkozy, qui a cherché à explorer une nouvelle voie en institutionnalisant la religion musulmane, n'a fait, paradoxalement, que "confessionnaliser" davantage le débat. Au moins a-t-il permis à d'autres voix de s'exprimer pour affronter certains tabous. Du côté de la "sarkophobie", on trouve Emmanuel Todd, pour qui une "islamophobie des classes pensantes et parlantes, intellectuelles et médiatiques" s'est répandue en France comme ailleurs en Europe. Dans Après la démocratie (Gallimard), Todd estime qu'"une laïcité désorganisée par la disparition de son adversaire catholique s'efforce d'en trouver un autre, en l'occurrence l'islam, perçu comme la dernière des croyances religieuses actives". Argument à prendre en considération.

En Grande-Bretagne, un autre ouvrage défraie la chronique en décrivant le fossé qui se creuse inexorablement. Auteur de Reflections on the Revolution in Europe. Immigration, Islam and the West (Doubleday), Christopher Caldwell présente l'islam comme une "supra-identité" et résume ainsi le sentiment des musulmans européens : "Même s'ils ne croient pas à l'islam, ils croient au camp islam." Pour Caldwell, les faits parlent d'eux-mêmes : en 2006, à Bruxelles, où 57 % des nouveau-nés sont musulmans, les sept prénoms les plus couramment enregistrés par l'état civil étaient Mohammed, Adam, Rayan, Ayoub, Mehdi, Amine et Hamza.

Presque partout en Europe, les tensions aboutissent à l'émergence de partis ou de formations qui ont en commun l'exploitation politicienne du rejet de l'islam. Après le référendum suisse sur les minarets, en 2009, la percée de Geert Wilders, aux Pays-Bas, comme le succès de l'extrême droite lors des récentes élections législatives en Suède, patrie de la social-démocratie et de la tolérance, confirment que l'émiettement des majorités dans les pays démocratiques et la multiplication des coalitions gouvernementales (Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Italie...) offrent à un nouveau populisme antimusulman un terreau fertile. D'autant plus que l'Union européenne est parcourue de tentations identitaires réductrices, qui ont déjà abouti (République tchèque et Slovaquie) ou qui font peser une menace d'éclatement (Belgique, Espagne, Italie, Autriche, Roumanie).

Le pari: une synthèse entre l'islam de Mahomet et l'esprit critique

Peut-on encore oser un discours raisonnable pour éviter à la fois l'emploi du mot "islamophobie" (terme qui trouve son origine dans l'idéologie islamiste) ou, à l'opposé, celui d'"Eurabie" (né au Royaume-Uni en réaction au ghetto communautaire du "Londonistan") ? Peut-on éviter d'en arriver à un "occidentalisme" ascendant comme il y eut un "orientalisme" condescendant ? Oui, si l'on revient aux causes de la stigmatisation de l'immigration musulmane. Le parcours de millions d'hommes et de femmes issus de l'immigration est désormais lié au destin même de l'Occident. Avec plus de 20 millions de musulmans installés en Europe (dont 5 en France, 4 en Allemagne, 2 au Royaume-Uni), principalement concentrés dans les grandes villes, le visage des sociétés européennes subit une transformation inéluctable sous l'effet de deux facteurs décisifs, qui doivent échapper à la polémique.

Le premier tient au déclin démographique de l'Europe. En 2010, la population du Vieux Continent a dépassé la barre symbolique des 500 millions d'habitants, soit 1,4 million de plus que l'année précédente. Or ce faible gain, qui cache de fortes disparités (19 Etats membres de l'Union européenne ont progressé, dont la France, tandis que 8 autres ont reculé, comme l'Allemagne), est principalement dû à l'immigration : 0,9 million d'immigrés de plus, soit 60 % de la progression globale. Rien de bien alarmant en soi, puisque les flux migratoires vers l'Europe ont même tendance à baisser par rapport à 2007 en raison du ralentissement économique, mais l'accroissement naturel de la population européenne (différence entre le nombre de décès et de naissances) n'est, lui, que de 0,5 million. Conclusion : en cinquante ans, le rapport entre la contribution des naissances et l'immigration s'est inversé. A titre de comparaison, en 1960, l'ensemble aujourd'hui constitué par les 27 pays de l'Union enregistrait un accroissement naturel de 4 millions.

Le deuxième facteur tient à la part prépondérante prise par les immigrés originaires de pays de culture musulmane et à leur affirmation identitaire, qui se fait d'abord par ostentation religieuse. Par définition, le courant migratoire principal ne pouvait qu'être musulman en raison des disparités de développement et des liens tissés durant la période coloniale, qui, contrairement à un avis répandu, a coïncidé avec l'augmentation des flux de population vers le Nord. Ce qui pose surtout problème est le désir d'identification islamique, qui entraîne une attitude de plus en plus revendicative. Il en sera ainsi tant que l'islam d'Europe sera une continuation de l'islam tel qu'il est pratiqué dans les pays d'origine.

Le pari de l'avenir consiste à voir advenir une synthèse entre l'islam de Mahomet et l'esprit critique occidental, l'islam des Lumières, somme toute. C'est la voie étroite qu'explorent, à leurs frais, des penseurs courageux comme Abdennour Bidar ou Ayaan Hirsi Ali, purs produits d'un islam "objectivisé". L'émergence d'une voie musulmane affranchie du carcan de la charia et le passage de la loi religieuse à une spiritualité privée, tel est le dernier défi lancé à un Occident largement sécularisé. Ce n'est pas le moindre.

Car, à l'heure actuelle, pris dans les rets des écoles coraniques traditionnelles, les musulmans européens représentent une proie de choix pour les prêcheurs, accourus du Caire ou de Karachi, qui visent avant tout le pouvoir sur ces communautés déracinées. Pire encore, des Etats présentés comme alliés de l'Occident, tels que l'Arabie saoudite, financent à l'envi la construction de mosquées et la diffusion du wahhabisme, courant rigoriste farouchement opposé à la permissivité occidentale. C'est ainsi que la maladie de l'islam, cette mainmise de la religion sur toute la société et sur les comportements privés, se transfère à l'Europe.

La question de l'islam place autant les Occidentaux face aux musulmans que les pays arabo-musulmans face à leur propre devenir. Elle suppose non seulement des réponses intérieures aux sociétés européennes, mais aussi une évolution globale qui met en cause des régimes du Sud largement délégitimés, orfèvres du double langage à l'égard de l'islamisme. C'est tout le problème et il est de dimension historique.

Source : L’Express.fr

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