lundi 23 décembre 2024 01:19

Un colloque du CCME organisé avec le concours des principales associations de retraités marocains à l'étranger

 

 

 

 

Introduction : panorama du fait religieux en Europe.

 

 

 

L'europe : un continent qui a toujours été religieusement très divers.

Même si cette mixité n'a pas toujours, loin s'en faut été synonyme de tolérance et de coexistence pacifique, force est de constater que l'Europe, au sens géographique du terme, c'est-à-dire le continent européen a vu s'établir à travers l'histoire des populations sectatrices de religions différentes.

Je pense ici évidemment à la présence, très importante jusqu'à la deuxième guerre mondiale de la population juive, estimée à 9, 5 millions, notamment en Europe de l'Est, puisque la Pologne comptait 3 millions de juifs en 1933, ce chiffre n'étant plus que de 45 000 en 1950...[1]

Mais également au sein de la chrétienté majoritaire à la coexistence des mondes catholiques et protestants, certains pays comme l'Allemagne avec 32 % de catholiques et 40 % de protestants[2] étant symboliques de cette diversité, qui a souvent été, notamment en Irlande mais également en France à l'origine d'affrontements violents.

Enfin, l'orthodoxie majoritaire en Europe Orientale, revivifiée depuis la chute du Mur de Berlin explique bien des alliances géostratégiques, je pense ici aux liens entre la Russie et la Serbie.

Et pour rester dans les Balkans, comment ne pas évoquer les européens de confession musulmane qui peuplent cette région depuis des siècles et qui forment la majorité de la population dans certains pays, comme l'Albanie ou la Bosnie-Herzégovine et nouvellement le Kosovo [3].

Bien sûr, s'il fallait un jour voir la Turquie intégrer l'Union Européenne, le nombre de musulmans augmenterait considérablement en Europe puisque ce pays compte 71 millions d'habitants dont 99 % sont musulmans...

Mais cette présence « historique » des musulmans sur le continent européen a été considérablement renforcée ces dernières années par l'arrivée de musulmans d'origine non européenne.

Evidemment, bien souvent les nouveaux musulmans européens ne savent pas qu'ils sont installés sur des terres où il y a bien longtemps leurs coreligionnaires étaient implantés.

Et pour illustrer cette affirmation j'ai plaisir à citer ici à Fès en terre marocaine l'un d'entre eux, l'un d'entre-vous , le célèbre Ibn Battuta, le Marco Polo de l'Islam qui écrivait en l'an 1350 : « Je visitais encore à Grenade, le cheikh des cheikh, supérieur des soufis, le jurisconsulte Abou 'Ali 'Omar. Je restais quelques jours dans son ermitage situé au dehors de Grenade et il m'honora excessivement. Puis j'allais en sa compagnie visiter la zaouia célèbre, vénérée du public et appelée Rabitah al 'okab, du nom d'une montagne qui domine l'extérieur de Grenade »[4].

D'origines diverses, mais majoritairement issus des anciennes colonies et établis dans les anciennes « métropoles », ce qui n'est pas sans lien avec la façon dont ils sont perçus par les populations autochtones et les Etats, ils forment désormais d'importantes minorités religieuses : les évaluations varient d'une source à l'autre, mais on cite le chiffre de 14 millions ; ils forment près de 4% de la population de l'Union Européenne.

En Allemagne, en France, en Belgique et aux Pays-Bas, ils représentent de 3 à 10% de la population, l'Islam étant désormais la 2e religion de France.

 

Ils participent sous des formes diverses à une redéfinition du rapport au religieux perceptible en Europe et même au delà.

 

 

 

Un déclin ou une redéfinition de la religiosité ?

Mais s'agit-il d'une redéfinition ou d'un déclin ?

 

Certains observateurs considèrent en effet que l'Europe est la terre d'élection de la sécularisation, perçue comme un phénomène de désinstitutionnalisation de la religion et de disqualification du credo religieux ; ils opposent en cela l'Europe aux Etats-Unis présentés comme un foyer de religiosité ardente.[5]

Je pense, et j'y reviendrai qu'effectivement la sécularisation représente un phénomène important en Europe.

Cependant, s'il est vrai que la religion tient une place plus importante aux U.S.A[6], il ne faut pas pour autant, me semble-t-il considérer pour autant l'Europe comme un continent où le fait religieux subirait une forme de déclin.

 

Il faut en fait affiner l'analyse :

  • On assiste en Europe à une perte d'emprise des églises « officielles »[7] qui ne correspond pas forcement à un déclin de la Foi. On observe même depuis une dizaine d'années un renforcement des croyances religieuses chez les jeunes : 60% déclareraient aujourd'hui croire en Dieu, contre 53% il y a treize ans[8].
  • On assiste également à l'affirmation du phénomène de « l'individualisation du croire », c'est-à-dire à l'émergence de syncrétismes ou de bricolages religieux basés sur des emprunts aux grandes traditions religieuses dans lesquelles les individus, tels des consommateurs puisent, adaptent afin de trouver leur bonheur.
  • Et quelquefois, cette quête spirituelle individuelle amène certains à « changer de fournisseur », c'est-à-dire à se convertir à une religion qui n'est pas celle dans laquelle ils ont été élevés ou celle de leur culture d'origine[9].

 

 

Face à ces phénomènes, comment réagit le droit ?

En est-il le révélateur ou se situe -t-il en deçà de ces évolutions ?

 

Afin de se faire une opinion, je vous propose d'entreprendre une analyse rapide des droits des cultes dans les principaux pays européens ; il conviendra également de s'interroger sur l'existence d'un droit des cultes européen, qui s'imposerait à chaque Etat de l'Union Européenne.

 

 

 

 

Première Partie : la pluralité des droits des cultes en Europe et la place qu'ils réservent à l'Islam.

 

Nous verrons plus avant que la majorité des pays de l'UE progressent vers une forme de « laïcité culturelle », d'autres emploient le terme de sécularisation, les Etats reconnaissant aux différents cultes le droit d'offrir des réponses spirituelles, éthiques aux citoyens, dans la mesure où ces cultes reconnaissent le cadre légal sécularisé[10].

Certains auteurs[11] ont établi une typologie dualiste en distinguant entre un modèle de sécularisation en œuvre dans les pays protestants, où il existe une coopération entre l'Etat et la ou les institutions religieuses dans l'organisation de la vie sociale et un modèle de laïcisation, plus « catholique » qui met en concurrence l'Etat et la ou les religions.

Je vous propose pour ma part une classification autre, basée sur l'existence de trois grands ensembles, car j'ai constaté que la frontière entre Europe « catholique » et « Protestante » était assez poreuse sur ce plan : par exemple, la Belgique est un pays « catholique » où l'Etat coopère avec les religions.

 

On peut donc distinguer :

1- Les pays de religion d'Etat mettant en œuvre des « systèmes de confessionnalité ».
2- Les pays neutres religieusement comprenant des religions reconnues : les « systèmes de séparation souple ».
3- La laïcité française : une séparation stricte.

       

       

       

      1 - Dans le premier groupe, on trouve des pays où une religion est reconnue comme dominante par l'Etat.

         

        Par exemple en Angleterre, l'Eglise anglicane jouit du statut d'Eglise « établie »[12] ; le souverain en est le chef[13] et la cérémonie du couronnement est une cérémonie religieuse ; il nomme les principaux dignitaires ecclésiastiques ; les deux archevêques et les 24 évêques de l'Eglise anglicane siègent à la chambre des Lords et toutes les séances du Parlement commencent par une prière.

        Le successeur au Trône doit être obligatoirement protestant[14] et ne doit pas épouser une personne de confession catholique.

        Malgré ce statut, le soutien financier de l'Etat est très limité : aucun paiement de salaire, de frais de gestion ou de retraite n'est assuré par l'Etat et les exemptions d'impôts sont celles dont bénéficient toutes les organisations caritatives.

        Le seul soutien financier indirect concerne l'entretien des bâtiments historiques, ce qui est important puisque 13.000 des 16.000 églises paroissiales sont répertoriées comme telles.

         

         

        Au Danemark, le protestantisme luthérien a le statut d'Eglise « Nationale » depuis 1536 et bénéficie du soutien de l'Etat[15] qui est toujours en charge de la législation, de l'administration et des décisions judiciaires de l'Eglise au niveau national.

        Le Roi se doit d'appartenir à cette église[16] et il en est son chef. En pratique, son pouvoir est assuré par le Ministre des Affaires Ecclésiastiques ; les ministres du culte disposent du statut de fonctionnaires, ils sont rémunérés en partie par l'Etat[17].

        L'Eglise protestante luthérienne bénéficie d'un impôt cultuel dû par tous les citoyens baptisés dans cette religion qui n'ont pas rempli une demande pour en être exemptés[18] ; collecté par les communes, il varie entre 0,39% et 1,5% du revenu imposable.

        Par ailleurs, l'Etat danois confie des compétences d'intérêt public à l'Eglise luthérienne : le service des pompes funèbres et l'enregistrement des naissances à l'état civil[19].

         

         

        En Grèce, l'article 3 de la constitution reconnaît à l'Eglise orthodoxe autocéphale un statut de « religion dominante» ; elle bénéficie de privilèges fiscaux ; les membres du clergé sont fonctionnaires rémunérés par le Ministère de l'Education Nationale et des Affaires Religieuses . La nomination des métropolites et des archevêques continue de devoir être validée par l'Etat ; les prières sont obligatoires dans certaines institutions comme l'armée et l'école. Dans cette dernière, les cours d'éducation religieuse sont obligatoires.

        Les bénédictions religieuses émaillent les célébrations civiles nationales, comme par exemple les nouvelles sessions parlementaires, ces derniers devant se plier à une prestation de serment religieuse.[20]

         

        Malgré la faveur accordée à une religion, ces Etats reconnaissent les autres cultes.

         

        En Angleterre, le régime de tolérance religieuse date de la fin du 16e siècle avec le Toleration act de 1688 accordant la liberté de culte aux catholiques.

        Toutes les communautés religieuses non anglicanes sont indépendantes de l'Etat et organisées dans le cadre associatif. Elles peuvent obtenir le statut d'institutions charitables qui leur permet de jouir d'un statut fiscal avantageux avec exemption de tout impôt sur le revenu.

        Dans ce cadre juridique très souple, des centaines d'organisations musulmanes développent leurs activités ; elles collaborent avec l'Etat dans de nombreux domaines, notamment au niveau éducatif (par exemple, acceptation du voile et des repas halal, cours d'éducation religieuse islamique dans les quartiers où il existe de fortes communautés musulmanes...). Des financements publics sont accordés à des associations religieuses qui développent des actions à caractère social (alphabétisation...).

         

        Au Danemark, conformément au principe constitutionnel de l'interdiction de toute discrimination religieuse[21] et à celui de la liberté religieuse[22] les communautés autres que l'Eglise luthérienne sont constituées en associations de droit privé ; une vingtaine d'entre elles ont été reconnues par le Ministère des Affaires Ecclésiastiques, ce qui leur permet de célébrer des mariages civilement valables, d'enregistrer les naissances et les décès et de délivrer tous les actes de l'état civil. Cette reconnaissance officielle leur permet de recevoir des fonds publics pour les activités à caractère social ; elle ne leur permet pas de bénéficier de financements publics pour l'exercice d'un culte.

        La religion musulmane n'est pour l'instant pas reconnue[23]. Les imam doivent obtenir une autorisation du Ministère des Affaires Ecclésiastiques pour pouvoir séjourner sur le territoire danois ; ils peuvent être autorisés à inhumer des musulmans et peuvent obtenir l'autorisation de célébrer des mariages dont la validité est cependant soumise à l'enregistrement des autorités danoises.

         

         

        En Grèce, la liberté de culte est un principe constitutionnel reconnu pour les religions connues sans dogmes secrets et sans culte clandestin : le judaïsme, l'islam, le catholicisme, le protestantisme, le méthodisme et les témoins de Jéhovah. Ces cultes ne doivent cependant pas se trouver en contradiction avec la situation privilégiée de l'Eglise orthodoxe grecque qui conserve un droit de veto sur toute construction de lieu de culte.

        Il faut noter que la Grèce présente la particularité d'accueillir une minorité religieuse musulmane de 370.000 personnes en Thrace occidentale au Nord-Est du pays. Ces citoyens disposent de garanties prévues par le traité de Lausanne signé le 24 juillet 1923 : libre exercice de la religion, écoles musulmanes financées par l'Etat grec, un statut personnel particulier géré par trois mufti qui devaient être élus par la population mais qui sont nommés par l'Etat grec[24].

         

         

         

        2 - Le modèle le plus répandu est celui de pays ou l'Etat est neutre mais reconnaît différentes religions : les systèmes de séparation souple.

           

          Dans ces pays, L'Etat ne connaît aucune religion officielle.

          C'est le cas par exemple en Belgique[25], aux Pays-Bas[26], en Allemagne[27], en Italie[28] et en Espagne[29], mais également en Autriche[30], en Suède[31], et en Irlande[32].

          C'est ce système qui prévaut également dans la plupart des anciennes démocraties populaires d'Europe centrale : Pologne[33], Hongrie[34], Roumanie[35], Slovaquie, Tchéquie, Slovénie, Lettonie, Lituanie, Estonie.

           

           

           

          Différentes religions sont cependant reconnues, et l'on va noter sur ce point des différences entre pays.

          Certains pays n'accordent à aucune religion de statut juridique particulier.

          Certains pays réservent des statuts juridiques particuliers aux religions les plus anciennement implantées et qui comptent le plus d'adeptes.

           

           

          Je prendrai pour illustrer mon propos deux exemples emblématiques :

           

          En Belgique, pays majoritairement catholique, l'Etat reconnaît par acte royal certaines confessions qui bénéficient par ce biais d'un même statut juridique, même si le culte catholique a servi de modèle et de point de référence pour l'élaboration du statut juridique des autres cultes reconnus.

          L'absence de texte énonçant les critères de cette reconnaissance est palliée par la constance des réponses apportées aux questions posées par les parlementaires ; ainsi « Pour qu'un culte puisse jouir de la reconnaissance légale, il doit regrouper un nombre relativement élevé d'adeptes (plusieurs dizaines de milliers), être structuré, être établi dans le pays depuis une assez longue période, présenter un certain intérêt social et enfin ne développer aucune activité qui pourrait aller à l'encontre de l'ordre social».[36]

          Les cultes reconnus[37] par l'Etat belge sont les Eglises catholique, protestante, anglicane, orthodoxe, les cultes israélite et musulman[38]. Nous verrons plus avant que dans la pratique la reconnaissance ne garantit pas un traitement égalitaire.

           

           

          En Italie, les religions ont des statuts juridiques différenciés.

          Les relations entre l'Etat et l'Eglise catholique sont régis par un concordat signé entre l'Etat italien et l'Etat du Vatican, ainsi que par une loi du 20 mai 1985 sur les entités ecclésiastiques catholiques, leur statut juridique et leur financement.

          Le concordat issu du Pacte de Latran signé en 1929 par Mussolini, modifié le 18 février 1984[39] constitue un traité international ratifié par le Parlement. Tout litige à son sujet doit être réglé par les juges internationaux et échappe ainsi au juge italien. Il va sans dire que ce statut est avantageux : plutôt que d'aller devant la Cour Internationale de Justice de La Haye, les deux Etats s'efforceront de trouver un accord amiable car aucun n'aura intérêt à se lancer dans un contentieux diplomatique.

           

          Tout en affirmant la séparation des domaines religieux et civil, ils continuent d'accorder de nombreux privilèges, notamment financiers à l'Eglise catholique.

          Les confessions autres que catholique bénéficient soient d'ententes avec l'Etat qui sont des accords ratifiés par le Parlement relevant du droit interne[40], soit relèvent des dispositions de la loi du 24 juin 1929 sur le statut juridique des confessions autres que catholique. On trouve enfin des religions qui relèvent du droit commun des associations ; l'Islam fait partie de cette catégorie, les projets d'entente avec l'Etat demandés par différentes organisations musulmanes ayant échoué notamment au motif que les musulmans ne sont pas eux-mêmes organisés[41].

           

           

          On parle de séparation souple car ce système de reconnaissance implique l'attribution d'aides publiques en faveur des cultes.

           

           

          En Belgique, l'Etat prend en charge les traitements et pensions des Ministres des Cultes[42], l'enseignement religieux est dispensé et financé par les Communautés Linguistiques dans toutes les écoles confessionnelles ou non[43].

          Les confessions reconnues par l'Etat bénéficient d'avantages : Présence et paiement des aumôniers dans les prisons, les hôpitaux, les forces armées et les aéroports, la prise en charge des déficits liés à l'exercice des cultes, prise en charge par les Communes ou les provinces du logement ou paiement d'une indemnité compensatoire en faveur des ministres du culte. Les Communautés religieuses bénéficient de crédits publics[44] pour la rénovation et l'entretien de leurs bâtiments.

           

          Enfin, ces dernières bénéficient d'un régime fiscal avantageux.

          Malgré l'égalité cultuelle proclamée par l'Etat, l'Eglise catholique est celle qui obtient encore le plus d'aides (80% des aides publiques consacrées aux cultes en 2000), la Communauté musulmane apparaissant comme le parent pauvre des religions reconnues : en 2004, elle était encore privée de l'enveloppe budgétaire qui lui revenait de droit, ne disposant que de 420.000 euros, le culte catholique bénéficiant de 350 millions d'euros ; jusqu'à cette même année, aucune mosquée n'avait été subventionnée en dehors de la grande mosquée du centenaire à Bruxelles. Il était également fait état de difficultés concernant la rémunération des imam[45].

           

          En Italie, les religions bénéficiant d'une entente avec l'Etat et l'Eglise catholique peuvent recevoir une partie de l'impôt sur le revenu[46], bénéficier de dons déductibles du revenu imposable du donataire, d'un régime fiscal avantageux.

          L'Eglise catholique bénéficie de la rémunération étatique de ses aumôniers dans les prisons et les hôpitaux (les autres confessions les rémunérant sans aucune aide publique) et de la prise en charge des cours de religion catholique dans les établissements primaires et secondaires.

           

           

          3 - Nous terminerons cette 1ere partie par l'évocation de la laïcité française, symbole d'une séparation stricte entre l'Etat et les religions[47].

           

          La laïcité de la République française constitue un principe à valeur constitutionnelle[48] qui ne peut être juridiquement remis en cause. En effet, le fait que l'article 1er de la constitution rattache la laïcité à la forme républicaine de la France a une conséquence juridique importante puisque l'article 29 de la constitution prohibe la révision de la forme républicaine du gouvernement.

           

          Fait remarquable, aucun texte ayant une portée juridique ne donne une définition précise de la laïcité. Je m'essayerai donc très imprudemment à l'exercice en vous proposant celle-ci : La laïcité implique que l'Etat et l'ensemble des institutions publiques n'interviennent pas dans le domaine religieux et que les religions n'interviennent pas dans la sphère publique.

           

          Cette séparation a été principalement affirmée par la Loi du 9 décembre 1905 qui affirme que la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.

           

          Mais la laïcité doit cohabiter avec un autre principe constitutionnel : celui de la liberté de conscience, la République respectant aux termes de l'article 1er de la constitution toutes les croyances[49].

           

          C'est pourquoi l'article 18 de la loi du 9 décembre 1905 prévoit la création d'associations qui pourront subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte, mais qui ne pourront toutefois bénéficier d'aucune subvention publique.

           

           

          Ce principe a subi plusieurs tempéraments :

          • Ces associations sont en effet exonérées de certains impôts directs locaux,[50] elles peuvent recevoir des dons et des legs, exonérés de droits de mutation.[51]
          • L'article 5 de la loi du 13 avril 1908 a autorisé l'Etat, les Départements et les Communes à engager les dépenses nécessaires en vue de l'entretien et de la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la Loi, c'est à dire ceux édifiés avant 1905, donc essentiellement des églises et quelques temples et synagogues et également des bâtiments appartenant aux associations cultuelles[52].
          • L'article 11 alinéa 1er de la loi de finances du 29 juillet 1961[53] permet aux communes de garantir les emprunts contractés par les associations cultuelles afin de financer dans des agglomérations nouvelles des édifices correspondant à des besoins collectifs à caractère religieux.
          • Il faut également citer la technique juridique du Bail Emphytéotique Administratif utilisé par des personnes publiques afin de mettre à bail des terrains au profit d'associations cultuelles pour une durée comprise entre 18 et 99 ans, ce qui peut être assimilé à une subvention publique.
          • Les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 ont également été contournées par la loi du 2 janvier 1907 qui a ouvert la possibilité aux associations régies par la loi du 1er juillet 1901 d'assurer l'exercice d'un culte, ces associations pouvant être librement subventionnées par les pouvoirs publics.

           

           

          La laïcité a donc été largement aménagée pour tenir compte de la liberté de conscience et du libre exercice des cultes.

          Devant les nombreux tempéraments portés au principe du non subventionnent public des cultes, certaines voix se sont fait entendre dans le monde politique, judiciaire et universitaire pour réviser la loi du 9 décembre 1905 [54].

          Ce qui n'a pas empêché le monde politique de réaffirmer haut et fort son attachement à la laïcité à l'occasion de l'adoption le 15 mars 2004 d'une loi encadrant le port de signes ou de tenus manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics[55].

          Quoi que l'on puisse penser de ce texte qui en fait, visait l'interdiction du voile islamique, force est de constater que la justice européenne a récemment donné raison à la France à l'occasion de deux arrêts rendus au mois de décembre 2008 que j'évoquerai plus avant.

           

           

           

           

          Deuxième Partie : vers un droit des cultes européen ?

           

          Ceci me permet d'aborder la deuxième partie de cette intervention dans laquelle je vais m'interroger sur la présence ou pas d'un droit des cultes européen.

           

          1- L'affirmation de certains principes

           

          Différents actes communautaires abordent le fait religieux[56] en se bornant à affirmer certains principes :

          Par exemple, les traités fondateurs de l'U.E ont consacré deux principes : celui de non-discrimination religieuse et celui du respect des droits fondamentaux de la personne[57].

          Ces principes sont repris par la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne du 7 décembre 2000 et par le récent traité de Lisbonne du 13 décembre 2007[58] modifiant le traité sur l'Union Européenne et le traité instituant la Communauté Européenne.

          La Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales du 4 novembre 1950 qui intervient dans le cadre plus large du Conseil de l'Europe reprend également les deux principes précités en précisant que « 1. Toute personne a droit a la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, à la sécurité publique ou à la protection de l'ordre de la santé ou de la morale publique ou à la protection des droits et des libertés d'autrui »[59].

           

          2. Le contrôle de l'application de ces principes

           

           

           

          La CEDH contrôle le respect de ce texte. Il faut en effet rappeler qu'en vertu de l'article 34 de la convention, la CEDH peut être saisie d'une requête individuelle par toute personne physique, toute Organisation Non Gouvernementale qui estime être victime d'une violation des droits reconnus par la convention.

           

          Au niveau de la forme, les restrictions doivent être claires, précises et doivent pouvoir être connues[60]. Ceci impose l'intervention d'une loi, non pas au sens formel, c'est à dire une loi votée au Parlement, mais au sens matériel, c'est à dire un acte de portée générale ayant fait l'objet d'une publication. Ceci exclut des restrictions fondées sur des normes inférieures dans la hiérarchie des normes (circulaires par ex) ou sur des décisions jurisprudentielles.

          Cette exigence a certainement pesé sur le choix de l'intervention du législateur français en 2004 concernant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

           

           

          Sur le fond, la Cour érige la liberté religieuse en principe, l'interdiction ne pouvant constituer que l'exception.

          Ainsi, la liberté de conscience et de religion peut-elle être affirmée en parole et en actes[61] ; la prohibition d'un culte est interdite[62] ; le rôle de l'Etat dans l'organisation d'une neutralité impartiale est reconnu, ce dernier devant permettre l'exercice des religions, des cultes et croyances et ne pas apprécier la légitimité des croyances.[63]

           

          Au fil des années, la CEDH a précisé le champ d'application de l'interdiction de la liberté religieuse. Elle a ainsi estimé en 1993 que le principe de laïcité constitutionnellement reconnu en Turquie justifiait l'exclusion de l'université de deux étudiantes qui refusaient d'ôter leur voile islamique pour se faire photographier.[64] Toujours en Turquie, la Cour a également approuvé l'interdiction d'une formation politique islamiste, le Refah au motif qu'il souhaitait instaurer un régime fondé sur la chari'a, l'interdiction étant dès lors nécessaire « à la protection d'une société démocratique »[65]. Le 27 avril 1999, la CEDH a considéré au nom du droit à l'instruction des enfants que le refus d'accorder une dispense de l'obligation scolaire le samedi à un enfant dont les parents sont membres de l'Eglise adventiste du 7e jour était justifié. Le 29 juin 2004, la CEDH a estimé que la réglementation de l'Université d'Istanbul qui interdit le port du voile islamique apparaissait proportionnée aux buts poursuivis, la protection de la laïcité dans un établissement universitaire dans un pays où il existe des mouvements politiques extrémistes utilisant les symboles religieux à des fins politiques relevant d'un « besoin social impérieux ».

           

          Concernant les turbans sikh, la CEDH a débouté une personne qui avait attaqué les autorités d'un aéroport au motif qu'il avait été obligé d'ôter son turban lors du passage sous le sas de sécurité car cette mesure était nécessaire à la sécurité publique[66] ; elle a également récemment admis également pour des raisons de sécurité publique qu'une personne puisse se voir refuser un renouvellement de permis de conduire au motif qu'il apparaissait coiffé d'un turban sur les photos d'identité demandées[67].

          Pour prendre un cas qui s'est déroulé ici au Maroc, la CEDH a estimé que le refus de laisser entrer une femme voilée dans le Consulat de France à Marrakech pour l'obtention d'un visa parce qu'elle s'était opposée à son identification par un agent enlevant son voile, ne constituait pas une atteinte à la liberté religieuse car cette mesure était dictée par des consignes de sécurité[68].

           

          La CEDH est également intervenue dans deux arrêts rendus le 4 décembre 2008[69] pour débouter deux collégiennes françaises qui avaient refusé de participer aux cours d'éducation physique car il leur fallait pour cela enlever leur voile et partant, avaient été exclues du collège. La Cour a souligné à cette occasion la spécificité du modèle français de laïcité et a affirmé l'existence, je cite : « d'une marge d'appréciation qui doit être laissée aux Etats membres dans l'établissement des délicats rapports entre les Etats et les Eglises ».

          Et effectivement, nous voyons que si la liberté de manifester ses convictions religieuses est reconnue, elle s'accompagne d'une protection toute relative fondée sur une marge d'appréciation laissée aux Etats tout à fait appréciable.

           

          3. L'inexistence d'un système de gestion du fait religieux en Europe

           

           

          Car au-delà de l'affirmation et de l'interprétation jurisprudentielle de ces principes aucune compétence n'est attribuée à l'Union Européenne en matière de gestion des cultes : il n'existe pas un système de gestion du fait religieux qui s'impose à tous les pays de l'U.E.

           

          Le seul texte qui fait mention du statut des cultes est issu d'une courte déclaration adoptée à Turin le 22 mars 1996 par les représentants des Etats Membres de l'U.E qui est annexée au traité d'Amsterdam sous le titre : « Déclaration relative au statut des églises et organisations non confessionnelles » et qui précise que l'U.E « respecte et ne préjuge pas le statut dont bénéficient en vertu du droit national les églises et les associations ou communautés religieuses des Etats membres »[70].

          Cette absence de droit européen des cultes permet aux Etats de continuer à appliquer des dispositions juridiques guidées, nous l'avons vu, par des rapports au fait religieux très divers.

          Et ceci a pour conséquence des différences dans la manière dont ils traitent juridiquement certains dossiers comme par exemple le port du voile islamique[71], ou la reconnaissance de certains cultes[72].

           

           

           

           

           

          Conclusion : vers une civilisation commune ?

           

          En conclusion, je crois que l'Europe et à des degrés et sous des formes diverses les pays européens sont tiraillés entre deux tentations parfaitement illustrées lors des débats qui ont fait rage sur la référence à la religion dans le projet de constitution européenne.

           

          D'une part la tentation du repli culturel sur d'éventuelles racines chrétiennes ou judéo-chrétiennes, cette association du judaïsme et du christianisme qui aurait profondément choqué au milieu du siècle dernier étant désormais à la mode, ou, je l'évoquais précédemment sur une affirmation laïque d'autant plus intransigeante qu'elle s'adresse à des pratiques religieuses considérées comme exogènes.

           

          D'autre part, la tentation de l'ouverture vers l'autre, dans la tradition des Lumières : pour s'en convaincre, relisons Montesquieu ; en 1721 dans ses « Lettres Persanes », il plaidait pour la tolérance et la pluralité religieuse car pour lui, les fidèles d'une religion minoritaire sont d'autant plus appliqués à travailler et contribuent ainsi au bien-être général.

           

          Dans ses « Lettres Philosophiques » en 1734, Voltaire abondait dans le même sens en déclarant : « S'il n'y avait en Angleterre qu'une religion, le despotisme serait à craindre ; s'il y en avait deux, elles se couperaient la gorge ; mais il y en a trente, et elles vivent en paix et heureuses ».

           

          Aujourd'hui alors qu'une nouvelle diversité religieuse habite le vieux continent et que plus particulièrement l'Islam constitue une réalité européenne, oeuvrons à l'émergence d'une civilisation commune, par delà la légitime diversité des cultures héritées.

          Un droit européen des cultes, basé sur cette ambition et qui s'imposerait à chaque pays membre en permettant une parité de traitement des différents cultes pourrait constituer un outil pour ce faire.

           

           

           

           

           

           

           


          [1] Europe du Sud : 329.000 dont notamment Grèce 73.000, Yougoslavie 70.000, Italie 48.000 et Bulgarie 50.000 ; Europe de l'Ouest et du Nord : 766.600 dont notamment Royaume-Uni 300.000, France 300.000 et Pays-Bas 160.000 ; Europe Centrale : 1.644.200 dont Allemagne 525.000, Hongrie 445.000, Tchécoslovaquie 357.000 et Autriche 250.000; Europe Orientale : 6.760.000 dont Pologne 3.000.000, Partie Européenne de l'U.R.S.S 2.500.000, Roumanie 980.000, Etats baltes 250.000.

          En 1950, l'Europe n'accueillait plus que 3,5 millions de juifs.

          Chiffres donnés par le Mémorial de l'Holocauste des Etats-Unis : http://www.ushmm.org

          [2] Chiffres tirés de l'enquête « European Value Survey » cités dans Yves Lambert « Religion, l'Europe à un tournant » Futuribles, juillet-août 2002.

          [3] Albanie : 2.170.000 musulmans sur 3.100.000 habitants en 2003 (70%), Bosnie-Herzégovine : 2.342.340 musulmans sur 3.900.000 habitants en 2003 (60%) et également 14 % de musulmans « de souche » en Bulgarie, 30% en Macédoine, 3 à 3,5 % en Grèce. Sources : http://www.islamicpopulation.com et Brigitte Maréchal « L'Islam et les musulmans dans l'Europe élargie : radioscopie » Academia Bruyland. Au Kosovo, la population est à 90 % musulmane, d'origine albanaise, une minorité serbe de confession orthodoxe vivant au Nord et au Sud du pays, anciennement province serbe.

          [4] Muhammad Ibn 'abd allah Ibn Battuta « Voyages, Tome III : Inde, Extrême-Orient, Espagne et Soudan » La découverte, Poche, 1997, p. 390.

          [5] Jocelyne Cesari « Islam américain, Islam européen », Le Monde Diplomatique, avril 2001.

          [6] Si en 1960, le Président John Kennedy, de confession catholique, pouvait encore déclarer : « Je crois en un Président dont les options religieuses relèvent de ses affaires privées », les hommes politiques américains contemporains, Démocrates et Républicains confondus se définissent aujourd'hui ouvertement chrétiens et se réfèrent volontiers à la Bible (Régis Debray : « Le feu sacré ; fonctions du religieux », Fayard, 2003, p. 336).

          Le Président Georges W.Bush, qui affirmait avoir comme philosophe référé ... Jésus Christ et qui n'oubliait jamais de commence les réunions en présence de ses proches conseillers par une prière, a défini dans son discours sur l'état de l'Union le 29 janvier 2002, la Corée du Nord, l'Iran et l'Irak comme constituant un « axe du Mal », ce qui constitue une claire référence religieuse (Paul-Marie de la Gorce « Ce dangereux concept de guerre préventive » Le Monde Diplomatique, septembre 2002, p. 10 et 11).

          G.W. Bush s'est d'ailleurs appuyé tout au long de son mandat sur les protestants fondamentalistes qui sont persuadés que les Etats-Unis seront appelés à jouer un rôle central dans la lutte biblique du Bien contre le Mal (Nicolas Birnbaum « Aux racines du nationalisme américain » Le Monde Diplomatique, Octobre 2002, p.3.).

          Son successeur Barack Hussein Obama a largement instrumentalisé la variable religieuse durant toute la campagne électorale qui a précédé son élection. Déclarant que sa foi chrétienne influait largement sur chacune de ses actions, le nouveau Président, né de père musulman, ayant pourtant reçu une éducation agnostique avant sa conversion au protestantisme a souvent évoqué sa « vie de prière » et n'hésite pas à émailler ses discours de références bibliques (François-Xavier Maigre « Barack Obama n'a jamais caché ses convictions religieuses », La Croix, 6 novembre 2008).

          Plus concrètement, B.H. Obama a annoncé son intention de renforcer le « Faith Based Initiative », instauré par son prédécesseur, qui permet à des associations religieuses caritatives de gérer des fonds publics destinés à l'action sociale contre la pauvreté. Il a cependant souhaité un contrôle de la gestion de ces fonds afin qu'ils ne soient pas utilisés à des fins prosélytes.

          [7] En France, 80% des mariages s'effectuaient à l'église en 1963 contre moins de 55% aujourd'hui ; dans les années cinquante, un tiers de catholiques se rendaient à la messe dominicale alors qu'ils sont moins de 10% aujourd'hui ; en 1965, 35.000 prêtres étaient en activité alors qu'il n'en restait plus que 9000 en 1995 : statistiques extraites de l'article de Claude Ruano Barbalan « La religion recomposée » Sciences Humaines, n°41, juin-juillet-août 2003.

          [8] Yves Lambert « Religion : l'Europe à un tournant », Futuribles, n°277, juillet-août 2002.

          [9] Par exemple, de nombreux européens se convertiraient aujourd'hui à l'Islam : En France, le nombre de 40.000 à 50.000 convertis est souvent avancé (Xavier Ternisien « La France des mosquées » Editions 10/18, p. 207 et s.), l'Espagne en compterait 20.000, le terme « Retour » prenant dans ce pays toute sa signification (Jacques Maigne « Grenade, le nouveau monde d'Al Murabitun » Histoire et Patrimoine, n°9, 2004). Le phénomène existe également en sens inverse, par exemple en France 100 à 150 musulmans se convertiraient chaque année au christianisme (Stéphanie Le Bars « De la mosquée à l'Eglise, une route solitaire » Le Monde, 2 mars 2008) ; ces chiffres sont toutefois à manier avec beaucoup de prudence. Les églises évangéliques semblent également recruter beaucoup d'adeptes issus du catholicisme « traditionnel ».

          [10] Stéphane Lathion « Islam et musulmans en Europe », Focus, La Médina, 2003, p.30.

          [11] Henri Péna Ruiz et Françoise Champion par exemple.

          [12] En Ecosse, l'Eglise établie est l'Eglise presbytérienne ; depuis respectivement 1870 et 1920, l'Irlande du Nord et le Pays de Galles n'ont plus d'Eglise établie

          [13] La suprématie royale sur l'Eglise anglicane a été établie par l'Act of supremacy en 1543.

          [14] « Act of Settlement » de 1701.

          [15] Article 4 de la constitution danoise.

          [16] Article 6 de la constitution danoise.

          [17] Les évêques sont rémunérés par l'Etat ; les pasteurs et les doyens le sont pour la partie qui n'est pas couverte par le « fonds commun » des paroisses.

          [18] Dans les faits, 90% des danois paient cet impôt.

          [19] Le 5 novembre 2007, la Cour suprême danoise a jugé que les lois actuelles concernant le subventionnement direct de l'Etat à l'Eglise nationale luthérienne et l'enregistrement des naissances dans les paroisses (sauf dans la région du Jutland du Sud) n'était pas contraire à la Convention Européenne des Droits de l'Homme. La Cour avait été saisie par un catholique qui estimait discriminatoire de financer par son impôt cette Eglise dont il n'était pas membre et de devoir enregistrer la naissance de sa fille dans les bureaux de cette Eglise. La Cour a estimé que l'enregistrement des naissances par le biais de l'Eglise nationale luthérienne n'était pas discriminatoire envers les personnes d'autres religions car il s'agissait d'une fonction non religieuse de l'Eglise non rémunérée par l'Etat. De même, le paiement d'impôts dont une partie sert à subventionner cette Eglise ne limité pas la liberté religieuse des non membres car cela constitue un impôt indirect, contrairement à l'impôt cultuel.

          [20] Il faut noter que la Bulgarie se rapproche de ce modèle de la religion d'Etat puisqu'elle a adopté le 19 décembre 2002 une loi sur les religions qui confirme le rôle dominant de l'Eglise orthodoxe, cette dernière étant considérée comme une personne juridique et, à ce titre ne devait pas être enregistrée par l'administration civile pour être reconnue officiellement à la différente des autres confessions. La loi définit l'Eglise Orthodoxe comme « l'Eglise traditionnelle » du pays et décrit l'orthodoxie comme la « seule véritable Eglise apostolique depuis le temps du Christ ». L'adoption de cette loi a suscité un avis négatif en date du 27 juin 2003 émanant de la Commission Européenne contre le Racisme et l'Intolérance (E.C.R.I), structure mise en place par le Conseil de l'Europe. La Finlande a deux religions d'Etat, l'Eglise évangélique luthérienne et l'Eglise orthodoxe. A Malte, la religion catholique est définie par la constitution comme « la religion de Malte ». Jusqu'en 1994, le conseil paroissial constituait la seule forme de gouvernement local.

          [21] Article 70 de la constitution.

          [22] Article 67 de la constitution.

          [23] Cultes officiellement reconnus : Eglises catholique, apostolique, pentecôtiste, russe orthodoxe, méthodiste, la religion juive.

          [24] Joëlle Dalègre « Citoyens hellènes de religion musulmane » in Michel Bozdemir (dir) « Islam et laïcité : approches globales et régionales » L'Harmattan, 1996, pp. 169 à 188.

          [25] Article 21 de la constitution : « L'Etat n'a le droit d'intervenir, ni dans la nomination, ni dans l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, sauf en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication ».

          [26] Article 1er de la constitution du 17 février 1983 : « Tous ceux qui se trouvent aux Pays-Bas sont, dans la mesure où ils se trouvent dans la même situation traités de façon égale. Nulle discrimination n'est permise, qu'elle se fonde sur la religion, les convictions, les opinions politiques, la race, le sexe ou tout autre motif ».

          [27] L'article 140 de la loi fondamentale du 23 mai 1949 précise que les articles 136 à 139 et 141 de la constitution de Weimar du 23 mai 1949 demeurent en vigueur ; l'article 137 al. 1er de la constitution de Weimar dispose : « Il n'existe pas d'Eglise d'Etat » ; al. 3 : « Chaque société religieuse règle et administre ses affaires de façon autonome dans les limites de la loi applicable à tous. Elle confère ses fonctions sans intervention de l'Etat ».

          [28] Article 7 alinéa 1er de la constitution : « L'Etat et l'Eglise catholique sont, chacun dans leur domaine indépendants et souverains » ; article 8 alinéa 2 : « Les confessions religieuses autres que la confession catholique ont le droit de s'organiser selon leurs propres statuts, à condition qu'ils ne soient pas en contradiction avec l'ordonnancement juridique italien ». Un arrêt de la Cour constitutionnelle en date du 12 avril 1989 a déduit des normes constitutionnelles l'existence d'un principe supérieur de laïcité.

          [29] La constitution du 27 décembre 1978 dispose dans son article 16 alinéa 3 qu' « aucune confession n'aura le caractère de religion d'Etat », cette disposition étant également reprise dans l'article 1er al. 3 de la loi organique 7/1980 du 5 juillet 1980 sur la liberté religieuse.

          [30] Il ressort des dispositions de la loi constitutionnelle fédérale du 1er octobre 1920, de la loi du 20 mai 1874 concernant la reconnaissance légale des sociétés religieuses et de la loi fédérale du 9 janvier 1998 relative à la personnalité juridique des communautés confessionnelles que l'ordre juridique autrichien est neutre au niveau religieux, une identification de l'Etat avec une communauté religieuse déterminée est de ce fait exclue.

          [31] Depuis l'année 2000, la Suède a aboli son système de relation Etat-Eglise. Auparavant, il existait une Eglise d'Etat, l'Eglise Luthérienne Evangélique qui a désormais le statut de communauté religieuse enregistrée, au même titre que d'autres confessions religieuses, la seule différence est que cet enregistrement est intervenu sur décision du Parlement alors que les autres communautés religieuses doivent demander une autorisation pour ce faire.

          [32] Article 42.2.2 de la constitution : « L'Etat s'engage à ne doter aucune religion » ; C'est par référendum en 1972 que la clause constitutionnelle qui reconnaissait une position spéciale à l'Eglise catholique fut supprimée.

          [33] Article 25 de la constitution : « Les pouvoirs publics de la République de Pologne font preuve d'impartialité en matière de convictions religieuses, de conception du monde et d'opinions philosophiques, assurent leur libre expression dans la vie publique ».

          [34] Article 60 de la constitution du 20 août 1949 : « The church and the states shall operate in separation in the Republic of Hungary ». Décision n°4/1993.II.12 de la Cour constitutionnelle : « L'Etat ne doit pas s'ingérer dans les affaires internes d'aucune Eglise » ; Loi sur la liberté religieuse, n°IV/1990, section 15 : « Les communautés religieuses ne doivent pas faire usage du pouvoir de l'Etat. L'Etat ne joue aucun rôle dans la relation qu'un individu entretien avec son Eglise ».

          [35] Selon l'article 29 de la constitution du 21 novembre 1991, les cultes sont autonomes par rapport à l'Etat et jouissent de son soutien. De la même manière, l'article 9 al.1er de la loi n°489/2006 sur la liberté religieuse et le régime général des cultes est ainsi libellé : « En Roumanie, il n'y a pas de religion d'Etat ; l'Etat est neutre à l'égard de toute croyance religieuse ou idéologie athée » ; al. 2 : « Les cultes sont égaux devant la loi et les pouvoirs publics. L'Etat et ses services ne promouvront et ne favoriseront pas l'octroi de privilèges ou la création de discriminations à l'égard d'un culte ».

          [36] Les documents de travail du Sénat, série législation comparée : « le financement des communautés religieuses », n° LC-93, septembre 2001, p. 21.

          [37] Particularité belge, le mouvement laïc est également reconnu par l'Etat.

          [38] On peut penser que ce régime de reconnaissance institue une discrimination par rapport aux cultes non reconnus, comme par exemple le Bouddhisme, l'hindouisme ou le sikhisme : voir Hassan Boucetta et Brigitte Maréchal « L'islam et les musulmans en Belgique : enjeux locaux et cadres de réflexion globaux », Note de Synthèse, Fondation Roi Baudouin, septembre 2003, p.11.

          [39] Loi n°121 du 25 mars 1985.

          [40] Ententes signées et approuvées par une loi : Table Vaudoise (21 février 1984 approuvée par Loi 449/1984 ; modif. 25 janvier 1993- Loi 409/1993) ; Assemblée de Dieu en Italie (29 décembre 1986 - Loi 517/1988) ; Union des Eglises chrétiennes adventistes du 7e jour (29 décembre 1986- Loi 516-1988 ; modif. 6 novembre 1996- Loi 637/1996) ; Union des Communautés Juives en Italie (27 février 1987- Loi 101-1989 ; modif. 6 novembre 1996- Loi 638/1996) ; Union Chrétienne Evangélique Baptiste (29 mars 1993- Loi 116/1995) ; Eglise Evangélique Luthérienne en Italie ( 20 avril 1993- Loi 520/1995). Ententes signées et pas encore approuvées par une loi : Modification de l'entente avec la Table Vaudoise (4 avril 2007) ; Modification de l'entente avec l'Union des Eglises Chrétiennes Adventistes du 7e jour (4 avril 2007) ; Eglise Apostolique en Italie (4 avril 2007) ; Eglise de Jésus-Christ des Saints des derniers jours (4 avril 2007) ; Congrégation Chrétienne des Témoins de Jéhovah (4 avril 2007) ; Sacra Arcidiocesi d'Italia ed Esarcato per l'Europa Meridionale (4 avril 2007) ; Union Bouddhiste Italienne (4 avril 2007) ; Union Hindouiste Italienne (4 avril 2007).

          [41] Les Etats européens ayant signé un concordat avec le Saint-siège sont : l'Autriche (1934), l'Espagne (1953), la Pologne (1993), la Slovaquie (2004)

          [42] Article 181 de la Constitution.

          [43] Article 24 al. 3 de la Constitution.

          [44] Reposant sur de bases juridiques multiples, aussi bien nationales que régionales, ces crédits peuvent être inscrits aux budgets des communes, des provinces, des régions ou de l'Etat.

          [45] Brigitte Maréchal « L'islam et les musulmans dans l'Europe élargie : radioscopie » Academia Bruyland,

          [46] Les contribuables italiens peuvent donner 0,8% du montant de leur impôt sur le revenu à l'Eglise catholique ou à un culte bénéficiant d'une entente ; s'ils ne font aucun choix ce pourcentage est attribué aux cultes en proportion des choix opérés par les autres contribuables.

          [47] Nous abordons ici le statut commun des cultes ; nous laisserons de côté les exceptions à ce dernier applicables dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, dans le département d'outre-mer de la Guyane, dans les territoires d'outre-mer de Saint-Pierre et Miquelon, de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna, ainsi que dans la collectivité territoriale de Mayotte.

          [48] Article 1er de la constitution du 4 octobre 1958 ; article 13 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946.

          [49] Article 1er de la constitution du 4 octobre 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ...».

          [50] Taxe foncière (cf. arrêt Conseil d'Etat 23/6/2000 « Ministère de l'Economie et des Finances contre Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah »), taxe d'habitation pour les édifices culturels et taxe professionnelle pour les activités cultuelles.

          [51] Article 795-10 du Code général des impôts.

          [52] Article 2 de la loi du 25 décembre 1942.

          [53] Introduite dans le Code Général des Collectivités Territoriales à l'article L 2252-4. Confirmé le 9 octobre 1992 par un arrêt de section du Conseil d'Etat « Commune de St Louis contre Association Siva Soupramane de St Louis » Recueil CE 358 AJDA 1992.817 Concl. Scanvic.

          [54] Certains hommes politiques, de droite comme de gauche, sont favorables à une telles révision : citons, par exemple, Pierre Bédier, Jean-François Copé et Manuel Valls ; ils rejoignent en cela l'opinion exprimée par certains magistrats : voir à ce propos l'article de Jean Volff, Procureur Général près la cour d'Appel de Toulouse « Régime des cultes et laïcité », La Gazette du Palais, 4-5 juillet 2001, p. 2 à 8. A la demande du président de la République le Professeur de droit Jean-Pierre Machelon a rédigé un rapport dans lequel il préconise différentes mesures allant dans ce sens.

          [55] Loi n°2004-228 du 15 mars 2004 (JO n°65 du 17 mars 2004).

          [56] Nous n'aborderons pas ici par souci de concision toutes les dispositions européennes traitant du religieux ; il faut noter que la Cour de justice des communautés européennes a jugé plusieurs affaires concernant la liberté religieuse ou les activités des collectivités religieuses ; de même plusieurs directives concernent le fait religieux

          ( par exemple directive 2003/88/CE du 4/11/2003 sur la durée du temps de travail et le repos hebdomadaire avec des dispositions spéciales pour les travailleurs des communautés religieuses ; le règlement CE n°2201/2003 du 27 novembre 2003 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements en matière de séparation de corps permet la reconnaissance d'une décision d'un Etat membre dans tous les autres Etats membres sans qu'il soit nécessaire d'intenter une autre procédure en prenant en compte les annulations de mariages catholiques par les juridictions ecclésiastiques dans les pays régis par des accords internationaux avec le Vatican ( Espagne, Italie, Portugal).

          [57] Article 13 al. 1er du Traité Instituant la Communauté Européenne (JOEU n°325 du 24 décembre 2002) : « Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences que celui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement Européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle... » ; Article 6 al. 2 du Traité sur l'Union Européenne ( JOEU n°325 du 24 décembre 2002) : « L'Union respecte les droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire ».

          [58] Article 6 alinéa 1er : « L'union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des Droits Fondamentaux de l'U.E du 7 décembre 200, telle qu'adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités ».

          [59] Article 9 alinéas 1et 2.

          [60] CEDH 26 avril 1979 « Sunday Times c/R.U ».

          [61] CEDH 25 mai 1993 « Kokinakis c/Grèce » ; 20 septembre 1994 « Otto Preminger Institut c/ Autriche » ; 18 février 1999 « Buscarini et autres c/Saint-Marin ».

          [62] CEDH 26 septembre 1996 « Manoussakis c/Grèce ».

          [63] CEDH 13 décembre 2001 « Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres c/Moldova ».

          [64] CEDH 3 mai 1993 « Karaduman c/Turquie ».

          [65] CEDH 13 février 2003 « Parti de la prospérité c/Turquie ».

          [66] CEDH 11 janvier 2005 « Phull c/France ».

          [67] CEDH 13 novembre 2008 « Shingara Mann Singh c/France"

          [68] CEDH 4 mars 2008 « El Morsli c/France ».

          [69] CEDH 4 décembre 2008 « Dogru c/France » et « Kervanci c/France ».

          [70] JOCE 10 novembre 1997, C 340/133.

          [71] Le port du voile dans les établissements scolaires est interdit pour les enseignants dans certains länder en Allemagne ( Bade Wurtenberg, Basse Saxe, Sarre, Hesse, Bavière, Berlin, Brême, Rhénanie du Nord Westphalie) , il est autorisé en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Finlande, en Irlande, en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal en Slovaquie et en Suède . Il est interdit France ; au Royaume-Uni, le débat porte plutôt sur le port du niqab. Voir : « Le port des signes religieux en Europe » www.eurel.info , mars 2007.

          [72] Par exemple l'Eglise de scientologie est reconnue comme telle dans certains pays (Italie, Autriche, Suède, Hongrie, Slovénie, Croatie, Portugal en 2007 et Espagne en 2008) ; Dans certains autres pays, il ne s'agit pas d'une religion (France(secte), RFA, Belgique). Le 5 avril 2007, la CEDH a jugé que l'Eglise de Scientologie bénéficie des droits et des protections concernant la liberté religieuse garantis par l'art. 9 de la convention « Eglise de Scientologie de Moscou c/Russie ».

           

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          Avant toute chose, merci de m'avoir invité à participer à ce remarquable colloque dont j'ai pu admirer la densité d'informations et l'esprit d'ouverture exceptionnel.

           

          Je souhaiterais élargir le débat que soulève l'implantation grandissante d'une population musulmane dans l'ensemble de l'Union européenne, atteignant aujourd'hui environ 3,5% de la globalité de la population européenne des 27 Etats membres.

           

           

          Le monde européen a connu une longue période durant laquelle la religion catholique et son schisme protestant ont dominé le pouvoir temporel, soit directement, soit par l'intensité de la pression du spirituel sur la gestion du temporel. Ainsi, rappelons que pour échapper à l'hégémonie de Rome, Henri VIII d'Angleterre choisit de créer de toutes pièces une religion dont il se proclama le chef. Et, d'autre part, plusieurs empereurs allemands ont dû s'incliner devant la menace d'être excommuniés. Voltaire dut s'exiler de Genève pour échapper à la censure instaurée par Calvin.

           

          Accablé par de multiples revers militaires face aux Espagnols, aux Croisés, aux colonialistes, l'islam flamboyant de culture et de tolérance - citons Cordoue, Tolède, Fès, les Séfévides de Perse, les Grands Moghols, la Chine de Kubilaï Khan dont la mère était nestorienne - subit de 1492 (la prise de Grenade) à 1954 (l'arrivée de Nasser) une fort longue occultation. Il ne put vivre ni la révolution industrielle ni l'apport de ce que les Européens appellent le "siècle des Lumières", le siècle de l'avènement de la pensée libérée des contraintes du fondamentalisme religieux, chrétien à l'époque.

           

           

          Naît alors, exclusivement en Europe, la "laïcité", ce terme français que nous pourrions exprimer par la formule "humanisme neutre non contraignant".

           

          Afin de pouvoir organiser la gestion de l'Etat, les nations européennes, confrontées à des guerres de religion répétées, adoptèrent le principe de la laïcité de l'Etat, à des niveaux divers.

          L'Angleterre, par exemple, choisit de pratiquer cette neutralité assortie de concessions communautaires, telle l'organisation de juridictions d'arbitrage guidées par les impératifs du sacré.

           

           

          Le niveau maximal observable est celui de la laïcité à la française, édifiée en 1905: neutralité absolue du séculier, du temporel, à l'égard de toutes les spiritualités, lesquelles ne relèvent plus que du domaine privé individuel. Ce qui signifie que les "valeurs" de toutes religions ne peuvent prétendre pénétrer la gestion de l'Etat. Notons que la Turquie islamique est ainsi laïque depuis 1923 de par la volonté de Mustafa Kemal, un statut actuellement contesté par la mouvance de l'AKP menée par le Premier ministre Erdogan.

           

          Remarquons qu'il existe une autre acception de ce terme "laïcité". Il s'agit de la laïcité à la belge, à l'espagnole, à l'italienne qui se teinte d'un caractère militant, compte tenu d'une longue lutte contre la domination d'un clergé catholique très actif. Cette laïcité-là peut être alors définie comme un humanisme dégagé de l'influence du religieux.

           

           

           

           

          Nous pouvons à présent en arriver à la situation spécifique de l'islam européen.

           

          Ce n'est pas à la plupart des membres de cette assemblée que je dois apprendre que le Prophète, menacé par le courant omeyyade, fut contraint de devenir un chef de guerre et fut amené à gérer la cité de La Mecque et l'ensemble de l'oumma. Les textes fondateurs de l'islam contiennent dès lors une grande part de directives concernant la gestion du temporel.

          Cette empreinte d'un "temporel sacré" est une caractéristique essentielle de l'islam. A l'inverse, le christianisme n'a émis à l'origine aucune prétention d'intervenir dans le domaine séculier, et ce n'est qu'en envahissant Rome que cette prétention est née. Elle ne découle pas des textes fondateurs de cette religion. Elle peut donc, souvent à regret il est vrai, se résoudre à renoncer à s'introduire dans la gestion d'un Etat et se contenter de veiller à la bonne conduite de ses fidèles, bons citoyens d'un Etat laïque qui leur accorde la pleine liberté de gestion de leur domaine spirituel.

           

          Ce constat m'amène à estimer nécessaire d'aborder un sujet qui a été fort peu développé durant ces deux journées. On a beaucoup parlé du ressenti de la communauté musulmane immigrée en Europe, et cela correspond bien au projet de ce colloque. Mais il est tout aussi essentiel de percevoir le ressenti de la société d'accueil, condition de l'apaisement de tensions éventuelles.

           

           

          J'insiste fort sur le fait que ce que je vais dire ne représente pas nécessairement mon propre avis. J'exposerai ce ressenti de la société d'accueil en tant qu'observateur "académique" du phénomène.

           

          L'islam pose problème à une grande partie de la population d'accueil en ce qu'il a, selon elle, une tendance assez irrépressible à s'organiser en une communauté homogène même s'il est - comme toute religion non centralisée - traversé par des courants très contrastés. Cette communauté homogène présenterait pour nombre d'Européens une attitude peu encline à s'informer des us, des coutumes et de la culture de la société d'accueil. Par voie de conséquence, on observe une frustration chez cette dernière de devoir consentir à apprendre la richesse mais aussi "l'étrangéité" de la civilisation immigrée sans être honorée d'une démarche de réciprocité.

           

          La société d'accueil souligne souvent que les immigrants italiens, portugais, espagnols, grecs arrivés dans le Nord industriel de l'Europe se sont harmonieusement mélangés aux populations locales, car également chrétiennes ou adeptes de la libre pensée adogmatique, et cela sans pour autant perdre aucunement leur culture propre.

          Mais tout observateur constatera que la civilisation musulmane plongée dans un contexte européen fort dissemblable suscite un malaise. Et que ce malaise est réciproque, comme beaucoup d'intervenants aux débats de ce colloque l'ont exprimé parfois avec "ardeur".

          Et l'on constate - je répète ici que je ne fais que refléter le ressenti de la société d'accueil et non mon opinion personnelle, car l'on m'a demandé de n'être qu'un témoin, qu'un rapporteur - que la ferveur spirituelle de l'islam, une ferveur très encadrée par un enseignement des certitudes intangibles de son sacré figé dans un écrit immuable, accroît ce malaise. En effet, cette ferveur détonne dans une Europe où la tolérance réciproque est fondée sur une lutte fort longue menant à un apprentissage à la relativité des convictions exprimées par les citoyens.

           

           

          Les acquisitions de cette lutte?

           

          • L'égalité entre les hommes et les femmes, ces dernières ayant acquis l'autonomie de leur esprit, de leur corps et de leurs finances.
          • L'autonomie de la science. A cet égard, je relève la consternation de la société belge apprenant que 84% des étudiants musulmans de l'Université libre de Bruxelles se déclarent partisans du créationnisme à l'image des protestants évangéliques américains et de leurs émules.
          • Une justice unique applicable à tous sans discrimination. Toute autre est proscrite, notamment la justice communautarisée, dans la majorité des Etats européens. Afin d'éviter des cloisonnements culturels et cultuels et les contraintes claniques forçant à y recourir.
          • L'autonomie de la raison et de la conscience, ce qui rend possible et respectable l'exercice de la libre pensée fort peu prisée dans le reste d'un monde majoritairement religieux, au sein duquel elle est parfois même persécutée.
          • L'acceptation de l'homosexualité, considérée comme un simple état naturel minoritaire mais non plus comme un vice coupable.
          • La légalisation de l'euthanasie et de l'avortement. Il est essentiel de souligner qu'en Europe, cette structure ouvrant à l'autonomie du choix individuel n'impose rien à ceux qui n'entendent pas déroger aux valeurs "supérieures", selon eux, du sacré. Conception s'inscrivant à l'inverse des consignes impératives des religions qui entendent gouverner la sphère privée des individus selon les différents principes émanant de leur révélation respective.

           

           

           

          On peut aisément concevoir que cette Europe laïcisée déclare ne pas vouloir retomber dans un réseau de contraintes d'un sacré s'estimant détenteur d'une éthique de nature divine.

           

          Et je relève également que ce qui inquiète ainsi, tout particulièrement,la laïcité européenne est l'alliance qui se dessine entre toutes les religions pour reconquérir au sommet de l'Union européenne l'influence qu'elles ont perdue au sein des Etats, c'est-à-dire la pénétration des valeurs du spirituel dans la gestion du temporel, au point de pouvoir peser sur les choix de l'éthique sociétale. Déjà actuellement des consignes de refus d'obéissance aux lois déclarées iniques émanent de grands chefs religieux.

          Il est éclairant de constater que le pape Benoît XVI a ainsi proposé à la mouvance islamiste dite modérée de l'AKP turc une alliance pour lutter contre ce qu'il a appelé le "laïcisme" de certains Etats. La France de la loi de 1905 établissant la neutralité de l'Etat est évidemment particulièrement visée, cette France qui prône la neutralité laïque maximale de l'Etat et la primauté absolue des textes légaux votés démocratiquement.

           

           

          L'on constate à cet égard que des courants spirituels fondamentalistes critiquent précisément les bases mêmes du jeu démocratique permettant l'exercice du pouvoir par une majorité de citoyens trop ouverts à une "modernité" de comportement s'opposant aux prescrits coulés à jamais dans l'airain du sacré.

           

          Le malaise est donc très palpable en Europe lorsque s'établit en quelque sorte une densité de pensées du religieux incompatible avec la densité de la majorité de la société civile démocratique. Comme l'huile ne se marie pas à l'essence, et empêche le moteur de tourner paisiblement. Quand il consent encore à tourner.

           

          A ce propos, le recteur de la célèbre Université Al-Azhar du Caire, monsieur el-Tantaoui, estime que l'islam se doit de se mouler dans la structure du pays d'accueil afin d'y vivre en harmonie, et que ce pays doit en retour respecter le libre exercice de la spiritualité de l'islam.

           

          Superbe conception, estiment beaucoup d'Européens, mais éminemment novatrice et soulevant la réprobation de nombre de responsables religieux musulmans. C'est dire combien la cohabitation entre le spirituel et le séculier est délicate.

           

           

          Cette cohabitation exige, selon moi, une ouverture des deux camps, le religieux et le laïque.

           

          Plus que la tolérance, elle exige une connaissance approfondie des mécanismes de pensée de chacun qui, seule, engendre le véritable respect de l'autre, ouvre l'accès à la confiance mutuelle, voire même à l'amitié.

          Le dialogue, encore et toujours, et la réciprocité dans le désir de comprendre et d'apprécier les valeurs de l'autre.

          Voilà la clef d'un équilibre source de bonheur d'un peuple uni en ses variétés.

           

           

           

          Que conclure?

          Ma conclusion s'exprime par ma seule présence parmi vous.

          J'ai voulu vous apporter ma sincère admiration pour l'effort entrepris sous l'égide de Sa Majesté Mohammed VI. Le Maroc bénéficie en Europe d'une estime considérable, tant son ouverture à la dynamique méditerranéenne est appréciée. Cette politique généreuse s'inscrit résolument dans la recherche d'une restauration de l'époque où l'Andalousie rayonnait de la tolérance et du savoir musulman. Alors prévalait la sagesse et non la méfiance ou la haine parmi tous les hommes de bien.

           

          Et Fès même est réputée pour ses activités culturelles internationales qui se veulent être un pont entre les rives du Nord et du Sud.

           

          Ma conviction est que la paix du monde ne pourra venir que d'une alliance de tous les modérés, de tous les généreux de chaque clan de pensée, qui se donneront la main après avoir mis à l'écart leurs propres excessifs.

           

           

          Votre pays est un modèle d'alliance paisible dans un monde où, ailleurs, tout dialogue est souvent assassiné.

           

          Puisse l'Europe comprendre la chance qu'elle a que vous existiez pour forger un islam capable d'aimer et de se faire aimer dans un contexte de fraternité entre croyants et non-croyants.

           

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          La gestion du culte musulman en France est un cas d'école en matière du droit des cultes en Europe en général et en France en particulier.
          Le cheminement de l'institutionnalisation de l'islam en France est un laboratoire pour une nouvelle régulation du culte en Europe.

           

          Cette institutionnalisation a connu différentes phases dans lesquelles les autorités publiques françaises comme les autorités religieuses musulmanes ont joué un rôle prépondérant. Il a fallu d'une part mettre à l'épreuve la laïcité française pour voir sa capacité à intégrer une religion récente qui n'était pas prise en compte en métropole lors de la promulgation de la loi 1905, loi de séparation entre l'Etat et l'Eglise, et d'autre part juger de la capacité du culte musulman à s'intégrer dans une république laïque.

           

          Il a fallu aussi pour les musulmans faire la distinction entre la croyance qui est propre à chacun et la gestion du culte qui nécessite une prise en considération des autres acteurs institutionnels et civiques.
          Les débats soulevés par la présence de l'islam et les problématiques que pose la pratique religieuse ont démontré aux récalcitrants l'esprit libéral de la laïcité et les possibilités d'ouverture et d'adaptation à de nouvelles situations. De leur côté, les pouvoirs publics ont su accompagner, dans le respect des lois, le culte musulman dans son cheminement vers l'institutionnalisation.

           

          La construction de la grande mosquée de Paris dans le contexte de l'après-guerre et l'entente des pouvoirs publics avec les autorités religieuses catholiques étaient l'élément déclencheur d'une nouvelle approche envers le culte musulman. L'inauguration de la mosquée par le Sultan Moulay Youssef était un autre élément fondateur et une reconnaissance de l'autorité religieuse du Sultan au sein de la France.

           

          Les différentes initiatives individuelles des fédérations musulmanes ou des autorités publiques pour imposer des représentants, si elles n'ont pas pu concrétiser l'institutionnalisation de l'islam français ont eu le mérite en revanche d'enclencher la réflexion et de défricher le terrain.

           

          La nécessité d'une action concertée s'est imposée. Elle a débuté avec la création en 1989 par Pierre Joxe, alors ministre de l'Intérieur, chargé des Cultes, du Conseil de réflexion sur l'islam (CORIF) qui a réuni des notables de la communauté musulmane aux côtés de responsables des mosquées.

           

          L'un des résultats essentiels de l'initiative du CORIF était, en plus d'identifier les acteurs principaux du champ religieux et de lancer la réflexion sur les questions de la gestion cultuelle musulmane, la mise en place d'un dispositif permettant aux soldats musulmans de l'armée française d'avoir des barquettes de nourriture halal. Ceci est très significatif car le secteur le plus régalien de l'Etat et le plus sensible, celui de l'armé, a démontré sa capacité à répondre aux besoins spécifiques de son corps pour le prémunir d'un sentiment d'inégalité et de marginalité.

           

          Après l'arrêt des travaux du CORIF, plusieurs années se sont écoulées sans une politique véritablement structurée envers le culte musulman. La France qui a vécu au milieu des années 90 une vague d'attentats a mis en veille son engagement pour une institutionnalisation concertée de l'islam et la mosquée de Paris est ainsi devenue l'interlocuteur privilégié.

           

          En 1998 et après l'échec de la création par Jean Pierre Chevènement d'un institut de théologie musulmane, ce dernier entamera une autre démarche et a choisi pour la désigner un mot arabe « al-istichara », la Consultation.
          Ce qui caractérise la Consultation par rapport aux autres démarches est qu'elle a privilégié le traitement juridique de la question à la place d'un traitement sociologique ou philosophique. On retrouve ainsi l'esprit de la laïcité française qui est plus un cadre juridique régulateur qu'un cadre culturel. Car au final ce sont les textes qui définissent la place du religieux et les relations qu'il doit avoir avec les institutions de l'Etat. De cette Consultation est sorti un texte qui définit le cadre juridique de l'islam français, ses droits et ses obligations. Ce texte a inscrit dans son préambule le respect de la charte des droits de l'homme dans sa totalité y compris les questions relatives au changement de la religion et de l'égalité entre homme et femme.
          Si le schéma général du futur Conseil Français du Culte Musulman a été défini dans sa globalité pendant la phase de la consultation, il a fallu un certain pragmatisme et un certain engagement pour la mise en place des structures. L'engagement volontariste et l'investissement personnel de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, pour l'institutionnalisation de l'islam ont donné une nouvelle tournure à la question privilégiant en cela une démarche démocratique et participative. Le cadre juridique des Conseils Régionaux du Culte Musulman (CRCM) a été mis en place et un processus électoral consensuel, basé sur la superficie des lieux de culte, a été adopté pour élire les représentants du culte musulman dans le respect de la diversité des différentes composantes de l'islam de France.

           

          Cinq ans après la mise en place du CFCM, ce dernier, malgré les faibles moyens dont il dispose et les difficultés qu'il rencontre, a acquis une crédibilité au sein des lieux de culte. Plus de 85% des lieux de culte musulmans y adhérent et les pouvoir publiques locaux et nationaux considèrent aujourd'hui le CFCM comme le représentant légal du culte musulman en France. Ceci, bien sûr, en plein conformité avec l'esprit de la loi 1905.
          Pour conclure, l'institutionnalisation de l'islam, devenu partie intégrante du paysage français, nous impose aujourd'hui de déterminer nos priorités afin de répondre aux sollicitations des musulmans de France.
          Ces principales sollicitations sont notamment la construction des mosquées, la question des carrés musulmans dans les cimetières, le respect des règles de l'abattage rituel, l'organisation du pèlerinage, les services d'amôneries dans l'armée, les hôpitaux et les prisons, la défense de l'image de l'islam et des musulmans dans les médias, et la formation des cadres religieux (imams, aumôniers, sacrificateurs, etc.).
          L'initiative de bénéficier de structures de formation déjà existantes, comme l'Institut catholique de Paris, permet de répondre à quelques besoins relatifs à la connaissance de la société et de la culture française en attendant la mise en place d'un institut de formation autour duquel s'accorderait les différentes composantes de l'islam de France.

           

          La formation des cadres religieux devra, également, prendre en considération l'origine de la majeure partie de la communauté musulmane dont le rite principale est le malékisme et la doctrine est celle de l'ach'ârisme qui réserve une grande place à la démarche soufie sunnite.
          J'espère que ces élements de réflexion ont apporté un éclairage sur l'expérience de l'organisation du culte musulman en France, ainsi que sur la mission et le rôle du CFCM comme instance représentative du culte musulman.

           

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          1. Who is a Muslim?

          Is being a Muslim within the Western context (exclusively) a form of religious affiliation or (also, or even mainly) an ethnical concept comparable to that of the concept "Jew" as it functioned in the West for instance though the 19th and early 20th centuries?

           

          Le présent exposé a pour but d'expliquer le cadre juridique dans lequel s'inscrit le cours de religion islamique en Belgique, il rappelle quelques uns de ses objectifs et montre comment ce cours au même titre que les autres cours philosophiques joue un rôle majeur pour atteindre les objectifs que s'est fixé le système éducatif Belge.

           

           

          Introduction

           

          L'introduction du cours de religion islamique est la conséquence de l'adoption de la loi du 19 juillet 1974 qui reconnaissait les administrations chargées de la gestion du temporel du culte islamique. Par cette loi, l'islam se voyait ainsi attribuer un statut juridique de droit public au même titre que les autres cultes reconnus en Belgique. L'enseignement de la religion islamique dans le cadre de l'école officielle commença à se mettre en place à partir de 1975. La loi du 20 février 1978 modifiant la législation du 29 mai 1959 et celle du 11 juillet 1973, dite du « pacte scolaire », reconnaissait officiellement l'enseignement de la religion islamique.

           

           

          Un Décret pour combler un vide juridique

           

          L'absence d'un statut pour les enseignants de religion islamique faisait que le dossier de l'enseignement était le plus souvent géré de manière empirique et pragmatique. Cela était dû, pour une grande part, à la non existence pendant 25 ans d'un Organe chef de culte. En outre, de 1974 à 1999, le dossier de l'enseignement fut l'objet d'une administration plurielle et hétérogène : Centre Islamique et Culturel de Belgique (1975-90), Conseil des Sages (1990-92), Comité technique (1992-94), EMB provisoire (1994-99). Les mandats étaient provisoires et les prérogatives restreintes.

          Le culte islamique reconnu en 1974 ne sera institutionnalisé qu'en 1999. En effet, le Roi ne reconnaîtra, officiellement, l'organe chargé de la gestion du temporel du culte musulman, sa composition et ses prérogatives, que par l'arrêté royal du 20 mai 1999. Aussitôt, le 8 juin 1999, un arrêté du Gouvernement de la Communauté française annexé à l'A.R du 25 octobre 1971 définit dans son annexe la liste des titres requis pour l'enseignement de la religion islamique par degré d'enseignement. Les enseignants de religion islamique disposent enfin d'un statut qui détermine les conditions de désignation à titre de temporaire, l'admission au stage et la nomination à titre définitif. Il faudra encore attendre l'année 2002 pour que le gouvernement de la Communauté Française promulgue un Décret (Décret du 27 mars 2002) pour que le processus de régularisation et de reconnaissance se mette en place avec particulièrement la désignation par le Ministère de l'enseignement des inspecteurs chargés de contrôler ce cours et garantir à l'état son organisation dans le cadre légal et institutionnel. Ces inspecteurs sont en outre chargés de : (A.R du 14 décembre 1976, article 7).

           

           

           

          Dans les établissements d'enseignement de l'Etat, la mission des membres du service d'inspection consiste en particulier à :

          1° conseiller les membres du personnel qu'ils visitent, donner des avis sur leur activité et leur valeur et veiller à leur information et à leur perfectionnement;

           

           

          2° veiller à ce que les établissements qu'ils visitent puissent remplir d'une manière adéquate et complémentaire leur mission d'éducation au sein de la région où ils sont implantés, et effectuer, dans ce but, en accord avec la direction générale compétente, toute étude, enquête ou recherche;

           

           

          3° surveiller le niveau des études et en assurer le progrès;

           

           

          4° conseiller dans le choix et l'usage des méthodes et des ouvrages didactiques;

           

           

          5° contribuer à l'élaboration du programme des cours et des grilles horaires, ainsi qu'à l'élaboration des instructions administratives s'y rapportant;

           

           

          6° à la demande de la direction concernée, représenter le Ministre ou le département dans les commissions, colloques ou congrès.

           

           

           

          Cadre légal et institutionnel de l'enseignement de religion islamique

           

          L'article 24 de la constitution (texte coordonné du 17 février 1994) et la loi du Pacte scolaire du 25 mai 1959 confèrent aux cours philosophiques la légalité de leur insertion dans le monde scolaire. Cette légalité concrétise et organise l'exercice réel des libertés proclamées dans la déclaration des droits de l'homme (art 20 § 2) et la convention internationales des droits de l'enfant.

           

          La constitution : Art. 24

          "§ 1er. L'enseignement est libre; toute mesure préventive est interdite; la répression des délits n'est réglée que par la loi ou le décret.

          La communauté assure le libre choix des parents.

          La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.


          Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle."

           

          Loi du pacte scolaire, 29 mai 1959 :

          "Article 8. - Dans les établissements officiels ainsi que dans les établissements pluralistes d'enseignement primaire et secondaire de plein exercice, l'horaire hebdomadaire comprend deux heures de religion et deux heures de morale.

          Dans les établissements libres subventionnés se réclamant d'un caractère confessionnel, l'horaire hebdomadaire comprend deux heures de la religion correspondant au caractère de l'enseignement.

          Par enseignement de la religion, il faut entendre l'enseignement de la religion (catholique, protestante, israélite, islamique ou orthodoxe) et de la morale inspirée par cette religion. Par enseignement de la morale, il faut entendre l'enseignement de la morale non confessionnelle.

          Le chef de famille, le tuteur ou la personne à qui est confiée la garde de l'enfant est tenu, lors de la première inscription d'un enfant, de choisir pour celui-ci, par déclaration signée, le cours de religion ou le cours de morale.

          Si le choix porte sur le cours de religion, cette déclaration indiquera explicitement la religion choisie.

          Le modèle de la déclaration relative au choix de la religion ou de la morale est arrêté par le Roi. Cette déclaration mentionne expressément

          a) la liberté entière que la loi laisse au chef de famille;

          b) l'interdiction formelle d'exercer sur lui une pression quelconque à cet égard et les sanctions disciplinaires dont cette interdiction est assortie;

          c) la faculté laissée au chef de famille de disposer d'un délai de trois jours francs pour restituer la déclaration dûment signée."

           

           

          La Communauté Française organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.

           

          Les écoles organisées par les pouvoirs publics officiels offrent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire (fin de l'enseignement secondaire), le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle. (Article 24, § 1er).

           

          Chaque établissement de l'enseignement officiel organisé ou subventionné par la Communauté Française, la Communauté Néerlandophone ou la Communauté Germanophone est tenu de répondre à toute demande (même isolée) d'organisation d'un cours philosophique.

           

          L'enseignement religieux dispensé dans les réseaux d'enseignement officiel présente des spécificités inscrites dans un cadre légal régi par les Décrets qui définissent les missions prioritaires de l'enseignement et la neutralité inhérente à cet enseignement.

           

          Chaque réseau d'enseignement s'est également assigné un projet éducatif. Tous les cours organisés par l'enseignement officiel -en ce compris le cours de religion islamique- doivent respecter ce cadre légal et ces projets éducatifs.

           

           

           

          Quelques extraits :

           

           

           

           

          Le Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et les structures propres à les atteindre (24 juillet 1997). Ce dernier a assigné quatre missions prioritaires à l'école (a rticle 6) :

          • Développer la personne de chaque élève.
          • Rendre les jeunes aptes à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle.
          • Les préparer à être des citoyens responsables dans une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures,
          • Assurer à tous des chances égales d'émancipation sociale.

           

          Le Décret définissant la neutralité de l'enseignement (31 mars 1994)

          l'article 1 Stipule que :

          " Dans les établissements d'enseignement organisés par la Communauté, les faits sont exposés et commentés, que ce soit oralement ou part écrit, avec la plus grande objectivité possible, la vérité est recherchée avec une constante honnêteté intellectuelle, la diversité des idées est acceptée, l'esprit de tolérance est développé et chacun est préparé à son rôle de citoyen responsable dans une société pluraliste."

           

          Le Décret organisant la neutralité inhérente à l'enseignement officiel subventionné et portant diverses mesures en matière d'enseignement (17 décembre 2003) précise qu' «aucune vérité n'est imposée aux élèves, ceux-ci étant encouragés à rechercher et à construire librement la leur » chap 1er. Art4 §4.

           

          Le projet pédagogique et éducatif de la Communauté Française en matière d'enseignement rappelle (§3) que « dans le réseau de la Communauté française, l'ouverture à tous et la neutralité créent un contexte des plus favorables pour développer la solidarité, le pluralisme et l'intérêt pour les diverses cultures en présence.
          Le cloisonnement entre options philosophiques, religieuses et politiques y est fermement refusé. Celles-ci coexistent dans l'environnement quotidien des jeunes ».

           

          Le projet éducatif et pédagogique du réseau officiel neutre subventionné rappelle enfin (§2) que « les écoles du réseau officiel neutre subventionné [...] encouragent l'ouverture d'esprit, et veulent développer la capacité de remise en question, de créativité, d'innovation ainsi que l'aptitude au changement. Elles forment à la confrontation des points de vue, sans à priori, dans un souci permanent d'honnêteté intellectuelle ».

           

           

           

           

          Un enseignement de religion spécifique au milieu scolaire

           

          L'Islam est devenu l'une des composantes du paysage culturel et religieux de la Belgique, l'enseignement de cette religion et de la morale qui s'en inspire est mis au service de l'élève en dehors toute sorte de tutelle malveillante et loin des démarches d'instrumentalisation de tous bords.
          L'enseignement de la religion islamique a une approche qui prend en considération la manière dont les novelles générations vivent leur appartenance philosophique dans une société plurielle. A cet égard, toutes les religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l'islam, s'accordent sur le fait que « la religiosité n'empêche aucunement l'individu de vivre son époque tout en observant les principes de sa propre religion ». Il est don bon de souligner que l'histoire de l'Islam a démontré que les manières d'être musulman varient très substantiellement en fonction des cultures et histoires des peuples.
          C'est dans cette perspective d'adaptation contextuelle que s'inscrit le cours de religion islamique. Le cours vise un enseignement qui tient compte à la fois d'une authentique lecture des textes et des exigences de notre époque. Il privilégie une approche axée sur une volonté du vivre ensemble. Celle-ci passe nécessairement par la voie d'une démarche qui prend en compte les valeurs d'échange et de respect mutuel dans une société plurielle.

           

           

          Les enjeux du cours de religion islamique

           

          Tout autant que les autres cours de religion et de morale, le cours de religion islamique permet de proposer à chaque élève « des points de repère pour son devenir personnel, des grilles d'analyse pour ses choix quotidiens. Ces cours permettent aux jeunes de se structurer et de vivre de manière réfléchie et responsable. Ils mettent en œuvre une éducation globale qui est avant tout recherche de sens et interpellation en référence aux textes, aux héritages et aux contextes culturels, qu'ils soient religieux ou laïques. Ces derniers constituent des sources d'inspiration et de créativité philosophique et spirituelles. En assurant une réflexion ouverte sur la recherche de sens et une information rigoureuse sur ces données. Les cours de religion et de morale stimulent des démarches qui développent une approche cohérente des valeurs.

           

           

          Ce que les cours philosophiques ont en commun

           

          Quelles que soient les valeurs que chacun peut évoquer dans sa différence, les inspecteurs des cours philosophiques et les membres du corps professoral partagent les mêmes idéaux :

           

          • La dynamique de la libération, y compris la libération de la pensée, là où se produisent des phénomènes de réduction, d'appauvrissement, d'oppression et de négation de l'humain ;

           

          • La recherche infatigable de la paix, de la fraternité, de la justice, de l'amitié et de l'amour ;

           

          • Le développement de l'engagement démocratique par l'apprentissage du dialogue et de la tolérance dans l'estime des différences et le respect mutuel ;

           

          • L'éducation à la citoyenneté par la reconnaissance et le respect des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

           

           

           

           

           

          Une pédagogie des compétences

           

          Le Décret missions définit la compétence comme : l'aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de savoir faire et d'attitudes permettant d'accomplir un certain nombre de tâches.

          Le cours de religion islamique vise à atteindre les compétences terminales suivantes :

           

           

          • Etre capable de construire sa personnalité. donner un sens à sa vie
          • S'ouvrir au monde
          • S'engager et s'investir de manière responsable
          • Effectuer une lecture dynamique et synthétique de la pensée musulmane

           

           

          Compétences disciplinaires

           

           

          • 1er degré

           

          Au départ d'une situation vécue du passé ou du présent et/ou de références ou de support divers (texte coranique et prophétique, figures marquantes de l'islam, symboles, pratiques cultuelles...), poser une ou plusieurs questions sur le sens lié à l'être et à son identité. Montrer en quoi cela peut influer sur l'agir de la personne.

           

          A partir d'une situation problématique, effectuer une comparaison selon un certain nombre d'éléments d'analyse sur base d'un texte coranique, texte prophétique, fait historique ou vécu, etc.

           

           

          • 2ème degré :

          En fonction d'une question déterminée, faire une analyse argumentée s'appuyant sur le référentiel islamique afin de se positionner dans un esprit d'ouverture.

          Sur base d'un phénomène de société ou d'un problème actuel, poser une série de questions afin de planifier et préparer une action citoyenne en ayant recours à différents modes d'expression


           

           

           

          • 3ème degré :

           

          Se positionner en produisant une argumentation et une contre argumentation face à une situation problème sur base d'une lecture dynamique personnelle des références.

           

          Sur base des références islamiques, élaborer une synthèse à partir d'une situation problème et planifier une action en vue d'engager une dynamique contextuelle.

           

           

           

          Un cadre légal et institutionnel pour un travail commun :

           

          Le Décret missions, le décret créant le conseil supérieur des cours philosophiques et le décret citoyenneté créent des espaces de rencontres, d'échanges, de discussions et d'engagement.

           

           

           

           

           

          Le Décret Conseil des cours philosophiques : D 03-06-2005. M.B 29-07-2005

           

          Art. 2.

          § 1er. Il est créé auprès du Gouvernement de la Communauté française un Conseil consultatif supérieur des cours philosophiques ci-après dénommé « le conseil ».

           

          § 2. Le conseil a pour mission :

           

          de formuler d'initiative ou à la demande du ministre concerné, du Gouvernement ou du Parlement de la Communauté française, tout avis et proposition sur la politique générale en matière de cours philosophiques, ainsi que sur la promotion de ces cours;

           

          de formuler un avis préalable à l'adoption de toute disposition décrétale ou réglementaire touchant l'organisation et le subventionnement des cours philosophiques;

           

          de formuler toutes propositions relatives aux opportunités d'échanges de savoirs et de pratiques entre les différents cours philosophiques;

           

          de formuler, dans le respect des spécificités de chacun et dans le cadre du décret missions, toutes propositions susceptibles d'encourager le dialogue entre les différentes religions reconnues et le cours de morale non confessionnelle et de promouvoir les valeurs communes;

           

          de formuler conformément au décret, tout avis sur l'organisation d'activités organisées conjointement par les différents cours philosophiques autour de thèmes fixés par le conseil;

           

          de formuler tout avis sur la présence d'initiation à la démarche philosophique et sur l'introduction d'éléments de philosophie et d'histoire comparée des religions dans chacun des cours philosophiques tel que reconnu par la loi du29 mai 1959, y compris là où un seul cours correspondant au caractère confessionnel de l'enseignement est organisé;

           

          d'établir annuellement pour le ministre du Gouvernement et le Parlement un rapport d'activités sur le fonctionnement et l'organisation des cours philosophiques dans chacun des réseaux, complémentairement à la loi du 29 mai 1959.

           

           

           

           

          Décret relatif au renforcement de l'éducation à la citoyenneté responsable et active au sein des établissements organisés ou subventionnés par la Communauté française

          D. 12-01-2007 M.B. 20-03-2007

           

          Article 14. -§ 1er. Le chef d'établissement dans l'enseignement organisé par la Communauté française ou le Pouvoir organisateur dans l'enseignement subventionné veille à ce qu'il soit élaboré et mis en œuvre, au moins une fois durant chaque cycle du continuum pédagogique défini à l'article

          13, § 1er, du décret «Missions» et au moins une fois durant chaque degré des Humanités générales et technologiques ou des Humanités professionnelles et techniques tel que définies aux chapitres IV et V du décret «Missions», une activité interdisciplinaire s'inscrivant dans la perspective d'une éducation pour une citoyenneté responsable et active.

           

          § 2. Par activité interdisciplinaire s'inscrivant dans la perspective d'une éducation pour une citoyenneté responsable et active, il y a lieu d'entendre au sens du présent décret une activité requérant la mise en œuvre de compétences relevant d'au moins deux disciplines différentes et visant à promouvoir la compréhension de l'évolution et du fonctionnement des institutions démocratiques, le travail de mémoire, la responsabilité vis-à-vis des autres, de l'environnement et du patrimoine au niveau local ou à un niveau plus global.

           

           

          Outre les deux disciplines visées à l'alinéa précédent, l'élaboration et la mise en œuvre des activités visées peuvent rassembler les élèves inscrits à des cours philosophiques différents sous la tutelle des enseignants chargés de ces cours œuvrant en partenariat.

           

           

           

          Conclusion

           

          L'École doit être centrée sur l'humain. Les cours de morale et de religions sont des lieux d'éducation qui, respectueux de toutes convictions particulières, favorisent l'intégration dans une société pluraliste. Par une action éducative cohérente, ils permettent de combattre l'indifférence, le fanatisme, le dogmatisme, l'intolérance, la violence, le négativisme et autres maux déshumanisants de notre temps.

           

          Je termine en disant que l'Islam qui fait partie du paysage culturel, religieux et institutionnel de la Belgique n'est plus un islam transplanté comme l'écrivaient certains dans les années quatre vingt, mais bien un islam citoyen.

           

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          Biographie

          Agé de 39 ans, il travaille en indépendant pour la presse française depuis une dizaine d'années. Il vient de rejoindre le collectif de photographes, l'Oeil public.

          Philippe Brault découvre la photographie lors d'un séjour au Liban en 1989. Après quelques années dans l'audiovisuel, il s'y consacre entièrement à partir de 1993 et commence à collaborer avec la presse: Libération, le Monde, Télérama, L'Express, Le Publico (Portugal), Courrier cadre...

          Vieillir dans l'immigration

          Quel statut et quelle prise en charge des Marocains vieillissants ?

          Casablanca, Hôtel Farah Golden Tulip, 30 - 31 mai 2009

          Vieillir dans l'immigration

          Quel statut et quelle prise en charge des Marocains vieillissants ?

          Casablanca, Hôtel Farah Golden Tulip, 30 - 31 mai 2009

          Séminaire organisé en partenariat avec

          Quiero, en primer lugar, agradecer a los miembros del Consejo de la Comunidad Marroquí en el Extranjero la invitación que me han realizado, lo cual me ha permitido conocer de cerca una institución a través de la cual Marruecos ha asumido la labor de apoyar a sus nacionales residentes en el extranjero, atendiendo sus necesidades y favoreciendo su participación en el tejido social de los distintos países europeos. Y ello pasa, necesariamente, por instaurar relaciones de colaboración con las instituciones públicas de estos países europeos, encargados de elaborar y aplicar las leyes y las medidas políticas que afectan directamente a los marroquíes que viven en dichos países.

          El ámbito del ejercicio de la libertad religiosa no es una excepción. La posibilidad de construir mezquitas; de enseñar la religión islámica en la escuela; de dispensar alimentación 'halal' en cárceles, hospitales y escuelas; de conciliar la vida laboral y la práctica del culto islámico en los centros de trabajo; de enterrar los cuerpos de los difuntos según el rito musulmán, etc., exige una acción organizada e institucionalizada en el marco del ejercicio colectivo del derecho de libertad religiosa, canalizado a través de las entidades religiosas.

          Pero -refiriéndonos ya al caso de mi país, España‑ el Estado español, tanto los diferentes Ministerios involucrados como los gobiernos de las distintas Comunidades Autónomas (Regiones), necesitan un único interlocutor capaz de canalizar los deseos y las voluntades del conjunto de la comunidad islámica implantada en dicho país.

          Y esto nos lleva a la cuestión de la representación, aspecto éste de la máxima actualidad hoy en día en España. En este sentido, dado que la representación del Islam en Europa está presente a lo largo de todo el programa del Coloquio que estamos celebrando, hay que deducir que el Consejo de la Comunidad Marroquí en el Extranjero también está dispuesto a participar en el debate sobre la reforma de la estructura del Islam en España. Y, dado asimismo que para exponer esta cuestión han elegido a una persona -ésta que les habla‑ con un discurso muy claro y de sobras conocido por parte de las instituciones públicas españolas y de las propias comunidades musulmanas, también hay que deducir que el Consejo de la Comunidad Marroquí en el Extranjero comparte conmigo la urgente necesidad de cambio existente en esta materia. Ahora sólo falta saber el contenido y el alcance de dicho cambio.



          I. UN CAMBIO NECESARIO

          Mi intervención contiene un mensaje muy claro: la Comisión Islámica de España es un edificio cuyos cimientos se han corroído con el paso del tiempo. Por tanto, la única solución posible es derribarlo para construir uno nuevo. Pero ello no impide que puedan aprovecharse muchos de los materiales de la actual edificación, la cual deberá servir para dar cobijo a una heterogénea comunidad musulmana residente en España.

          Para aquellos que lo desconozcan, es bueno advertir que la Comisión Islámica de España es una entidad creada en 1992 con la intención de servir de interlocutor de una dividida comunidad islámica española con la que el Estado español pretendía firmar un Acuerdo de cooperación. Pero, en realidad, esa aparente interlocución única escondía la existencia de dos Federaciones cuyas relaciones se basaban -todavía hoy en día‑ en continuos desencuentros. Estamos hablando, por un lado, de la Federación Española de Entidades Religiosas Islámicas (FEERI) y de la Unión de Comunidades Islámicas de España (UCIDE). En este sentido, la firma del citado Acuerdo de cooperación de 1992 -caso único en Europa‑ no supuso el fin de tales desencuentros, sino el comienzo de una coexistencia separada, como si de vecinos enemistados se tratase, de las dos Federaciones en el edificio de la Comisión Islámica de España, interpretando y aplicando cada una de ellas el Acuerdo de cooperación según sus propios intereses. Y, frente a ellas, unos poderes públicos que observaban esta situación como imparciales voyeurs, sin querer, saber o poder hacer nada al respecto hasta el día de hoy.

          Llevo 11 años investigando el fenómeno de la presencia del Islam en España, primero sólo como investigador y profesor universitario, y en los últimos años también en calidad de Abogado especializado en el asesoramiento jurídico a comunidades islámicas. A algunos les parecerán pocos, y quizá sea así. Pero sí puedo afirmar que mi contacto con este ámbito ha sido (y hoy en día todavía más) intenso y diario; y se sustenta, no sólo en la investigación de fuentes bibliográficas, documentales y normativas (que, por sí solo, es de escasa utilidad), sino también (y es lo más importante) en la experiencia extraída de mis frecuentes contactos directos con cientos de mezquitas y entidades religiosas islámicas esparcidas por buena parte del territorio español, a las que muchas de ellas asesoro en la actualidad.

           

          De esta experiencia sobre el terreno traigo aquí las siguientes conclusiones:

          a) Muchos miembros de comunidades islámicas españolas no saben absolutamente nada ni sobre la Comisión Islámica de España ni sobre el Acuerdo de cooperación de 1992. Esta situación se está corrigiendo en los últimos años, aunque a finales de los noventa era la regla general.

          b) Muchos miembros de comunidades islámicas españolas sí conocen la Comisión Islámica de España, pero no se sienten representadas por ninguna de las dos Federaciones que la integran. A pesar de pertenecer a ellas, existe cierto conformismo y desilusión respecto a la situación actual y al futuro de esta Comisión, que les lleva en muchas ocasiones a adoptar una actitud pasiva en relación a una posible y futura reforma.

          c) Afortunadamente, existe un grupo cada vez más numeroso de entidades islámicas que han adoptado un papel protagonista en lo concerniente a la reforma de la Comisión Islámica de España. Algunas de ellas han creado Federaciones de ámbito autonómico (regional), que están luchando hace tiempo por conseguir una presencia real en dicha Comisión, junto a las dos Federaciones que la integran a día de hoy.

           

           

           

          II. ¿POR QUÉ ES NECESARIA UNA REFORMA DE LA COMISIÓN ISLÁMICA DE ESPAÑA?

          1º.- Para mejorar la imagen del Islam y de los musulmanes en España.

          A pesar del paso del tiempo y de estar inmersos en lo que se conoce como la 'sociedad de la información', la 'desinformación' sobre el Islam y sobre los propios musulmanes es innegable. Las Universidades, las escuelas, los medios de comunicación, las asociaciones de vecinos, los servicios sociales, las Fuerzas y Cuerpos de Seguridad del Estado, los jueces y fiscales, por poner sólo algunos ejemplos, necesitan de un referente institucional en el que apoyarse y al que consultar cualquier duda o cuestión en este ámbito.

          En mi opinión, una Comisión Islámica de España auténticamente legitimada y verdadera representativa, puede servir de excelente órgano asesor. Cada vez que veo actitudes intransigentes basadas en la ignorancia en las aulas de una Universidad o en los discursos de unos vecinos que se niegan a la implantación de una mezquita en su barrio, percibo con mayor nitidez esta necesidad; y todavía más cuando, en mi faceta de Abogado inmerso actualmente en la defensa de musulmanes imputados en 4 causas distintas relacionadas con el llamado 'terrorismo islámico', observo asombrado que términos, por ejemplo, como 'yihadismo', 'salafismo', 'tabligh' o 'takfir', son ignorados o entremezclados de modo confuso. En este sentido, la necesidad de formación es todavía más urgente.

          2º.- Para aplicar y desarrollar el Acuerdo de cooperación

          Buena parte del Acuerdo de cooperación, para ser aplicado conforme a lo allí establecido, necesita el consenso y la actuación conjunta de las dos Federaciones integrantes de la Comisión Islámica de España. Tres ejemplos muy significativos (aunque habría más) son la enseñanza de la religión islámica en la escuela, la asistencia religiosa en hospitales y centros penitenciarios, y los cementerios islámicos.

          Pero, además, la necesidad de revisar el Acuerdo de cooperación, para adecuarlo a la situación actual de la comunidad islámica española precisa, con carácter previo, que la propia Comisión Islámica de España se adapte a la importancia y dimensión actuales de aquella, totalmente distintas a las de 1992. Como decía antes, sus cimientos no pueden soportar el peso de una comunidad mucho más numerosa, activa y diversa.

          3º.- En lo concerniente a las relaciones con las Administraciones públicas y otros actores sociales.

          Pero no sólo las instituciones del Estado español necesitan un único interlocutor para aplicar o desarrollar lo dispuesto en el Acuerdo de cooperación. También, otros entes públicos de más reducidas dimensiones, como Ayuntamientos, Departamentos de Salud o de Educación, etc., así como ONG', otras asociaciones o entidades religiosas no musulmanas, requieren en ocasiones la ayuda de la comunidad islámica para poner en marcha interesantes iniciativas en el ámbito local. Y, en este sentido, la ausencia de un interlocutor nítido y único, unido a la competencia que surge entre distintas comunidades islámicas, dificulta muchas veces que dichas iniciativas funcionen. Como ejemplo, les diré que, en 1997, el Ayuntamiento de mi ciudad, Zaragoza (4ª ó 5ª ciudad de España, con 800.000 habitantes), me encargó organizar un congreso previo para la puesta en marcha de un Ente municipal para el Diálogo Interreligioso. Pues bien, mientras con el resto de las confesiones religiosas no surgió problema alguno, en relación a las comunidades musulmanas fue totalmente imposible reunirlas a todas ellas, al quererse presentar varias de ellas como único interlocutor.

           

           

           

           

          III. PRINCIPIOS PARA UNA REFORMA DE LA COMISIÓN ISLÁMICA DE ESPAÑA

          A) En y entre las comunidades islámicas:

          1º. Negociación y no revanchismo: desde 1992, se han acumulado malentendidos y rencores entre los distintos sectores de la comunidad islámica que integran la estructura institucional del Islam en España. Sin embargo, todo proceso de reforma de la Comisión Islámica de España que se afronte desde el ánimo de venganza o revancha, fracasará. Todos deben sentarse a la mesa de negociación, sin excepciones. La reforma no debe perseguir quitar el poder a determinadas personas, para después excluirlas, sino cambiar las estructuras de poder para ajustarlas a la realidad actual. En este sentido, será necesaria la intervención de determinadas comunidades musulmanas que puedan ejercer labores de mediación. Aunque puede que olvide a algunas de ellas, se me ocurren los nombres del Consell Islamic de Catalunya, la Comisión Islámica de Melilla o el Centro Cultural Islámico de Valencia. Y, por qué no, el propio Consejo de la Comunidad Marroquí en el Extranjero.

          2º. Visibilidad institucional: para abordar una reforma de la Comisión Islámica de España, es preciso que el mayor número de comunidades musulmanas posibles se integren en ella, individualmente o a través de las distintas Federaciones (las dos tradicionales, más las de ámbito regional que se han ido creando en los últimos años). Pero, para ello, antes debe concluir el proceso de inscripción en el Registro de Entidades Religiosas del Ministerio de Justicia de todas las comunidades islámicas existentes, adquiriendo así el carácter de entidad religiosa, y, con él, la necesaria personalidad jurídica específica que les hace visibles a los ojos de la estructura institucional del Islam en España.

          3º. Democracia, justicia y equidad: la nueva estructura representativa del Islam en España debe nacer necesariamente, en mi opinión, de un proceso de participación democrática del conjunto de las comunidades musulmanas. Pero, por supuesto, introduciendo en el proceso electoral instrumentos de corrección del voto que aseguren tanto la justicia como la equidad en todo momento. Más adelante me referiré a ello. Dicha participación democrática, además de facilitar la posibilidad de una estructura representativa legitimada, ayudará a desterrar el mito, muy arraigado en España, de que Islam y Democracia son dos conceptos incompatibles.

          4º. Lo musulmán frente a lo nacional: ésta es una cuestión muy delicada, y soy consciente de ello. El Islam español no puede ser marroquí, ni argelino, ni sirio, ni egipcio. Se debe lograr una nueva estructura institucional en la que se sientan identificados y representados todos y cada uno de los musulmanes de España (claro está, los que quieran sentirse así), ya provengan del Magreb, del África Subsahariana, de Asia, o sean nacionales españoles convertidos al Islam.

          En mi opinión, así se conseguiría evitar, al menos en parte, que se identificara, sin más, lo 'Árabe' con lo 'Musulmán', olvidando que el mundo islámico es mucho más rico y diverso que la imagen que se tiene de él. Y, además, también se podría luchar contra una creciente tendencia a la auto-exclusión que se observa entre algunas comunidades musulmanas, especialmente en las que provienen del África Subsahariana. En la actualidad, estoy asesorando, directa o indirectamente, a varias comunidades senegalesas, gambianas o ghanesas que pretenden crear sus propias Federaciones, al sentir que la comunidad árabe (a la que consideran su 'padre' o 'guía') no tiene en cuenta ni sus necesidades ni su opinión.

          5º. Legitimidad / Representatividad: no se puede hablar de una Comisión Islámica de España legitimada y representativa si no se puede decir lo mismo de las entidades religiosas que la integran. Puedo afirmar, porque yo mismo me he percatado de ello, que algunos representantes de entidades religiosas (tanto entidades locales como federaciones) sólo se representan a sí mismos, ignorando sus supuestos representados lo que algunas personas están haciendo en su nombre. En este sentido, estoy convencido que si se iniciara un proceso de reforma de la Comisión Islámica de España, dando a este proceso la suficiente publicidad, podría traer como consecuencia inmediata un efecto de depuración interna de esas entidades religiosas, ya que todos y cada uno de los dirigentes necesitarían reunir el consenso de sus representados.

           

          B) Entre el Estado y las comunidades islámicas: el principio de cooperación.

          El principio de cooperación es uno de los principios que sustentan el sistema español de relaciones entre el Estado y las confesiones religiosas. En el contexto de un Estado aconfesional marcado también por el principio de laicidad, nuestros poderes públicos están obligados a tener en cuenta las creencias religiosas de la sociedad española, y a mantener relaciones basadas en la cooperación con las distintas confesiones religiosas. Así se establece en el artículo 16 de la Constitución Española y en la Ley Orgánica de Libertad Religiosa de 1981.

          Esto no quiere decir que el Estado deba impulsar forzosamente el proceso de reforma de la Comisión Islámica de España; pero sí colaborar o acompañar a la comunidad islámica en todo lo preciso para lograr el fin pretendido, sin que quepa ampararse en el principio de laicidad para mantener una actitud neutral o abstencionista. Y, por otro lado, tampoco cabe caer en la tentación de un excesivo intervencionismo que busque controlar de algún modo el proceso de reforma, influyendo en su resultado final.

          La idea principal que debemos tener clara es que la reforma de la Comisión Islámica de España no es sólo una cuestión de musulmanes. Afecta directamente a las creencias que manifiestan más de un millón de personas en España, e incide, entre otras cosas, en la aplicación y futuro desarrollo del Acuerdo de cooperación de 1992, que tiene rango de Ley.

           

           

          IV. PROPUESTA DE REFORMA DE LA COMISIÓN ISLÁMICA DE ESPAÑA

          A) Punto de partida: 1998, propuesta de reforma integral de la Comisión Islámica de España.

          Debo advertir, en primer lugar, que lo que aquí se expone toma como punto de partida una propuesta de reforma integral de la Comisión Islámica de España que en 1998 diseñó el Profesor Joaquín Mantecón, entonces Subdirector de Asuntos Religiosos del Ministerio de Justicia. La 'propuesta Mantecón', como así yo la llamo, planteaba un proceso electoral en virtud del cual las entidades religiosas inscritas en el Registro de Entidades Religiosas del Ministerio de Justicia elegirían a sus representantes en los Comités Provinciales. Estos, a su vez, elegirían a los miembros de los Comités Regionales; y, por último, a los del Comité Nacional. Asimismo, también se preveía un Consejo Consultivo, a imagen y semejanza del Consejo de Estado español.

          Esta propuesta, desgraciadamente, no pudo llevarse a la práctica, debido a la falta de consenso entre las dos Federaciones de entidades islámicas españolas, quedando por tanto en el olvido.

          B) Experiencias fuera de nuestras fronteras: Francia y Bélgica.

          Al haber sido expuestas estas experiencias en otra mesa de este Coloquio, no voy a referirme aquí a esta cuestión. Baste decir que el hecho de que en esos países se hayan podido poner en marcha unos consejos representativos de la comunidad musulmana, demuestra que la posibilidad de hacer lo mismo en España no es una utopía. Aunque, por supuesto, se trata de no repetir los mismos errores que se hayan podido cometer en ambos casos.

          C) Propuesta de reestructuración de la CIE (¿2010?). Puntos cardinales:

          1º.- Estructura a dos niveles: autonómico y nacional + consejo consultivo. La peculiar estructura política del Estado español, diseñada sobre la base de Comunidades Autónomas (Regiones), además de las provincias de Ceuta y de Melilla, se trasladaría a la propia estructura de la nueva Comisión Islámica de España. Por tanto, habría 19 Consejos Autonómicos (Regionales). Cada una de las entidades religiosas pertenecientes a una Comunidad Autónoma propondría a un candidato, de entre los cuales se elegiría el Consejo Autonómico (Regional) correspondiente, con un número de miembros proporcionado al número de entidades religiosas existentes en esa Comunidad Autónoma (Región).

          En segundo lugar, los presidentes de los 19 Consejos Autonómicos (Regionales) elegirían a los miembros del Consejo Nacional, máximo órgano de representación del Islam en España, de entre los cuales saldrían los cargos de Presidente, Vicepresidente, Secretario, etc.

          Por último, sería aconsejable la creación de un Consejo Consultivo, encargado de emitir informes y dictámenes sobre temas relacionados con la estructura de la Comisión Islámica de España, sobre la aplicación, desarrollo y modificación del Acuerdo de cooperación, o sobre aspectos relacionados con el ejercicio del derecho de libertad religiosa en general. Sus informes serían generalmente preceptivos; y vinculantes, quizá, sólo en asuntos de extrema importancia. En este Consejo Consultivo deberían estar presentes representantes de todas y cada una de las Federaciones existentes hoy en día en España (las fundadoras de la Comisión Islámica de España y las Autonómicas o Regionales).

          2º. Una comunidad, un voto (es decir, las entidades religiosas inscrita en el Registro de Entidades Religiosas). Personalmente, pienso que no se debe optar por el criterio de un musulmán, un voto. En mi opinión, articular el proceso electoral a partir de las entidades religiosas ofrece un grado mayor de seguridad jurídica. Además, es el más adecuado teniendo en cuenta que la aplicación del Acuerdo de cooperación se sustenta sobre la base de las entidades religiosas inscritas en el Registro de Entidades Religiosas del Ministerio de Justicia. El voto se decidiría, por tanto, en el seno de cada comunidad, según sus propias normas estatutarias.

          3º. Introducción de criterios de corrección (ponderación) del voto. Su finalidad sería evitar, en la medida de lo posible, eventuales injusticias derivadas del proceso electoral.

          En primer lugar, habría que tener en cuenta que no todos los Consejos Autonómicos (Regionales) podrían tener el mismo número de Consejeros. Pudiendo establecer un número mínimo, a partir de ahí este número aumentaría en proporción al número de entidades religiosas inscritas en el Registro de Entidades Religiosas por parte de cada Comunidad Autónoma (Región) española. Esto quiere decir que Comunidades Autónomas (Regiones) como Madrid o Cataluña tendrían un número de Consejeros superior al de otras Comunidades Autónomas (Regiones) con menor presencia de entidades islámicas.

          En segundo lugar, a la hora de elegir los miembros del Consejo Nacional, los votos de los Presidentes de los Consejos Autonómicos (Regionales) valdrían más dependiendo del número de Consejeros que tuvieran cada Consejo Autonómico (Regional).

          Esta, en resumen, es la propuesta que se somete al criterio de los aquí presentes. Mi intervención concluye como empezó, agradeciendo a los miembros del Consejo de la Comunidad Marroquí en el Extranjero todas las atenciones que me han prestado. Gracias, y buenas tardes.

           

           

           

           

           

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          Let me begin by acknowledging that my perspective on Islam is inevitably formed by who I am, where I live and who I relate to on a day to day basis. I speak as someone who is a Christian Minister, and community worker, with an academic background in Pastoral Theology, living and working in an area where the majority faith is Islam. I work and socialise with Muslims daily. There will be many other perceptions of Islam from other corners of the UK. Many people will never have engaged personally with someone of another faith. Some of course, don't want to engage with a person of any faith at all. Some are delighted at the diversity of our country and some undoubtedly feel threatened. Assume throughout this paper that I am happy living in a multi-cultural and multi-faith society.

           

          It is important to acknowledge that relationships between Britain and Islam do not begin with a recent "clash of civilisations" but within a deep rooted historic antipathy. Our culture is imbued with a memory of conflict and rivalry, of the exotic, mysterious, dangerous. Islam is a world to discover and those who seek it are the adventurous, the explorers, the exceptional not the average person in the street. The Muslim is undoubtedly the "other" against which "we" can decide to engage or attack. But the Muslim is not "us".

          This perception is exploited by extremist racists and needs to be challenged. But it is also part of more subtle and insidious perspectives which are used within the media and supposedly intelligent and even liberal discourse. Islam is the "folk devil" of our culture.

          If this is our starting point and the destination we are aiming for is a milieu of common ownership of public space in which we can learn from each other and grow together then we have a long journey to travel. Those of us who want a society rooted in respect, dignity, equality, justice and mutual enrichment must accept the reality of that history and cultural instinct. This is more than handling the worst excesses of extreme racists. It is about fundamental change - a re-ordering of mindsets - a re-writing of history books-a complete overhaul of theological perspectives.

           

          A key component within our relationship is the differential disadvantage experienced by Muslims in the UK. There are 2.5 million Muslims, representing 3% of the UK's total population. It is a young community, with 71% under the age of 35 and 34% under 16. 5% of pre-school age children are Muslim. So we see that it is growing of itself aside from immigration. Muslims are living in the large urban centres. They tend to be more segregated from other communities than are Hindus or Sikhs and ethnic Muslim groups tend to live separately from each other. One third live in the top 10% most deprived areas. 41% live in deprived housing, 32% in the most overcrowded, 28% in social rented housing and the highest proportion (12%) without central heating of any faith group.

           

          Muslims have the highest rates if ill health (14%) of any faith group. 31% of Muslims of working age have no qualifications. 14% have GCSE or equivalent compared to a national average of 22%. 12% have A level or equivalent compared to national average of 24% and 4% have degrees compared to 9% of the overall population.

          Unemployment is three times the national average and young Muslims (16-24) have the highest unemployment level. Muslims of working age have the highest rates of economic inactivity for men (30%) and for women (68%) compared to Christian men (16%) and Christian women (25%). 40% of Muslim men work in the distribution, hotel and restaurant industry. Muslim and Sikh men are least likely to be working in managerial or professional occupations and the most likely to be working in low skilled work. [i]

          7-8000 Muslims are in prison (7% of the total male population) which is caused by a complex interaction dependent upon both legal and non-legal factors including issues of discrimination, prejudice, including negative policing and sentencing.

           

          Social exclusion and alienation is deep rooted and not just linked to recent history.

          The events of 9/11 in New York and 7/7 (when four British suicide bombers successfully exploded bombs on the London transport network) clearly inform both discourse and policy. The radicalisation of young Muslims is, in the words of Yahya Birt a "small scale problem with large scale consequences". To an observer like me it begs the questions - "What drives a young person to blow themselves up? What is so awful in their lives that they have nowhere else to turn?" Radicalisation is complex and difficult for someone like me to comprehend. I have difficulties understanding Christian fundamentalists so I cannot possible enter into the mindset of the young radical. But it does not take too much of a leap of the imagination to realise that day-to-day discrimination will take its toll on many if not the overwhelming majority of young people even if mercifully they do not express it through violence.

          We cannot deny the impact of foreign policy on relations with the Muslim community. Most people in the UK do not support the interventions in Iraq or Afghanistan but it is not uppermost in their minds. Coverage of the recent events in Gaza in the mainstream media in the UK was less graphic than on Al-Jazeera but the injustice and the tragedy was certainly communicated across the board. But the Muslim community see it in a much more immediate light. We really lack a point of communication on what is happening to the wider Muslim world.

           

          Given our history in Europe, Christians do not want to be in any sense negative to our Jewish brothers and sisters. We have too much to repent. But neither do churches want to be deaf to the cry of the Palestinian. Bethlehem in particular has deep emotional draw for us.

          Governmental reaction to the events has created a focus on security for which we might be grateful. It is comforting to know that terror attacks are foiled and that we can travel still in London without too much anxiety. And yet there is a price which needs to be recognised. The first is the tightening of immigration controls and the lack of human rights for migrant workers. The second is the rapid erosion of the civil liberties of all citizens. The third is the culture of suspicion which now surrounds the Muslim community in the UK. This is felt when people pass through immigration at the airport, when Police stop and search and media innuendo. The frustration within Muslim communities has much legitimacy and needs a voice which should not be confused with or defined as a propensity to terrorism.

           

          The conclusion which I have drawn is that relations between Christians and Muslims are not just theological questions but also issues of social justice. Sometimes we say "before you can do theology you need to eat." It seems before we can have a full theological discourse between our faiths we first of all need to engage at the level of social justice - to put our relationship in order (the biblical word for this is righteousness). It seems to me that the important theological questions are not doctrinal but pastoral. These pastoral questions do not start with "how can we help?" or "how can we understand each other?" but with "how can we belong to each other within a common space without denying who each of us are?"

           

          So how are Muslims positioned within the British state? The overwhelming majority of Muslims living in the UK are British and also of 2nd 3rd 4th and 5th generation migrants. So there should be no exclusion, no discrimination, no suspicion. Racism is outlawed in the UK yet many feel that Islamophobia is regarded as an acceptable expression of racism.

           

          It should be noted that the United Kingdom does not have a written constitution. Privilege is given to one Christian Church - the Church of England. The Queen as Head of State is also Head of the Church. Bishops of the Church of England sit in the upper chamber of the Parliament. This is deeply problematic but one which politicians are reluctant to tackle. My own Christian tradition, the Reformed Church, is opposed to a link between church and state. We prefer that freedom of conscience and freedom of assembly and worship be enshrined in constitution alongside an obligation to obey the law and a responsibility to oppose unjust laws. Some Muslim leaders in the UK quite understandably call for parity of treatment between faiths. However, as there isn't even parity between Christian groups it is problematic. I prefer the notion of a truly constitutional democracy in which human rights are enshrined with no special treatment for any faith.

           

          In addition to the unsatisfactory settlement arising from the Reformation in which the Church of England has primacy, there is also the demand of secularism. Most secularists had assumed that religion had been relegated to a marginal and private sphere. They resent the continuing power base of the Church and now fear that a strong Muslim (and fundamentalist Christian) moral voice will undermine their progress. People of faith are opposed regardless of what that faith is. This is made even more complex as Muslims are not so easy to categorise within the "rainbow coalitions" of women, gay people, black and minority ethnic communities and people with disabilities. Muslims, along with traditionalist and fundamentalist Christians, from the perspective of liberal Westerners are perceived as holding back the freedoms which have been gained through the assertion of identity politics.

          The most challenging question then is how we can build up a new settlement based on trust. This relationship is not just about mutual understanding between Christians and Muslims but within the whole fabric of society, including strident secularists. As a Christian, I cannot know what it is like to be a Muslim. Professor Ninian Smart who undertook ground-breaking work on the phenomenology of religion talked of seven dimensions of religion[ii]. One of these he called "experiential". Every faith is a lived experience. I cannot ever know what it is to pray in a large congregation at Friday Prayers in a mosque or to recite the Qur'an. Just as I cannot expect you to understand what it is to sing a Protestant hymn in a chapel designed to allow the voices to echo or join to a prayer circle or read the Bible with devotion. What we experience is deep rooted in culture, in memory, in the soul. No one should deny us our right to hold onto that experience and to enlarge it.

           

          I also know that if I hear someone say "Christians believe..." then I can almost certainly find a Christian who does not belief that particular aspect of faith or practice. So when some tells me "Muslims believe", I imagine it is probably more accurate to say that some or most Muslims believe. We must never narrow the reach or dimensions of a faith.

           

          However, across the boundaries of faith there are going to be strong links of mutuality and solidarity. We understand the world from the perspective of community and not just self. We understand the world from that which is beyond ourselves and what is deepest within us. As human beings and as people of faith we can, I believe, engage with each other beyond the scaffolding and outward expressions of faith.

           

          So in conclusion, for the UK to be a space in within which Muslims, Christians, people of all faiths and non-believers coexist, we need a milieu of social justice and equality out of which new relationship of trust can emerge. These new relationships can and must transcend our respective histories creating a new space for our separate integrities and our common humanity.

           


          [i] Sources: ONS (2204) Focus on Religion ODPM (2006) Review of the Evidence Base on Faith

          [ii] Doctrinal Mythological Ethical Ritual Experiential Social Material

           

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          Membres

          • Younes AJARRAÏ, président
          • M'Hamed EL OUFRASSI, rapporteur
          • Najat AZMY
          • Rachid BENZINE
          • Paul DAHAN
          • Omar EL MOURABET
          • Raphy MARCIANO

           

          Membres observateurs

          • M. Aziz NAHYA, Ministère de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifique
          • M. Hamou BENASSER, IRCAM
          • Mme Khadija EL GOUR, Ministère de la culture
          • M. Brahim ABBAR, Fondation Hassan II pour les marocains résidant à l'étranger
          • M. Brahim OUNIR, Ministère chargé de la communauté marocaine résidant à l'étranger
          • M. Mohamed RIFKI, Ministère des Habous et des affaires Islamiques

          Membres

          • Abdou MENEBHI, rapporteur
          • Driss AJBALI
          • Amina BENLARBI
          • Hamid BICHRI
          • Sidi Mohamed FARSSI
          • Mohamed MOUSSAOUI
          • Kamal RAHMOUNI

           

          Membres observateurs

          • M. Jamal EL KAMIL, Ministère de l'Intérieur
          • M. M'barek BOUDERKA, CCDH
          • M. Abdelhadi ATTOBI, Diwan Al Madhalim
          • M. Lahoussine AKJARAÏ, Ministère chargé de la communauté marocaine résidant à l'étranger
          • M. Mohamed RIFKI, Ministère des Habous et des affaires Islamiques
          • M. Fouad BENMAKHLOUF, Fondation Hassan II pour les marocains résidant à l'étranger

          Membres

          • Abdelhamid EL JAMRI, président
          • Mohamed Anouar HAIDOUR, rapporteur
          • Mokhtar FERDAOUSSI
          • Nadia SERHANI

           

          Membres observateurs

          • M. Abid YOUBI, Ministère de la justice
          • M. Aziz Jillali SGHIR, Ministère de l'Intérieur
          • M. Ahmed EL KHDAR, Ministère des affaires étrangères et de la coopération
          • M. Jaouad El HIMDI, Ministère des affaires étrangères et de la coopération
          • M. Mohammed BAALLAL, Ministère de l'emploi et de la formation professionnelle, département de l'emploi
          • M. Mohammed SALHI, Ministère de l'emploi et de la formation professionnelle, département de la formation professionnelle
          • M. Mohamed El AZAMI, Fondation Mohamed V pour la Solidarité
          • M. Fouad BENMAKHLOUF, Fondation Hassan II pour les marocains résidant à l'étranger
          • Mme Bouchra EDDAOUIBI, Ministère Chargé de la communauté marocaine résidant à l'étranger
          • M. Mohamed RIFKI, Ministère des Habous et des affaires Islamiques
          • M. Abdelouahab ABOUSSOF, Ministère de l'économie et des finances Direction des Douanes
          • M. Abdelmjid MOURHIR, Ministère de l'économie et des finances Direction des Douanes

             

          Membres

          • Daniel AMAR, rapporteur
          • Najib BENCHERIF
          • Adil JAZOULI
          • Abdelghani DADES

           

          Membres observateurs

          • M. Khalid EL HAMMOUMI, Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité
          • M. Mohammed EL AZAMI, Fondation Mohamed V pour la Solidarité
          • Mme Ghita ZOUGGARI, Ministère chargé de la communauté marocaine à l'étranger
          • M. Mohamed RIFKI, Ministère des Habous et des affaires Islamiques
          • M. Hamou BENASSER, IRCAM
          • M. Fouad BENMAKHLOUF, Fondation Hassan II pour les marocains
          • M. Moha HAMAOUI, Ministère de l'équipement et du transport
          • M. Mohamed AKALLAL, Ministère de l'agriculture et de la pêche maritime
          • Mme Hassania ARSALANE, Ministère de l'agriculture et de la pêche maritime
          • M. Omar ATTOU EL YOUSSOUFI, Ministère de l'enseignement supérieur

          Membres

          • Abdallah REDOUANE, président
          • Mohamed KHARCHICH, rapporteur
          • Ahmed AYAOU
          • Ahmed EL HAMSS
          • El Khemmar El BAKALI

           

          Membres observateurs

          • M. Brahim ABBAR, Fondation Hassan II pour les marocains résidant à l'Etranger
          • M. Hamou BENASSER, IRCAM
          • Dr Touriya LIHIA, Conseil supérieur des oulémas
          • M. Brahim OUNIR, Ministère chargé de la communauté marocaine résidant à l'étranger
          • M. Mohamed RIFKI, Ministère des Habous et des affaires Islamiques

           

          1. Un bref historique

           

          La gestion institutionnelle de l'islam en Belgique a une histoire d'une bonne quarantaine d'années, depuis les premiers contacts lors de la visite du roi Faysal en 1963, au premières propositions de loi (en 1967) non abouties de parlementaires socio-chrétiens flamands pour reconnaître la religion « mahométane ». Un moment important sera constitué par la cession formelle pour 99 ans du « pavillon oriental », un édifice de style orientalisant, destiné à l'origine à abriter une vue panoramique du Caire, bâti pour l'exposition universelle de Bruxelles de 1897. Ce bâtiment fut concédé à la Ligue islamique mondiale ([1]) en 1969 pour le transformer en mosquée. Il est très bien situé à quelques centaines de mètres des bâtiments de l'Union européenne. Dernier moment de cette phase initiale de la gestion du culte est la loi fondamentale de 1974 de reconnaissance du « temporel du culte islamique » au même titre que les autres religions déjà reconnues selon le cadre légal propre à la Belgique : catholique, anglicane, juive. Cette notion de « temporel du culte » empruntée au régime napoléonien signifie uniquement que l'Etat belge prend en charge certains aspects du financement des activités cultuelles. Il ne signifie pas que l'Etat « reconnaît » ces cultes à un titre ou un autre (comme religions d'Etat par exemple). Cette notion prête à confusion notamment auprès de musulmans qui pensent erronément que la Belgique a « reconnu le culte musulman », en général. Cette rpécision vaut évidemment pour tous les cultes reconnus.

           

          A l'islam s'ajoutera ensuite la religion orthodoxe tout comme la « laïcité » (terme assez imropre, qu'il faudrait appeler plutôt « laïcisme », c'est-à-dire les institutions qui défendent de manière volontaire l'agnosticisme ou l'athéisme) traitée en équivalent d'une religion et se constituant ainsi en quasi-église. Le bouddhisme est reconnu en 2008. Dans la foulée de cet esprit il résulte aussi que la loi organique régissant l'enseignement et datant des années 1960, prévoit l'organisation de cours de religion et de morale non confessionnelle (au choix des parents), dans l'enseignement obligatoire « officiel ».

           

          Il faut rappeler que la Belgique n'est pas un pays concordataire, n'est pas non plus un Etat qui se définit comme « laïc » au sens français du terme, mais c'est un Etat qui se définit comme « neutre » à l'égard des religions. Autrement dit, l'Etat tout en étant non confessionnel, dispose d'une loi générale, datant de 1870 qui fait que certains cultes reçoivent un traitement privilégié en matière de financement des ministres du culte et d'édification et entretien des bâtiments. Les cultes sont donc considérés comme exerçant une certaine fonction d'utilité publique. Dans le cadre complexe du système fédéral belge actuel, le principe de la reconnaissance de religions revient à l'Etat fédéral, tandis que la mise en oeuvre concrète relève des régions fédérées (Wallonie, Flandres, Bruxelles).

           

          La cession du bâtiment au Centre islamique ainsi que la reconnaissance de l'islam n'était pas tellement due à une demande des musulmans, mais à une initiative politique et diplomatique de pays musulmans. Et du côté belge il s'agissait de donner des gages à l'Arabie Saoudite qui s'occupait de plus en plus du sort des musulmans dans le monde et avec laquelle la Belgique commençait à négocier des contrats juteux.



          Une saga : l'institutionnalisation de l'islam

          Avec la loi de 1974, commence alors la saga de l'institutionnalisation de l'islam, passionnante sous l'angle sociologique, même si elle est accablante sur le plan humain, social et politique. Car les institutions musulmanes, instaurées en Belgique pour gérer les affaires cultuelles, ne cessent d'être agitées, que ce soit par des incessants conflits internes ou par la mise en examen de dirigeants ou ex-dirigeants. Ces vicissitudes désespèrent de nombreux musulmans et laissent pantois les observateurs. Parfois elles salissent des innocents et souvent épuisent les meilleures bonnes volontés.

           

          Ces vicissitudes concernent surtout la représentation de l'islam, car pour répondre aux exigences qui découlent de cette reconnaissance, s'est posée, dès le départ, la question de savoir qui est le « chef du culte », pour reprendre la terminologie de la loi relative aux cultes, étant le répondant de l'Etat, selon les exigences de la loi, construite historiquement sur le modèle de l'Eglise Catholique.

           

          Ce besoin de reconnaissance était accru par l'urgence ressentie de plusieurs côtés.

           

          De la part de musulmans, elle était animée par l'attente de reconnaissance sociale et par le souhait de partager avec les autres religions le gâteau du financement public. Ceci était (et est toujours) assorti de l'argument, pour ces nouveaux citoyens belges, qu'une certaine équité doit s'exercer à leur égard et que donc leur culte ne doit pas être traité différemment des autres cultes. De la part de l'Etat, des média, des partis politiques c'était aussi la croyance bien illusoire de parvenir à maîtriser pas ce biais les extrémismes islamiques, grâce à la mise en boite institutionnelle de l'islam.

           

          Cette urgence institutionnelle a forcé les musulmans à courir au pas des institutions de l'Etat et des exigences administratives, les a mis en scène sur l'espace public sans qu'ils soient nécessairement outillés pour le faire.

           

          Le Centre islamique et culturel de Belgique, association internationale sous la houlette de la Ligue islamique mondiale, fût reconnue un moment comme « chef de culte ». Mais il fût rapidement contesté et récusé. Depuis la fin des années 1980, dans des cercles belges et musulmans plus ou moins éclairés, a émergé l'idée que ce chef de culte devra être « démocratique ». Quoi de mieux. Et donc, il faut qu'il soit élu. Exigence bien étrange appliquée à un culte et aucunement exigée pour d'autres cultes. Le label de la démocratie élective devenait la pierre de salut pour faire sortir l'islam de son impasse et aussi, pense-t-on, du danger radical.

           

          On invente alors un système électoral bien belge : autant de flamands, de bruxellois et de wallons ; autant de turcs, de marocains, de convertis, etc. Le leadership musulman a rapidement joué dans ce jeu. Les premières élections furent organisées en 1991 après avoir dressé des listes d'électeurs sur base volontaire en vue de l'élection d'un Conseil supérieur des musulmans de Belgique ( de 68 membres), devant élire en son sein un Exécutif des musulmans de 17 membres) et, en leur sein, un Président. Une deuxième élection aura lieu en 1998, sur base de 43.000 électeurs (sur les 70.000 inscrits). Cet Exécutif fût sabordé par la Ministre de la Justice justifiant le fait soit parce que cet Exécutif était contrôlé par les Frères musulmans soit parce qu'elle avait reçu des plaintes de musulmans. Des nouvelles élections furent organisées en 2004, avec, parmi d'autres, une forte ingérence des diplomates turcs et marocains. Ces élections furent sabotées par une partie importante de musulmans marocains. Malgré tout une Assemblée et un Exécutif furent désignés, avec une forte influence des courant turcs officiels proches de la Direction de sAffaires religieuses de Turquie. Les vicissitudes judiciaires de 2005 ont aboutit à la situation actuelle d'une Assemblée et d'une Exécutif provisoire réduit. A chaque étape la Sûreté de l'Etat opérait un filtrage des élus en exigeant d'écarter certains membres à cause de leur soupçon (jamais justifié) d'activités radicales. Ce filtrage étant objet de protestations de la part des musulmans.

           

          Parallèlement à la création de cette instance représentative, une loi autonome relative à l'enseignement datant de 1960, prévoit que les cultes reconnus ont droit à deux heures hebdomadaires d'enseignement de la religion professé par des personnes présentées par le chef de culte en question. Ceci dans l'enseignement appelé « officiel » ([2]). Le résultat est que actuellement quelques 600 enseignants de religion islamique enseignent dans les écoles du réseau « officiel » des deux régimes linguistiques. Ce qui est probablement le plus important financement public dans l'enseignement en lien avec la religion musulmane en Europe.

           

          Parallèlement encore, puisque le financement des mosquées est désormais de compétence d'un autre niveau institutionnel, les régions, des mosquées ont été reconnues par celles-ci ([3] )au printemps 2008 (juste avant les élections), ce qui implique un financement du fonctionnement et des bâtiments et le paiement des imams ([4]). Cette reconnaissance s'est fait en accord relatif avec l'instance représentative centrale... mais dans une relative autonomie de la part des régions.

           

          Je voudrais parvenir à montrer que la gestion politique belge en général par sa complication institutionnelle, mais également par d'autres raisons qui seront explicitées plus loin, est adapté au mode du devenir de l'islam belge et européen. Mais ce qui met en péril ce mode de fonctionnement est l'angoisse d'une hypothétique et imaginaire autorité qui serait absente et le péril de manipulations multiples dont ce modèle peut devenir et devient l'objet.

           

          Pour tenter de procéder à ma démonstration, j'essaierai de présenter quelques aspects de mon analyse sur le devenir de l'islam ; une réflexion sur les gestions étatiques du religieux ; pour conclure à un question sur les paradoxe de cette gestion belge de l'islam, quasi-modèle, mais en péril.



          2. Etat belge et régime belge des cultes

          Classiquement on présente les gestions publiques des cultes en Europe à partir de l'opposition entre un modèle français de séparation et un modèle britannique, dit communautaire. Cette typologie n'est pas entièrement satisfaisante. La réalité est plus complexe et plusieurs dimensions entrent en jeu. Elles sont de différents types et c'est en fonction d'elles que les pratiques des Etats se dessinent.

           

          L'une concerne le mode d'intégration institutionnelle du religieux par l'Etat. Ce sont les régimes formels des cultes. Mais c'est aussi la manière même de concevoir le religieux entre d'une part une "vision sacrale" du religieux, qui peut d'ailleurs concerner tout aussi bien l'adhésion que l'opposition au religieux (dans ce cas, le religieux est perçu comme une réalité au-delà des autres faits de culture et des autres faits institutionnels); et d'autre part une "vision banalisante", qui consiste à ramener le religieux à la dimension d'un quelconque fait culturel.

           

          Et enfin il est clair que la position à l'égard du religieux dépend aussi de la position de l'Etat et du rôle qu'il assume en fonction du rapport entre l'Etat et la société civile et du rôle que l'Etat se donne dans le processus intégrateur de la société civile. Ce critère a deux extrêmes: l'attitude totalisante où l'Etat se sent le garant de la société civile et la vision fonctionnelle où l'Etat se conçoit avant tout comme gestionnaire de la société civile. Cette dernière vision étant plus proche d'une vision libérale.

           

          En croisant ces critères sur un espace à trois dimensions, on obtiendrait une représentation plus complexe des modes de gestions du religieux par l'Etat que non le simple modèle binaire.

           

          Il ne faudrait toutefois perdre de vue qu'en observant les politiques des Etats européen à l'égard de l'islam on ne peut qu'être frappés par le fait que les postures idéologiques ou historiques des rapports entre Etats et religions en Europe ont quelque part sauté face à l'islam.

           

          Si on observe les pratiques au-delà des rhétoriques et des affirmations « communautarienne» ou « républicaine », force est de constater qu'en gros les Etats européens ont dû faire plus ou moins la même chose, c'est-à-dire tenter de répondre plus ou moins aux demandes musulmanes. Bien entendu en y répondant selon les traditions respectives de gestion publique, tout en faisant plus ou moins les mêmes choses.



          L'Etat belge

          Au sein des modèles étatiques multiples, si on regarde la gestion du religieux par les pouvoirs publics belges on peut dessiner les contours suivants.

           

          1. L'Etat belge se pense et agit - n'a la possibilité d'agir- que comme un Etat entremetteur entre les forces sociales existantes, traditionnellement catholique, libérale, socialiste. C'est le modèle semblable à celui hollandais des Verzuiling (piliers), mais avec une vision encore plus atténuée de son rôle. La fédéralisation de l'Etat, avec la conséquente fragmentation des pouvoirs a encore accentué cela. D'où l'importance que l'Etat accorde aux multiples instances de la société civile, dans une tradition d'inclusion, de représentation complexe et désormais imbriquée dans les niveaux multiples, toutes plus ou moins subsidiées.

           

          2. Parmi celles-ci il y aussi les organisations religieuses, certes traitées un peu autrement. Elles sont considérées dans une vision banalisée du religieux, car elles sont prises en compte avant tout sous l'angle d'une organisation, voire d'un pouvoir, parmi d'autres organisations et en rivalité avec elles pour capter les ressources de l'Etat.

           

          3. Le rôle entremetteur est quelque peu mis au défi par l'islam, car devant les vicissitudes multiples liées à cette religion, l'Etat semble forcé à sortir - maladroitement- de son rôle d'entremetteur pour acquérir un rôle dirigiste plus accentué (dissolution et imposition d'élections, filtrage des personnes élues...).

           

          Mais en même temps la fédéralisation de la gestion des cultes complexifie les choses. L'Etat fédéral (Ministère de la Justice) gère en général la reconnaissance des cultes, les questions de sécurité, le financement des aumôneries des prisons mais le financement des lieux de culte et du personnel est une compétence régionale et le financement des enseignants de religion islamique dans l'enseignement primaire et secondaire est une compétence des Communautés linguistiques.

           

          4. A quelque niveau que ce soit le mode d'action de l'Etat belge est « pragmatique », dans le sens où il fonctionne avant tout dans la perspective d'ajuster les demandes et pas d'imposer des solutions, mais sans perdre de vue des perspectives générales, en l'occurrence une vision laïque de l'Etat, une certaine prudence, voire une précaution méfiante relative au rôle des religions dans l'espace public.
          Mais il n'est pas « pragmatiste » ([5] ) dans le sens où il ignorerait des objectifs généraux laissés entièrement aux citoyens et aux forces du marché.




          3. Modèle belge de gestion de l'islam ?

          De ce mode de fonctionnement de l'Etat belge et d'autres facteurs, s'est mis en place -non pas théoriquement, mais pragmatiquement- un modèle d'intervention belge assez singulier et assez adapté à cet islam en construction.

          D'une part la représentation de l'islam au niveau central continue à vivre des vicissitudes et des soubresauts.

           

          Mais ceci n'empêche pas d'autres part des choses concrètes se mettent en place. Autrement dit : il n'y a pas de représentations stable et convaincante de l'islam, mais l'intégration institutionnelle pratique de l'islam se porte plutôt bien. Car malgré ces vicissitudes et malgré des motivations parfois ambivalentes (entre autre dans le chef des politiques), des choses ont étés mises en place et fonctionnent.

           

          Que l'on pense à l'enseignement de la religion islamique. Plusieurs centaines d'enseignantes et enseignants professent dans les réseaux officiels francophone et flamand. C'est un fait important, souvent peu pris en compte, tant l'attention, parfois la fixation, s'est portée sur les mosquées et les imams. Cet investissement des pouvoirs publics, l'engagement et le travail des enseignantes et enseignants et de ceux qui les encadrent est un cas unique en Europe. Ils représentent un investissement considérable de la part des pouvoirs publics. C'est entre autre par le biais de cet enseignement que se préparent les générations futures de musulmans de Belgique. Cette réalité existe, fonctionne, même si elle nécessite des améliorations notamment dans la formation des enseignants, car actuellement aucune école de formation d'enseignant dispense un formation en théologie et sciences islamiques.

           

          Les aumôneries des hôpitaux et des prisons ont été mises en place. Des parcelles musulmanes dans les cimetières ont été ouvertes.

           

          Des mosquées ont été reconnues et sont financées. C'est un fait, même si on devrait s'interroger sur le bien fondé de cette décision, qui manque de vision et peut devenir lourde de conséquences pour l'avenir. Des salles de prières fonctionnent se fondant sur l'engagement bénévole des membres.

           

          Des cimetières ont été ouverts dans de nombreuses villes.

          Dans les communes, un dialogue se poursuit et se construit entre associations musulmanes, mosquées et pouvoirs locaux.

           

          A l'Université catholique de Louvain avec un financement octroyé au titre de la « formation continue » par la ministre francophone de l'enseignement supérieur, a commencé depuis l'année académique 2006-2007 une formation en « sciences religieuses : islam » dispensé par des enseignants musulmans et non musulman et délivrant un titre universitaire formel prévu par la loi sur la formation continue (Certificat d'Université) ([6]).

           

          Autrement dit, au quotidien des choses existent et se font. Elles vont dans le sens d'une intégration de la réalité de l'islam dans le cadre institutionnel belge. C'est d'ailleurs ce qui fait l'originalité du modèle belge par rapport à l'ensemble des pays européens. Car il y a un modèle belge original. Il est adéquat à la réalité de l'islam européen en construction. Inutile de lorgner, comme souvent en Belgique, vers des solutions françaises, britannique, hollandaise ou d'autre pays. Le modèle belge est pilote. Il se fonde sur plusieurs potentialités : l'existence active d'une société civile dynamique et, au sein de celle-ci, des religions ; la prise en compte positive de celles-ci par l'Etat ; la décentralisation des compétences et de la gestion; un Etat pragmatique (non idéologiquement pragmatiste) prudent, même si parfois des hommes et des femmes politiques font des choix inopportuns et dérégulateurs.



          L'angoisse et les manipulations

          Où le bât blesse c'est donc dans l'institutionnalisation centralisée de l'islam et dans la quête d'une instance « représentative ». Cette situation est en partie commune à l'ensemble des pays européens. Elle est exacerbée en Belgique d'une part, par l'urgence mise par l'Etat et par des musulmans intéressés à institutionnaliser l'islam et d'autre part par la manière dont on s'y est pris pour le faire.

           

          Trois questions sapent l'efficacité du modèle belge.

          L'angoisse, intérêt et le figé

          L'urgence d'assurer une solution institutionnelle à la représentation, tant de la part de l'Etat inquiet par l' « intégrisme », le « radicalisme » que de la part de musulmans intéressés à divers point de vue, peut aboutir à figer une situation qui correspond à la demande actuelle et pas à l'avenir.

          Ainsi la reconnaissance des mosquées a figé les cloisonnements des appartenances ethniques-nationales de celles-ci, ce qui est une demande des anciennes générations, pas nécessairement celles de l'avenir.

           

          Ceci a aussi consacré l'influence de la Diyanet, car la majorité des mosquées turques reconnues appartiennent à la Diyanet. L'intervention des autorités marocaines s'est également exercée, bien que de manière moins massive et méthodique que celle de l'Etat turc.

           

          Les effets pervers d'un modèle démocratique idéal

          Par ailleurs, le mode imaginé depuis les années 1980 pour « institutionnaliser » l'islam a produit certains effets pervers. En effet, l'Etat, pour gérer un culte qu'il accepte de financer, a besoin d'une instance interlocutrice. Il s'agit donc d'en constituer une pour les musulmans, qui ne disposent pas d'une telle autorité intégrée dans leur propre système religieux.

          Le résultat est que lorsqu'on dit élections populaires, davantage encore dans un système dérégulé, on dit rivalité et luttes pour le pouvoir. Et ceci d'autant plus que derrière ces élections, il n'y a pas seulement et exclusivement l'action pour la plus grande gloire de Dieu, mais il y a aussi des postes, des fonctions, de l'argent, des honneurs, de la notabilité. Ainsi, aux élections de 2005, voulues par le pouvoir politique et annoncées comme providentielles, on a vu les musulmans turcs, guidés par l'instance religieuse de l'Etat turc, prendre le pouvoir contre les marocain, un nouveau leadership vouloir remplacer et liquider le précédent, avec ce qui s'en suit de dénonciations à la clé. Et ceci n'était qu'une répétition des élections précédentes.

          Le résultat est que des malversations ont vu le jour, le vice-président « démocratiquement » élu (proche des milieux socialistes) a été inculpé d'abus financiers ; le président proche de la Diyanet a été démissionné, une partie de l'instance a démissionné à son tour.

          En avril 2008 le Ministre a confirmé provisoirement l'instance « représentative » avec les éléments restants.



          Les captations partisanes

          Ne disposant pas d'une institution forte de type église, constituant un filtre aux influences des partis politiques européen, l'islam pourrait devenir - et certains signes l'annoncent déjà- un terrain de compétition entre forces politiques pour capter le vote musulman. En effet de nombreux musulmans européens sont désormais devenus des électeurs et constituent une clientèle électorale intéressante pour les diverses formations politiques. L'islam, comme les autres religions, bénéficie ou aspire à bénéficier de certains avantages prévus pour les cultes dans presque tous les pays européens (financement des lieux et du personnel du culte, de l'enseignement de la religion, etc.) ? Une sorte d'échange pourrait apparaître entre certains avantages que des partis gouvernementaux pourraient accorder et la canalisation de choix électoraux.

           

          Et on a vu des influences partisanes, - de partis politiques belges, cette fois-ci- rebondir sur les élections tout court : reconnaissance de l'islam et reconnaissance des partis politiques s'entremêlent. D'autant plus que la loi sur les naturalisations, qui a accéléré l'acquisition de la nationalité belge par des populations immigrées, n'a fait que hâter le processus, car il fallait au plus vite capter le « vote musulman ». Le leadership musulman a joué au plus offrant et n'a pas su analyser les pièges qu'il y avait à s'engouffrer dans les logiques partisanes. Celles-ci n'ont fait que contribuer un peu plus à ramener le religieux, à l'intérêt et les idéaux, au calcul.

           

          Ce système électoral qui institue des leaders en représentants, qui renforce les relais du politique a en plus comme résultat de donner du pouvoir ou bien à des gens qui ne le méritent pas toujours mais qui réussissent à se faire élire grâce à leur campagne électorale et aux moyens dont ils disposent pour la mener, ou bien à propulser des jeunes gens inexpérimentés à l'avant de la scène, afin de fournir une façade capable de satisfaire les attentes belges d'un islam « intégré ». Les résultats sont dès lors des gestions maladroites, des choix douteux, de l'incompétence, parfois des abus et, certainement une absence d'autorité morale.

           

          Autrement dit, les vicissitudes de l'islam institué en Belgique ce ne sont pas liées seulement à un problème d'hommes et de femmes épinglés par les médias, mais c'est également le problème du système mis en place, voulu aveuglement par des musulmans, des autorités et leurs experts.

           

          Et ce qui est plus lourd de conséquences pour l'avenir, c'est que la focalisation de tout le monde sur les enjeux institutionnels, en en faisant l'enjeu prioritaire et la solution des questions liées à l'islam belge, a laissé en deuxième ligne des questions majeures d'ordre intellectuel et éthique. Car l'avenir de l'islam et son insertion dans l'espace belge, va se jouer sur ces aspects, plus que sur la multiplication des salles de culte et de leur financement. Et parallèlement la question de la formation des futurs leaders a été sous-estimée, même si beaucoup d'initiatives ont vu le jour, là aussi, sous le mode de la rivalité et de la compétition négative. Il ne s'agit pas de la question du recyclage des imams, question tout compte fait appartenant désormais au passé. Mais celle des futures générations musulmanes.



          4. Enjeux à venir : nécessité de revoir les priorités

          Depuis trente-quarante ans une partie des populations d'origine musulmane immigrées en Europe s'est activée pour rendre visible, concrétiser sa « religion ». Des convertis se sont également attelés à cette tache. Il s'agit bien d'une partie, un tiers peut être de l'ensemble des personnes d'origine musulmane, mais avec un regard non hostile de la part des autres personnes d'origine musulmane. Autrement dit, l'athéisme ou l'agnosticisme militant sont très minorisés et apparaissent peu légitimes.

           

          Lorsqu'on fait une histoire comparative entre pays européens, on est amené à conclure qu' il y a bien eu une similitude et une simultanéité dans le processus de visibilisation de l'islam : premières manifestations dans les années 1970, enthousiasmes au moment de la révolution khomeyniste et puis replis dans les années 1980 ; nouvelle phase d'implantation dans les années 1990 ; perturbations et incertitudes après le 11 septembre.

           

          Globalement les musulmans se sont activés pour se doter d'infrastructures religieuses (mosquée, salles de prière) ([7]) et vont tendre à obtenir que les Etats donnent à l'islam un statut comparable à celui qu'ils octroient aux autres religions avec les conséquences pratiques qui en découlent et qui diffèrent selon les pays : financement des lieux des cultes, des fonctionnaires religieux, cimetières musulmans, distribution de nourriture hallâl dans les institutions publiques, etc.

           

          Mais ce qui échappe souvent au regard des analystes et de la classe politique est que le processus de reconstitution, de construction de l'islam européen est loin d'être achevé. C'est une erreur constante de considérer l'état actuel de cette présence, comme définitif (et de bâtir des politiques en conséquence).

           

          Il est inachevé tout d'abord du point de vue des attentes et des demandes des musulmans, qui évoluent au fil du temps et des générations. Les demandes d'islam des deuxièmes et troisièmes générations ne sont probablement pas les mêmes que celle des premières générations. C'est ainsi que alors que les musulmans de la première heure continuent à mettre en place des infrastructures, à bâtir des mosquées, à chercher des assises institutionnelles aidés par des bienfaiteurs musulmans divers et par des interventions publiques, on pourrait se demander si cette demande du cultuel continuera à se manifester avec la même intensité à l'avenir. Ces aspects cultuels, certes importants, pourraient ne plus être prioritaires.

           

          On pourrait se demander à l'observation des jeunes génération si la demande qui émerge n'est pas moins en fonction d'une orthopraxie ou d'une référence à une norme absolue à laquelle se conformer (même quand elle se formule dans les terme du licite et de l'interdit) qu'en fonction d'une demande de sens. Cette demande de sens porte sur la question centrale du sens d'être musulman en Europe, sur le sens même à donner à l'idée de religion, sur le mode d'exister des structures sociologiques de base (leaders, forme d'assemblée....). Tout ceci renvoie de manière inévitable à la question de l'interprétation avec toute la multiplicité et les hésitations qu'elle connaît au sein de l'islam.

           

          Un des questionnements qui sous-tendent cette réflexion consiste à savoir si l'islam européen doit se redéfinir à l'instar du christianisme européen (c'est-à-dire comme religion privatisée structurée comme église, dotée d'une hiérarchie) ou s'il doit chercher une voie propre. Si des contraintes financières amènent facilement (mais à travers des difficultés) des transactions au sujet de la structuration comme quasi-église, l'idée de suivre le chemin emprunté par les christianismes (privatisation, subjectivation du religieux, modestie identitaire) donne lieu à pas mal de réflexions et de perplexités, car il s'agit là d'un bouleversement considérable de la voie tracée par le Prophète.

           

          Face à ces demandes émergeantes de sens, on mesure le drame qui vit l'islam contemporain. Sa crise majeure, son grand inachèvement est une crise de l'élaboration intellectuelle et de l'idéation religieuse.

          Car aujourd'hui manque cruellement un leadership intellectuel formé issu de l'espace européen. Et manquent des lieux de formation supérieure en sciences islamiques, hormis les institutions privées qui ont vu le jour dans tous les pays européens mais qui sont bien insatisfaisantes. De telle sorte que de nombreux jeunes européennes prennent la voie des « université »  de Médine ou d'ailleurs pour rechercher cette formation. Il n'est pas sûr qu'ils reviennent avec des outils adaptés pour l'insertion de l'islam dans l'espace européen.

           

          Dans l'ensemble du monde musulman et en Europe les cinquante dernières années ont montré la crise et la carence des intellectuels. L'enjeu à venir pour l'entrée de l'islam dans la modernité est là. Et ce ne sont pas seulement des intellectuels solitaires, bons communicateurs qui seront une réponse suffisante. C'est un travail intellectuel de fond, c'est un essaimage d'intellectuels de l'intérieur du champ religieux musulman qui devient urgent et nécessaire. C'est le défi majeur des années à venir. Sinon les nouvelles sensibilités musulmanes et les attentes de sortie de l'impasse resteront sans réponse ou chercheront des réponses dans des formes de pensée peu souhaitables et dysfonctionnelles pour les devenir de l'islam européen.

           

          C'est donc globalement une réalité en construction qui connaît des structures sociologiques de base changeantes, des demandes en évolution, des générations qui se succèdent et un leadership faiblement constitué même si les leaders sont nombreux, voir trop nombreux compte tenu du mode de structuration de base de l'islam.



          4. Conclusion

          Le quasi-modèle belge (qui ne peut être qualifié de modèle car il ne s'est jamais explicitement énoncé et encore moins formalisé) pragmatique, polycentrique apparaît adapté à la réalité musulmane qui est en construction et tâtonnante. Mais ce fonctionnement n'est pas pragmatiste, au sens qu'il ne promeut pas un pragmatisme aveugle, dissociés des questions fondamentales de la vie collective, telle que celle de la laïcité de l'espace public.

           

          Toutefois l'urgence d'aboutir, de trouver des solutions, ou de donner l'apparence aux populations d'en trouver, et ce presque en réponse aux inquiétudes des populations face à l'islamisme, provoque l'urgence de vouloir, coûte que coûte, créer une instance représentative définitive, sure et de surcroît « démocratique », supposée capable d'encadrer et de réguler les populations musulmanes. Ce qui induit des effets pervers non indifférents et des crises régulières de cette instance, car les conditions sociologiques pour sa création ne sont pas réunies.

           

          Mais, encore une fois, le modèle belge « sauve » la situation car les perturbations de l'instance centrale sont en quelque sorte compensées par les fonctionnements pratiques et décentralisés concernant de multiples aspects de la gestion du culte.

          Quoi qu'il en soit la grande urgence aujourd'hui, n'est pas celle de bâtir de mosquées, qui de trouver une meilleur statut pour l'islam ou une instance représentative. Les baes existent déjà.
          La grande urgence est n'est donc plus de batîr des murs, des minarets, des institutions, mais est celle de bâtir des hommes et des femmes, formés à haut niveau sur le plan intellectuel, capables d'assumer leur fonctions de leadership sur le plan intellectuel et morale. Ces leaders ne pourront plus continuer à être « importés » des pays musulmans.

           

          Grande urgence car on sait que lorsqu'il s'agit de formations supérieures, les résultats concrets ne peuvent se voir que les une horizon de 10-15 ans. Il est donc urgent de commencer.

           

          Mais l'urgence de commencer ne doit pas signifier précipitation, importation de modèles ou de formules d'enseignement des pays musulmans. L'espace européen musulman se construit de manière originale, spécifique. Il importera à l'avenir inventer un modèle original de formation supérieure en sciences islamiques.

           

           


           

          [1] Plus exactement à l'association internationale sans but lucratif, de droit belge, appelé « Centre Islamique et culturel ». Ce centre a été fondé en 1968 à l'initiative de diplomates de pays musulmans accrédités en Belgique. Les activités avaient commencé de manière informelle en 1963-64.

          [2] C'est l'appellation belge de l'enseignement public. Dans l'esprit décentralisé belge, celui-ci peut être organisé par les communautés linguistiques (anciennement par l'Etat central), ou par les communes ou par les provinces. L'enseignement officiel couvre environ la moitié de la population scolaire, l'autre moitié étant couverte par l'enseignement appelé « libre », en majorité catholique, mais comprenant aussi d'autres écoles créées par des initiaives diverses selon des dimensions religieuses (écoles juives, une école musulmane), ou pédagogiques (pédagogie Freinet etc.).

          [3] 17 en région wallonne, 5 à Bruxelles et 8 en région Flamande (novembre 2007).

          [4] 50 imams ont été reconnus pour un budget annuel de 1,2 millions d'euros, leurs rémunération étant alignées sur celle des pasteurs pour un salaire de 18.700 euros bruts/an (novembre 2007) (Cette rémunération est supérieure à celle des prêtres, car ceux cumulent souvent plusieurs paroisses).

          [5] Je dirais que l'Etat britannique ainsi que les Pays-Bas des années 1980 ont ou ont eu une démarche pragmatiste, dont ils semblent se repentir aujourd'hui parfois en la corrigeant radicalement.

          [6] Pour plus d'informations on peut consulter le site : http://www.uclouvain.be/cismoc

          [7] Un indicateur significatif : le nombre des mosquées et salles de prières dans les pays des 15 pays de l'Union européenne était de quelque 6.000 au début du XXI° siècle. Il était un peu plus de 2.000 au début des années 1990. Dans les années 1970 ce nombre ne dépassait pas les 500 (voir - Dassetto F., B. Maréchal et J. Nielsen, Convergences musulmanes. Aspects contemporains de l'islam dans l'Europe élargie, Louvain-la-Neuve/ Paris, Académia Bruylant/ L'Harmattan, 2001 177p.)



           

          Felice Dassetto

          Université catholique de Louvain

          Centre Interdisciplinaire d'Etudes de l'Islam dans le Monde Contemporain (CISMOC)

           

           

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          Le CCME a été présent tout au long du salon, en proposant sur son stand une sélection d'ouvrages sur la thématique des migrations internationales, de la présence marocaine à l'étranger et de documentaires sur les grandes figures de l'émigration marocaine.

          Nous assistons ces dernières décennies à un intérêt grandissant pour la situation de l'islam en Europe, car le culte musulman devient progressivement une partie intégrante du tissu culturel et cultuel des sociétés européennes. L'islam est passé d'une religion de migrants qui retourneront un jour dans leur pays d'origine à une religion de citoyens européens eux-mêmes.

          Nouveau venu dans un paysage religieux européen de plus en plus diversifié, le culte musulman doit rattraper son retard historique par rapport aux confessions établies, notamment en matière d'édification de lieux de culte, d'encadrement et de positionnement référentiel. Le contexte européen, qui est historiquement différent des pays musulmans, est un défi et une chance pour l'islam en Europe.

          Le processus de sécularisation de l'islam dans les pays européens, marqués par une « laïcité culturelle », entraine de fait plusieurs problématiques de nature référentielle et sociologique.

          La jurisprudence musulmane concernant la réalité des musulmans d'Europe est dans une phase de questionnement mais aussi de confusion dans la structure de son discours en Occident en général et en Europe en particulier.

          De ce qui précède, une réflexion et un débat sont nécessaires sur le modèle religieux et sur la pensée juridictionnelle concernant les musulmans en Europe. Cela suppose un renouvellement de l'approche quant à la nature de l'offre juridictionnelle, mais aussi concernant les contours de la formation que reçoivent les cadres religieux censés avoir la fonction de guide et de conseil pour les musulmans d'Europe.

          Considérant l'importance et la portée du débat sur le référentiel de l'islam en Europe, le CCME organise un colloque international intitulé « l'islam en Europe : quel modèle ? ».

          Ainsi, et après quelques interventions en plénière sur la problématique soulevée par le modèle de l'islam en Europe, les travaux se dérouleront autour des espaces thématiques suivants :

          • la géographie de l'islam en Europe
          • l'islam européen et la problématique du référentiel
          • le modèle cultuel marocain et le contexte européen

           

          Le CCME organise dans le cadre de ce colloque, une table ronde dont le thème est : « référentiel et pratiques chez les femmes et les jeunes musulmans en Europe ». Plusieurs spécialistes et acteurs du terrain sont invités à cette rencontre pour débattre du thème de la table ronde et confronter leurs idées.

           

           

          Samedi 20 Juin 2009

           

          Séance 1 : géographie de l'islam en Europe

          • Le champ religieux en Europe : composantes et évolution
          • Historique et mutations de l'islam moderne en Europe
          • Etat des lieux des courants de l'islam en Europe

           

          Séance 2 : l'islam européen et la problématique du référentiel

          • Fondements et sources d'inspiration des musulmans en Europe
          • Les musulmans en Europe à l'épreuve de la laïcité
          • La formation religieuse : état des lieux et perspectives
          • Perspectives de l'islam européen

           

           

          Dimanche 21 Juin 2009

           

          Séance 3 : table ronde :

          « Référentiel et pratiques chez les femmes et les jeunes musulmans en Europe »

           

          Séance 4 : le contexte européen et le modèle cultuel marocain

          • Le modèle cultuel marocain : origine et fondements
          • Le modèle cultuel marocain et le contexte européen : mutations et défis
          • L'Europe et le modèle cultuel marocain : perspectives d'avenir

           

           

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