dimanche 4 août 2024 15:19

Le manque de soutien chez les minorités, et notamment chez les latinos, explique en partie l'échec du Parti républicain américain à la dernière élection présidentielle. Ce constat a trouvé un écho à l'intérieur même des instances du parti. A l'instar des conservateurs américains, les conservateurs européens ont-ils pris la mesure du poids des minorités dans l'électorat ?
Michèle Tribalat, démographe spécialiste de l'immigration
Atlantico : Le manque de soutien chez les minorités explique en partie l'échec du Parti républicain américain à la dernière élection présidentielle. L'évolution démographique des minorités américaines est elle comparable avec celle de la France ?
Michèle Tribalat : La France a une population d’origine étrangère en proportion moins élevée que les États-Unis. La polarisation du vote latino, et plus encore du vote noir sur les candidats démocrates est bien connue. Aux dernières élections présidentielles, les latinos ont voté à 71 % et les noirs à 93 % pour Barack Obama. Les concentrations de minorités dans certains États très disputés rend la question de la composition démographique de la population américaine décisive. En 2012, les latinos et les noirs ont représenté 23 % des votants. Le Pew Research Center annonce une proportion de 29 % en 2030.
En France, la question est plus confuse car on n’a pas l’habitude d’examiner les élections selon l’origine ethnique, puisqu’on n’utilise qu’exceptionnellement ces catégories. Aux États-Unis, la pratique de ces catégories est générale. Ils en savent donc un peu plus long que nous sur la manière dont votent les minorités et c’est une information décisive dans la conduite même des campagnes électorales et plus généralement dans la prise de décisions politiques. En 2011, Barack Obama a demandé à son administration de ne pas expulser les étrangers en situation irrégulière faisant des études, passant ainsi au-dessus du Congrès qui avait refusé de voter le Dream Act. Nul doute que cette mesure était à destination des latinos.
Si la situation de la France est plus confuse, on sait néanmoins que le think tank Terra Nova a défini la nouvelle cible du PS, qu’il appelle la France de demain, comme étant composée des minorités des quartiers populaires, des femmes, des jeunes et des diplômés. La stratégie électorale ainsi dessinée doit choyer ces segments d’électorats afin, notamment, de disposer d’un matelas de voix que la droite ne sera pas en mesure de disputer au PS.
Quel pourcentage de la population représentent aujourd'hui les personnes issues de l'immigration en France et qu'en sera-t-il en 2017 ?
La France ne dispose d’informations sur les personnes d’origine étrangère qu’exceptionnellement. Les dernières données datent de fin 2008. L’insee a estimé à 11,7 millions leur nombre, soit 19 % de la population de la France métropolitaine. En 2017, on devrait, si la croissance en nombres absolus observée entre 1999 et fin 2008 se maintient, il devrait y avoir une population d’origine étrangère de l’ordre de 13 millions, ce qui représenterait environ 21 % de la population.
La croissance de la population musulmane, favorisée par une bonne transmission, une forte endogamie, une plus grande jeunesse et une fécondité supérieure, devrait porter la population musulmane approximativement de 5 millions en cette fin d’année 2012 à 5,7 millions au moment de la prochaine élection présidentielle, soit près de 9 % de la population de la France métropolitaine. J’ai estimé à 1,7 millions le nombre de musulmans français en âge de voter en 2008. C’est plus que l’écart de voix entre MM. Hollande et Sarkozy en 2012. Si les musulmans de nationalité étrangère avaient eu le droit de vote, cela aurait conduit à un potentiel de votants de l’ordre de 2,3 millions en 2008 et à un nombre supérieur encore en 2012.
Le PS a donc tout intérêt à bichonner cet électoral. Nul doute que le droit de vote accordé aux étrangers, s’il passe, viendra sécuriser ce matelas de voix. Le vote musulman en France est presque aussi polarisé que celui des noirs aux Etats-Unis. Le PS devrait donc, comme l’a fait Barack Obama, dépenser beaucoup d’énergie pour entraîner les musulmans vers les bureaux de vote, les jours d’élections.
Jérôme Fourquet, directeur du Département opinion publique à l’Ifop
Atlantico : Existe-t-il un vote communautaire en France ?
Jérôme Fourquet : Le vote des minorités est compliqué à mesurer. Il n'est pas courant et pas banal en France de mesurer ces derniers, c'est un sujet sensible. De plus, les minorités en France sont peu nombreuses par rapport à l'échantillon global.
80% des personnes ayant un parent ou grand-parent d'origine maghrébine (Algérie, Maroc ou Tunisie) ont voté pour François Hollande au deuxième tour en mai 2012. Chez ceux eux d'origine italienne ou espagnole, ce score s'élève à 60%, et ceux d'origine polonaise ont voté à 55% pour Hollande, soit un score proche des résultats nationaux.
Les personnes se disant de confession musulmane ont voté à 86% pour Hollande, soit 34 points au-dessus du score de Hollande au niveau national. C'est impressionnant, et très massif, il y a une véritable tendance à voter pour le PS. Bien qu'il n'y ait évidemment pas que des gens d'origine étrangère chez les musulmans et des musulmans chez les gens d'origine étrangère, cet électorat est certainement plus sensible au discours du PS du fait de l'histoire de la gauche, qui a combattu pour la décolonisation et qui a toujours été lié aux mouvements antiracistes. Ce vote peut être comparé à celui des Noirs aux Etats-Unis qui est polarisé sur le parti démocrate.
Dans les banlieues parisiennes, où les immigrés et les populations d'origine étrangères sont surreprésentées, les scores des candidats socialistes en 2007 et 2012 ont grimpé dans certaines communes très peuplées et représentatives. A Bobigny, dans le département de Seine-Saint-Denis, la candidate PS Ségolène Royal avait obtenu 67% des voix au deuxième tour en 2007, tandis que François Hollande en a remporté 77%.
Nous ne disposons pas de chiffres sur le vote des personnes originaires d'Afrique subsaharienne ou asiatique.
Y-a- t-il eu une évolution ces dernières années ?
Le vote des minorités massif à gauche a été renforcé par un sentiment "antisarkozyste", c'est un vote de sanction. L'électorat musulman est aussi plus jeune et plus modeste que la moyenne. Ces dernières années, la droite a opté pour une position plus dure vis-à-vis de l'islam dans l'espace public, et cela a renforcé la tendance de cet électorat.
Au premier tour, les personnes de confession musulmane ont voté à 20% pour Jean-Luc Mélenchon, ce qui est lié à son discours, qui s'adressait aux populations nord-africaines, à l'instar de celui sur les plages du Prado à Marseille en avril 2012. Le candidat du Front de gauche avait évoqué l'avantage du métissage en France, et la nécessité d'établir un pont, et non une frontière d'une rive à l'autre de la méditerranée. On l'avait surnommé "le candidat des Arabes".
Du temps de Jacques Chirac, le regard était différent sur les questions de politique intérieure, mais aussi sur la politique étrangère. Cette dernière à l'égard d'Israël et des pays arabes n'était pas la même que celle d'aujourd'hui. Nicolas Sarkozy, lui, s'est "droitisé" en 2012 par rapport à 2007 malgré plusieurs signaux positifs ont été envoyés, notamment avec la création du Conseil français du culte musulman lorsqu'il était ministre de l'Intérieur.
En 2007, François Bayrou reprenait un peu l'héritage de Jacques Chirac, et son côté humaniste. Malgré la revendication de ses racines et de la spiritualité chrétienne, le candidat du Modem a remporté 25% des voix de l'électorat musulman. La laïcité "douce" qu'il revendiquait et la libre-entreprise ont séduit la frange plus traditionnelle de ce groupe religieux, qui se rapproche du cas des Hispaniques aux États-Unis. Le discours des républicains outre-Atlantique sur certaines valeurs comme le travail, la famille ou la libre-entreprise peuvent séduire cette communauté. Cependant la position du parti de Mitt Romney sur la lutte contre l'immigration clandestine a fermé le robinet d'accès à ce réservoir d'électeurs potentiels. Dans le cas français, la droite a beaucoup de mal à s'adresser aux immigrés. Le droit de vote aux élections locales pour les étrangers ne leur facilitera pas la tâche.
La gauche est très avantagée pour les élections présidentielles, mais cet électorat communautaire étant moins civique et moins politisé, c'est différent pour les autres élections comme pour les législatives, par exemple. Il n'y a qu'à regarder celles qui ont eu lieu en juin, où la participation a fondu comme neige au soleil.
Interview croisée de Maxime Tandonnet, Eric Fassin et Mehdi Thomas Allal
Atlantico : A l'instar des républicains américains qui ont perdu l'élection en partie à cause du manque de soutien des minorités et notamment des Latinos, les partis conservateurs Européens ont-ils pris conscience du poids grandissant du vote des minorités ?
Maxime Tandonnet : La prise de conscience de cette évolution est évidente, sauf à être dans une logique d’aveuglement, mais elle reste non-dite, implicite. Il est difficile d’admettre le chamboulement qui est en train de se produire dans une société française fondée sur la conception d’une République qui n’opère « aucune distinction d’origine de race et de religion », selon les termes de l’article 1er de la Constitution de 1958.
Eric Fassin : Effectivement, aux Etats-Unis, la politique républicaine, qui joue depuis les années 1970 sur les « hommes blancs en colère », semble avoir finalement perdu son efficacité. Sans doute les Latinos ont-ils été déçus par la politique d’Obama, qui a expulsé davantage d’immigrés que ses prédécesseurs (400 000 par an !). Mais ils ne risquaient pas de voter pour Romney : ce serait pire… Obama pouvait seulement craindre l’abstention des minorités – comme la gauche en France.
Reste que la droite française, comme les Républicains américains, devrait se poser des questions. Les mieux placés pour comprendre l’évolution du rapport de force sont justement ceux qui s’inquiètent d’une France ou d’une Amérique moins blanche – mais ce pourraient bien être les moins lucides !
En fait, en France comme aux Etats-Unis, démographiquement, la droite semble regarder vers le passé. La preuve ? Dans les deux pays, la différence entre les électorats est marquée par l’âge : les seniors votent à droite, les jeunes à gauche. L’avenir n’est donc pas souriant pour la politique de « l’homme blanc en colère »…
Mehdi Thomas Allal : Il est très difficile de parler d’un positionnement identique de tous les partis conservateurs sur ces questions en Europe. Ce qui est certain, c’est que ces partis sont désormais concurrencés par les formations néo-populistes sur les questions de l’immigration et de l’intégration. En tout état de cause, l’approche clientéliste traditionnelle ne suffit plus pour traiter de ces questions.
En France en particulier, le mouvement de balancier avait été d’abord impulsé par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, puis comme Président de la République, avant d’adopter une stratégie plus « droitière ». C’est quand même le premier homme politique à s’être prononcé en faveur de la « discrimination positive ». En vue de capter le vote des minorités, les partis conservateurs n’ont cependant réussi qu’à séduire les élites, tandis que les « quartiers » continuent de voter massivement pour la gauche. C’est particulièrement vrai pour le « vote musulman ».
On sait notamment que les personnes ayant au moins un grand-parent issu de l'immigration maghrébine (Tunisie, Algérie, Maroc) ont voté à 80% pour le candidat socialiste au deuxième tour en mai. Comment la droite peut-elle inverser la tendance ?
Maxime Tandonnet : En évitant la démagogie, la facilité, la complaisance, la soumission à l’air du temps. Elle doit s’adresser à des Français, et non à des minorités, en restant ferme sur les valeurs de la République qui sont ainsi remises en cause. Croit-on que les Français d’origine maghrébine, par exemple, aient envie d’être renvoyés à leurs origines ? Elle doit être à la fois crédible et audacieuse sur ses projets en matière de réforme des institutions, de redressement de l’économie française, de lutte contre le chômage. Elle ne doit surtout pas entrer d’un discours s’adressant à des communautés ethniques ou religieuses car elle perdrait alors sur tous les tableaux.
Eric Fassin : Déjà en 2007, un sondage pour Jeune Afrique avait montré que le vote des Français d’origine africaine était clairement à gauche ; quant aux musulmans, ils n’auraient accordé au premier tour, d’après un sondage pour La Croix, qu’1% de leurs voix à Nicolas Sarkozy ! Bref, la tendance ne fait que se confirmer en 2012.
Ce n’est pas que les socialistes se montrent si généreux avec les minorités (on le voit dans la profession politique), ni en matière d’immigration (sans même parler des Roms, il faut rappeler que les expulsions continuent d’aller bon train sous François Hollande !). Mais la droite joue tellement du clivage racial (des débats sur l’identité nationale et sur l’islam et la laïcité aux petites phrases de Brice Hortefeux, Claude Guéant ou Jean-François Copé) que la gauche n’a guère d’efforts à faire pour retenir ces voix…
Comment la droite pourra-t-elle changer le vote des minorités ? En cessant de jouer la carte raciale. Mais l’affichage à la Sarkozy de l’exception qui confirme la règle, avec des nominations « symboliques » (comme on parle d’un euro symbolique), ne trompe plus grand-monde aujourd’hui.
Mehdi Thomas Allal : Il est paradoxal que l’approche relativement conciliante de la laïcité vis-à-vis des religions se soit cantonnée à la foi catholique, voire chrétienne. La droite française n’a pas considéré que la radicalisation de certaines franges de la minorité musulmane pouvait s’expliquer notamment pour des raisons économiques et sociales, notamment à cause des discriminations dont souffrent les personnes issues de l’immigration maghrébine. Tout comme à gauche, la réflexion doit être poursuivie sur la question de la conciliation de l’islam avec les valeurs et les grands principes de notre démocratie. Non pour stigmatiser un peu plus les citoyens de confession musulmane, mais pour leur permettre de bénéficier pleinement des droits et des devoirs républicains. Il est en particulier urgent de déminer les violences intercommunautaires et d’encourager la coexistence pacifique avec la minorité juive. Il existe malheureusement une réalité du sentiment antisémite parmi la minorité musulmane, tout comme on constate également des positions rétrogrades sur le droit des femmes ou l’orientation sexuelle.
Peut-on être ferme sur l'immigration et dans le même temps draguer le vote des minorités ?
Maxime Tandonnet : Je ne crois pas. Si l’on commence à draguer le vote des minorités, comme vous dites, on est forcément tenté d’ouvrir grand les vannes de l’immigration pour ne pas déplaire à ces dernières, tout au moins celles qui en sont issues. Un responsable politique doit raisonner en fonction de l’intérêt national, ne doit jamais s’adresser à des minorités mais à des citoyens.
Eric Fassin : En 2007, quand les gens partageaient cette illusion (y compris à gauche !), j’avais écrit une tribune : « le loup de la xénophobie et l’agneau de la diversité. » Le loup finit toujours par manger l’agneau.
Pour le comprendre, un exemple suffit : si la police doit arrêter des sans-papiers, comment éviter les contrôles au faciès ? On vise des gens qui « ont l’air » de sans-papiers, le plus souvent des étrangers en situation régulière ou des Français qui « ont l’air » d’origine étrangère. Autrement dit, « avoir l’air » Français, ce serait être blanc. La xénophobie politique nourrit les discriminations raciales ordinaires !
Mehdi Thomas Allal : Le crédo hostile à l’immigration et favorable à l’intégration ne date pas d’hier. C’est le Haut conseil de l’intégration (HCI), avec le président Marceau Long, qui avait pour la première fois énoncé cette approche à la fin des années 80. Personnellement, je crois qu’il est cependant difficile de distinguer les deux approches, de diviser les membres d’une même famille, voire d’une même fratrie, selon que les uns ou les autres disposent de la nationalité française. Bien sûr les droits et les devoirs sont différents, par exemple en termes de vote. Mais du point de vue sociologique, mieux vaut considérer que l’on a affaire à des minorités plus ou moins homogènes, traversées certes par des contradictions, mais soucieuses dans leur grande majorité de bien s’adapter à leurs sociétés d’accueil.
Les discriminations au faciès, les crimes racistes, les réglementations attentatoires aux libertés publiques concernent aussi bien les étrangers que les personnes d’origine étrangère ; il arrive même bien souvent que les personnes arrivées récemment soient davantage qualifiées et maîtrisent mieux la langue française que certains fils ou filles d’immigrés de la seconde génération. Pour être ferme sur l’immigration, il faut être lucide sur les besoins de notre marché du travail en termes de compétences et de talents. Ce n’est pas seulement un « levier » pour « draguer » le vote des minorités.
Une étude du think-tank Terra Nova de mai 2011 affirme qu' "il n’est pas possible aujourd’hui pour la gauche de chercher à restaurer sa coalition historique de classe : la classe ouvrière n’est plus le cœur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs, elle ne peut plus être comme elle l’a été le moteur entraînant la constitution de la majorité électorale de la gauche". Cependant, en adoptant cette stratégie, la gauche ne risque-t-elle pas de voir les classes populaires qui lui étaient acquises se tourner définitivement vers les extrêmes ?
Maxime Tandonnet : Une gauche qui renie la classe ouvrière et le peuple n’a plus rien à voir avec la gauche et n’utilise ce mot que par snobisme ou réflexe de Pavlov. Les milieux populaires ne sont pas attirés naturellement vers les extrêmes, ils voteront pour ceux qui sauront leur apporter des réponses crédibles au désastre du chômage de masse, à l’insécurité, aux problèmes de logement, d’éducation, et leur rendre la fierté d’être Français.
Eric Fassin : Les minorités plutôt que les ouvriers, selon le vœu de Terra Nova : c’est aussi absurde que l’inverse, préconisé par la Gauche populaire… Le problème n’est pas seulement politique (comment la gauche pourrait-elle renoncer aux classes populaires ?), mais d’abord et surtout sociologique : les minorités appartiennent pour une bonne part aux classes populaires ! L’opposition serait-elle donc au sein des classes populaires, entre Blancs et non-Blancs ?
Le Front national a intérêt à ce jeu ; pour la droite, c’est dangereux ; mais pour la gauche, ce serait suicidaire. Il lui faut au contraire trouver des langages politiques qui permettent de réconcilier les deux fractions du « peuple » (blanche et non-blanche), au lieu des les opposer, pour tenter ensuite une alliance des classes populaires et moyennes.
Mehdi Thomas Allal : Il faut impérativement replacer cette analyse dans son contexte : le constat énoncé par le Think Tank Terra Nova visait avant tout à faire remarquer que la classe ouvrière n’avait pas disparu, mais s’était recomposée, notamment dans un contexte urbain. Après tout, pourquoi dénoncer la précarité, sans prendre en compte ceux qui en souffrent le plus, à savoir les femmes à temps partiel, les personnes discriminées à l’embauche en raison de leurs origines ou les jeunes non diplômés. Les catégories populaires ont été érigées en machine à exclure, aussi bien parmi les cercles de droite que dans les cercles de gauche. Ce chantage à la démocratie, sous prétexte qu’elles risqueraient de rejoindre les extrêmes, du fait notamment d’un racisme « anti-blanc », est intolérable.
Dans les quartiers Politique de la ville, les solidarités de classe sont bien plus vivaces qu’on veut le laisser croire. Le vote populiste doit être combattu sur le plan économique et social, mais également sur le plan des valeurs. Il faut sans cesse rappeler que les mouvements d’extrême-droite en France et ailleurs n’ont pas rompu avec les dérives fascistes et xénophobes lorsqu’ils étaient au pouvoir.
L'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy Patrick Buisson affirme que la stratégie payante pour la droite serait de se tourner vers la "France des invisibles, celle des espaces ruraux et périurbains". Est-ce la direction que la droite doit adopter ?
Maxime Tandonnet : Je ne comprends pas cette image. Nous sommes tous ou presque des « invisibles ». Et puis pourquoi opposer les milieux ruraux et péri-urbains aux populations des villes ? Non, un responsable politique doit forcément s’adresser à tous les Français et non à des catégories particulières.
Eric Fassin : C’est aussi ce que certains, comme le géographe Christophe Guilluy, tentaient de vendre à la gauche… Mais encore une fois, n’est-ce pas une manière euphémisée d’appeler à choisir les « Petits Blancs » contre les minorités visibles ? Or sur ce terrain, la droite se retrouve en concurrence directe avec le Front national. La seule solution, ce serait alors l’alliance avec lui.
Pour l’éviter, la droite pourrait jouer, elle aussi, d’une politique de classe : tenter l’alliance entre classes supérieures et classe moyenne. A moins que sa politique économique ne rende impossible une telle alliance sans en passer par le jeu racial ?
Mehdi Thomas Allal : Les espaces péri-urbains et ruraux ont été analysés par les spécialistes comme des territoires particulièrement propices au vote en faveur du Front national. Dont acte. Mais cette « France des invisibles » est-elle si éloignée de nos banlieues, comme on semble vouloir les opposer. D’ailleurs, sur le plan politique et administratif, ces territoires sont actuellement appréhendés sous l’égide d’un seul Ministère, à égalité de traitement. Comme il est dangereux de diviser les Français selon leurs origines ethniques ou sociales, il est dangereux de distinguer les Français selon leurs origines géographiques.
Les collectivités territoriales disposent de leviers formidables pour intégrer les minorités et lutter dans le même temps contre l’exclusion. Or, elles ont été négligées par les partis conservateurs dans leur quête du pouvoir au niveau national. Les conditions de la cohésion nationale et sociale ne se décrètent pas, elles se construisent au quotidien, dans un esprit de respect des différences, mais également d’encouragement des valeurs patriotiques.
18 novembre 2012,,  Jean-Benoît Raynaud et Ann-Laure Bourgeois
Source : Atlantico

En janvier 2013, Rachid Benzine publie aux éditions Seuil son troisième livre : Le Coran expliqué aux jeunes. Un livre qui tente de « découvrir comment le Coran est devenu, en surgissant dans l’histoire, une source d’inspiration spirituelle et de transformation sociale ». En retraçant l’histoire de la révélation du Coran, en la replaçant dans son contexte, il tente d’expliquer le passage d’une prédication orale à un livre sacré adopté par le monde musulman. Le tout en tentant de relever les points communs avec la bible et en énumérant les principaux enseignements du livre sacré qu’il est.

Un livre destiné aux jeunes confrontés à des interrogations multiples, portées principalement par les occidentaux, mais aussi par les musulmans. Un public pour lequel le livre représente une tentative, claire, didactique et méthodique de lever le voile sur le Coran.

 Chercheur et enseignant à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, Rachid Benzine se focalise sur l’herméneutique coranique contemporaine. Ses recherches portent aussi sur les textes fondateurs des grandes religions.

15/11/2012

Source : CCME

Dans le cadre de la saison culturelle France-Maroc 2012, l’Institut français de Tanger organise jusqu’au 29 novembre, le mois du film documentaire à la Cinémathèque de Tanger.

Trois documentaires seront projetés dans le cadre de cette manifestation cinématographique. Il s’agit de «Tinghir-Jérusalem : les Echos du Mellah » de Kamal Hachkar, «My Land» de Nabil Ayouch et «Pour une nouvelle Séville» de Kathy Wazana. Des films qui mèneront le public à la croisée des cultures, au cœur de la mémoire de peuples aux histoires et destins mêlés.

A cette même occasion, «nous vous ferons découvrir une série de courts-métrages documentaires réalisés par les étudiants de l’Ecole supérieur des arts visuels de Marrakech portant sur la femme et la féminité et qui ont bénéficié du soutien de l’Institut français du Maroc», soulignent les organisateurs.

Après la projection le week-end dernier du film «Tinghir-Jérusalem : les Echos du Mellah de Kamal Hachkar» (2012 – 80’), la Cinémathèque de Tanger projettera, jeudi 15 et 22 à 19h30, respectivement «My Land» de Nabil Ayouch (2011 – 80’) et  «Pour une nouvelle Séville» de Kathy Wazana (2011 – 70’).

A travers le film “My land”, le cinéaste marocain donne la parole à de vieux réfugiés palestiniens qui ont fui en 1948 sans jamais retourner sur leur terre, et qui vivent dans des camps au Liban depuis plus de 60 ans. « Cette parole est entendue par de jeunes Israéliens de 20 ans qui construisent leur pays, se sentent viscéralement attachés à leur terre. Entre ces deux mémoires, il y a une réalité. La réalité de deux peuples qui se battent pour la même terre. Il en ressort un dialogue à distance qui met en perspective ce conflit sous un angle avant tout humain », suggère le synopsis.
L’exode contemporain et  l’impact qu’il a eu sur ceux qui sont partis est le sujet repris par le second long métrage programmé  « Pour une nouvelle Séville », film réalisé par Kathy Wazana,  est l’histoire d’un exode et l’influence sur ceux qui sont restés et la terre ancestrale qu’ils ont abandonnée. Ce long-métrage documentaire est en même temps une enquête historique et un film d’essai portant sur l’identité de Juif-Arabe, cette double identité qui dérange tant la notion, fort problématique, de l’ennemi».

Par la même occasion, la Cinémathèque de Tanger abritera un atelier documentaire, ouvert aux élèves de l’Ecole supérieure des arts visuels de Marrakech. «Cet atelier leur permettra de réaliser des courts-métrages documentaires sur le thème des femmes et de la féminité», précise-t-on.

Il convient de noter que tous ces longs métrages seront projetés tout au long du mois dans l’ensemble des Instituts français du Royaume en présence des cinéastes Nabil Ayouch et Kamal Hachkar.

15 Novembre 2012, Amine Raad

Source : Libération

La plupart des hommes des partis que j'ai rencontrés, du PPS, du RNI, du PAM,du MP ou du PI, ont suscité mon étonnement car iI y a avait dans les yeux des différents interlocuteurs que j'avais rencontrés un intérêt, un étonnement et quelque part un certain soulagement. Je crois qu'ils se rendent compte que le Maroc a une image erronée de sa diaspora qui correspond plutôt à celle de la première génération, alors que j'étais venu leur présenter les 2ème et 3ème générations de cette diaspora…Suite

 

Un parti suédois opposé à l'immigration et de plus en plus populaire a subi un revers mercredi lorsque l'un de ses plus hauts responsables a démissionné après la diffusion d'une vidéo où il tient des propos choquants à l'égard des immigrés.
Le film, qui date de 2010, a été diffusé sur le site internet du journal Expressen et montre Erik Almqvist, membre du parti des Démocrates suédois (SD), employer des termes insultants pour désigner les immigrés venant d'Afrique, de Turquie et du Moyen-Orient.

Le chef du parti SD, Jimme Akesson, qui s'est battu pour rendre le parti politiquement acceptable aux yeux des électeurs, a indiqué qu'Erik Almqvist avait quitté ses responsabilités au sein du parti et qu'on lui avait également demandé de songer à démissionner de son siège au Parlement.

14 novembre 2012

Source : Reuters

Le nombre d'électeurs d'origine hispanique va doubler d'ici 2030 aux Etats-Unis pour atteindre 40 millions confortant ainsi le poids de cette minorité dans les futures élections américaines, selon une étude de l'institut Pew Hispanic divulguée mercredi.

Plus de la moitié des 24 millions d'Hispaniques - un record - ont voté lors de la dernière présidentielle du 6 novembre. Ils représentaient 10% des bulletins de vote déposés dans les urnes, selon ce rapport basé sur un sondage réalisé à la sortie des isoloirs.

A ce jour, environ 17% de la population des Etats-Unis est d'origine hispanique, ce qui représente 52 millions de personnes.
"Cette portion de l'électorat augmente rapidement pour diverses raisons, la principale étant que les Hispaniques sont le groupe ethnique le plus jeune de la nation", affirme le rapport.

Environ 17,6 millions d'Hispaniques sont âgés de moins de 18 ans et 93% d'entre eux sont nés dans le pays: ils auront donc le droit de voter lorsqu'ils auront atteint l'âge légal.

En outre, 5,4 millions d'Hispaniques résident légalement aux Etats-Unis mais ne peuvent pas voter car ils n'ont pas acquis la nationalité américaine, en plus des millions d'immigrés clandestins. La situation de ces gens pourrait évoluer si une réforme des lois sur l'immigration se confirmait, ajoute aussi le rapport.

L'institut Pew Hispanic estime ainsi que d'ici 2030 il y aura 40 millions d'électeurs hispaniques, soit environ 16% d'un corps électoral de 256 millions de personnes.

"Si la participation des Hispaniques, relativement basse, augmente au même niveau que celle des autres groupes ethniques et que le nombre de nationalisations s'accroît, le nombre d'électeurs hispaniques devrait doubler d'ici 20 ans", conclut Pew Hispanic.

Les Etats-Unis ont régularisé la situation de plus de 15,5 millions d'immigrants en 2011, mais les Hispaniques ont, en proportion, moins obtenu la nationalité américaine que d'autres groupes ethniques, comme les Asiatiques.

14 nov. 2012

Source : AFP

Le ministre de la Justice et des libertés, Mustapha Ramid a considéré qu'une meilleure protection des droits de l'enfant marocain exige de ne pas accorder la Kafala d'enfants abandonnés aux demandeurs étrangers s'ils ne résident pas régulièrement sur le territoire marocain.

S'exprimant mercredi devant la Commission de la justice, de la législation et des droits de l'Homme, lors de la discussion du budget sectoriel du ministère au titre de l'exercice 2013, M. Ramid a évoqué à ce propos les conditions requises pour toute demande de Kafala telles qu'énoncées dans l'article 9 de la loi 15.01 relatif à la prise en charge des enfants abandonnés, particulièrement en matière de capacité morale et sociale du demandeur.

D'autres considérations sont tenues en compte, dont la capacité du juge des tutelles à suivre la situation de l'enfant et s'assurer que le Kafil honore bien les engagements qui lui incombent, a ajouté le ministre, relevant qu'un tel suivi est quasiment impossible lorsque celui-ci réside en dehors du territoire national.

Dans ce même ordre d'idée, le juge est habilité aux termes de la loi à annuler le droit de kafala en cas de manquement aux obligations ou de désistement, ou bien si l'intérêt supérieur de l'enfant l'exige, a-t-il ajouté.

La désignation de la personne en charge des affaires de l'enfant makfoul n'exonère pas le premier du contrôle permanent exercé par le juge tel que stipulé dans le Code de la famille, mesure qui s'avère inapplicable en cas de résidence du kafil à l'étranger. A cet égard, il a cité l'article 30 de la loi 15.01 selon lequel les dispositions du code pénal relatives à la protection de l'enfant pris en charge sont appliquées en cas d'acte délictuel ou criminel à son encontre.
Dans ce cadre, M. Ramid a rappelé qu'une note a été rendue publique le 19 septembre dernier exhortant les procureurs généraux du Roi près les cours d'appel et les procureurs du Roi près les tribunaux de première instance, à s'assurer, par le biais de l'investigation, que l'étranger demandeur de kafala réside régulièrement sur le territoire national et à présenter aux juges des tutelles des requêtes les invitant à ne pas l'accorder aux étrangers ne résidant pas de manière régulière dans le Royaume.

14 nov. 2012

Source : MAP

La 4éme édition du programme de formation professionnelle et artisanale au Maroc au profit des jeunes marocains résident à l'étranger en situation difficile pour l'année 2012-2013 a été lancée, mercredi à Rabat, en vertu de la convention tripartite signée entre le ministère des Marocains Résidents à l'Etranger, le ministère de l'Artisanat et l'Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPTT).

Cette formation va de pair avec les orientations royales énoncées dans le discours de SM le Roi Mohammed VI du 20 août 2012, a souligné le ministre délégué auprès du Chef de gouvernement chargé des Marocains Résidant à l'étranger, Abdellatif Mâzouz. "Elle repose sur trois piliers à savoir : la solidarité puisque les jeunes sont totalement pris en charge par le gouvernement marocain, l'insertion professionnelle dans leurs pays d'accueil et la préservation de leur identité marocaine puisque la durée de formation varie entre 6 et 18 mois", a expliqué M. Mâzouz dans une déclaration à la MAP.

L'édition de cette année bénéficiera à 54 jeunes issus de cinq pays d'accueil différents : Algérie, Tunisie, Libye, Sénégal et Gabon.

Les domaines de formation choisis sont l'électronique, les métiers de l'hôtellerie, les métiers de la construction et du bâtiment, le froid et la climatisation, la plomberie et l'électricité, la couture, la broderie et la décoration sur plâtre.

Les bénéficiaires poursuivront leur formation dans les centres de formation professionnelle d'Agadir, de Marrakech, d'Oujda et de Ben Ahmed, ainsi qu'au complexe intégré de formation et de commercialisation des produits de l'artisanat local et de l'orientation touristique de Marrakech.

"Cette formation est très demandée et nous sommes en train d'étudier les moyens permettant d'augmenter le nombre des bénéficiaires et d'élargir cette expérience à d'autres jeunes résidents dans d'autres pays d'accueil, notamment des pays européens", a ajouté le ministre.

Des bourses mensuelles sont allouées aux jeunes bénéficiaires et des diplômes leur seront délivrés à la fin de la formation.

14 nov. 2012

Source : MAP

La publication mardi de la prochaine une de "L’Express", sur le coût de l’immigration, a suscité un flot de réactions sur Internet, y compris au sein de la rédaction du magazine.

Mardi, comme à son habitude, le directeur de la rédaction de L’Express Christophe Barbier a posté sur son compte twitter la une de l’hebdomadaire à paraître jeudi.

En titre principal, on lit Le vrai coût de l’immigration, avec en arrière-plan, une photo d’une femme voilée entrant dans une Caisse d’allocations familiales. Sur son tweet, Christophe Barbier précise la conclusion principale du dossier : "Les immigrés sont un atout économique et ne creusent pas les déficits sociaux".

Pourtant, immédiatement, les réactions pleuvent. Ainsi, Alexandre Léchenet, journaliste au Monde.fr s'interroge sur Twitter : "Mais pourquoi faire une Une qui dit l’inverse ?" Sened, internaute, renchérit: "Pourquoi, alors, titrer "le vrai coût" et pas "Les bénéfices" ou "ce que rapporte" ?", etc.

Réunion interne jeudi sur "la politique de une"

Le malaise n’est pas simplement sur la toile. Dans la rédaction, "les gens ont été surpris au minimum", explique à BFMTV.com Eric Mettout, directeur adjoint de la rédaction. "Certains ont été plus ou moins affectés car la une peut être perçue de manière assez différente du contenu du dossier".

Dans son édito quotidien, Christophe Barbier a justifié sa position. Mais à la demande de l’association de la Société des journalistes de L’Express, une réunion interne doit se tenir jeudi matin "pour que le débat puisse s’engager au sein de la rédaction entre les journalistes et Christophe Barbier sur sa politique de une", confie également Philippe Bidalon, président de la SDJ.

"Barbier ne s'est pas caché pour faire cette une"

Alors Christophe Barbier a-t-il pris seul la décision de faire une telle une ? Sur Twitter, plusieurs internautes ont été déconcertés par le message posté par Eric Mettout, sur son compte personnel. Il indiquait avoir "découvert la une en même temps" que tout le monde. "C’est de l’ironie", tweetait mardi soir le chroniqueur web du Grand Journal,

Vincent Glad.

Pourtant, le directeur adjoint l'a bien découvert après sa validation, "comme c’est très souvent le cas", nous explique-t-il. "La une est le travail de Christophe Barbier, c’est lui qui en a la responsabilité et assure le "final cut". Il ne s’est pas du tout caché pour faire cette une, tout s'est déroulé comme d'habitude. Moi, mon travail se fait essentiellement sur le web…", explique Eric Mettout.

Ce dernier reconnaît que cette couverture peut prêter à confusion. "Il y a une ambiguïté. Le dossier parle du rapport de l’immigration aux prestations sociales. Là, où je suis très fier, c’est que notre enquête apporte une réponse claire, qui va à contre-courant de la pensée générale : non, l’immigration ne creuse pas les déficits sociaux."

Selon lui, "une couverture est un outil marketing. Elle pose des questions mais n’y répond pas. C’est le contenu du magazine qui apporte les réponses. Quand je lis sur Twitter des dérapages incroyables de certains internautes comparant L’Express à Minute (hebdo d’extrême droite, ndlr), je suis outré. Minute n’aurait pas titré sur Le vrai coût de l’immigration, mais aurait mis quelque chose comme Les immigrés nous coûtent du pognon, dehors !

14/11/2012, Alexandra Gonzalez

Source : BFMTV

Lundi 12 novembre, quelques centaines de migrants subsahariens ont une nouvelle fois pris d’assaut l’enclave européenne de Melilla, au nord du Maroc. Quelques jours auparavant, le festival "Cinéma et droits humains" présentait au public parisien "Ceuta, douce prison", un documentaire racontant le quotidien de milliers de migrants à Ceuta, l'autre enclave espagnole du royaume chérifien située à quelques centaines de kilomètres à l'est de Melilla. Entre un "paradis" fantasmé et un "enfer" qu’ils ont fui, ils y attendent, face à la mer, dans un immobilisme et une errance de chaque instant qui durent parfois plusieurs années.  

Ils sont camerounais, somaliens, indiens. Ils ont tous choisi l'Europe et le chemin de Ceuta, morceau d’Espagne enclavé dans le Maroc, pour tenter de franchir les portes d’un paradis rêvé, de l’autre côté de la Méditerranée. Nombreux sont ceux qui périssent en route, dans le Sahara, ou encore noyés dans le naufrage d'une embarcation de fortune. Mais beaucoup ont réussi aussi, comme le millier d'entre eux qui sont désormais à Ceuta.

Jonathan Millet et Loïc Rechi, réalisateurs du documentaire Ceuta, douce prison sont allés à la rencontre de cinq d'entre eux et ont partagé leur quotidien. Sept semaines d’immersion, d'août à septembre 2012, et un parti-pris : filmer exclusivement le quotidien, sans voix-off ni point de vue extérieur (ONG, politique, etc.), comme pour ne pas contaminer l’authentique.

"Ils sont là depuis trois, quatre ans…"

Le résultat est déroutant. Avec Ceuta, douce prison on on est plongé dans un immobilisme dérangeant. « On a tenté de faire passer le ressenti des migrants », explique Loïc Rechi, « pas d’expliquer les tenants et les aboutissants ». Le spectateur erre, aux côtés de Simon, JB, Guy, Nur ou Iqbal, souvent filmés de dos, à la recherche du moindre centime, de la moindre nourriture et, surtout, du moindre espoir.

Face à la mer, à quelques kilomètres de l’Espagne, la caméra des deux Français immortalise un temps qui s’est déjà arrêté pour ce millier de migrants, provisoirement, pour les chanceux, un peu moins, pour la majorité. « Il y a des centaines d’entre eux qui n’ont plus la force de chercher à travailler, qui n’ont plus la foi », avoue Jonathan. « Beaucoup sont Congolais, ils sont là depuis trois, quatre ans… »

"Ceux qui sont restés derrière"

Ces désespérés, Loïc et Jonathan ont préféré ne pas les mentionner dans leur documentaire, privilégiant les scènes de vie. La marche, les coups de téléphone au pays, à la famille, les allers-retours quotidiens entre la plage et le centre de rétention d’où ils sortent chaque jour.

Un quotidien monotone que Simon a vécu. Il est aujourd’hui à Paris, peut-être au bout du voyage. Les larmes aux yeux, quand il évoque son parcours dans une salle de cinéma de la capitale*, il pense à ces camarades « restés derrière » lui, en souhaitant que le documentaire change leur situation. Ceuta, douce prison est au fond un film d’espoir. L’espoir que, pour ces migrants en attente, le voyage puisse enfin reprendre.

*Le documentaire Ceuta, douce prison a été projeté en avant-première le 8 novembre au cinéma Saint-André-des-Arts à Paris, à l’occasion du festival Cinéma et droits humains, organisé par Amnesty International, en présence de l’équipe du film et de Simon, l’un des migrants apparaissant dans le film.

14/11/2012, Mathieu Olivier

Source : Jeune Afrique

L'Etat, par le biais de la DDCS (direction départementale de la cohésion sociale), et le CIDFF (centre d'information sur les droits des femmes et des familles) de l'Eure, a décidé de publier une nouvelle version du guide pour les femmes issues de l'immigration.

Prendre connaissance de ses droits et devoirs

Amélioré, il renseigne des personnes souvent perdues, car confrontées aux barrières culturelles et linguistiques. Le lancement avait lieu au siège de la Cape (communauté d'agglomération des portes de l'Eure), à Douains.
Originalité de l'ouvrage, il propose des indications dans les six langues les plus répandues parmi la population des migrants -anglais, arabe, russe, turc, espagnol et portugais. Une composante qui ravit le milieu associatif. « Cet outil permet de mieux orienter les femmes et de le faire dans leur langue, ce qui est primordial », soulignent les membres de l'association La Passagère.

Créé en mai 2012, le petit guide, d'une vingtaine de pages, compte déjà deux versions en moins d'un an. « Il s'est vite révélé très utile, indique Claudine Couvrat, présidente du CIDFF de l'Eure. Nous avons décidé de perfectionner certains aspects, comme la traduction, afin de le rendre encore plus simple et efficace. »

Les femmes en possession du prospectus peuvent donc prendre connaissance par elles-mêmes de leurs droits et devoirs sur le territoire français. À travers différentes rubriques, on détaille certains principes régissant le couple, la famille et la société. Le détail des pratiques interdites, comme les violences, les mutilations sexuelles et la polygamie, sont des initiatives notables, tout comme l'affirmation du droit à l'IVG (interruption volontaire de grossesse) ou à la contraception. Elles permettent à plusieurs de ces femmes de s'affranchir de certains sévices subis, consciemment ou non, et de ne pas s'enfermer dans des situations qu'elles ne souhaitent pas vivre. En bref, de s'émanciper.
En parallèle, les lectrices ont sous leurs yeux des informations profitables à leur intégration. Accès aux soins, à l'emploi, au logement ou obtention d'un titre de séjour sont les principaux éléments détaillés.
De petit format et très riche en informations, il devrait faciliter l'orientation vers les différents acteurs locaux et représenter un premier pas vers l'amélioration des démarches et des conditions de vie des migrantes.

14 novembre 2012, Mathieu Normand

Source : Paris Normandie

La RATP a refusé des affiches du Collectif contre l'islamophobie en France. L'association n'exclut pas un recours.

C'est une interprétation artistique très libre du Serment du Jeu de paume du peintre David. Version 2012, la majorité des citoyens portent la barbe et la quasi-totalité des citoyennes sont voilées. On distingue bien, au centre, ce qui pourrait être un juif, affublé de péots (longues mèches de cheveux des juifs orthodoxes) et une caricature de prêtre, portant une ébauche de croix. Mais une seule femme noire, dans un coin sombre, et aucun Asiatique…

Quel message le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) a-t-il voulu faire passer avec cette campagne intitulée «Nous sommes la nation»? Quel type de Constitution ces citoyens-là se proposent-ils de rédiger? Malgré nos appels téléphoniques répétés depuis dimanche dernier, aucun membre du CCIF n'a trouvé le temps de répondre au Figaro.

«La version revisitée de ce tableau montre une foule de citoyennes et de citoyens se saisissant du drapeau, se réunissant pour le mieux-vivre ensemble, dans le respect des différences de chacun, pour une restauration des valeurs fondatrices de la République, précise toutefois le dossier de presse. Dans cette foule, les Français musulmans revendiquent leur pleine appartenance à la nation, la pleine compatibilité de leur citoyenneté et de leur pratique religieuse.»

Devant «l'explosion» des actes islamophobes, le Collectif a lancé début novembre «un mois de réflexion pour combattre les idées reçues». Affichage sur le périphérique parisien, spots sur des radios (Europe 1, Beur FM), tournée de conférences en France, la campagne utilise «des images fortes» pour «détruire les clichés». À la Fondation Open Society, créée par le milliardaire juif américain George Soros, qui a accordé 35 000 euros au CCIF pour «sensibiliser les Français» on affirme ne «pas avoir été consultés sur les visuels et les slogans». Responsable du projet «At home in Europe», Nazia Hussain trouve cependant que «l'image semble refléter la diversité ethnique de la société française».

Fin de non-recevoir

Mais après avoir vu ces affiches, à quelques jours seulement du démarrage de la campagne, la RATP a refusé de les placarder. «Médiatransport nous a imposé un refus au motif que l'identité de l'annonceur et les trois visuels revêtaient un caractère confessionnel et politique et contrevenait à la convention les liant à la RATP», a expliqué à l'AFP Lila Charef, responsable du service juridique du CCIF. Dans une longue lettre, le PDG de Metrobus, Gérard Unger, souligne que «dans le contexte actuel, que nous sommes tenus de prendre en considération, le slogan “Nous sommes la nation” et l'utilisation d'un emblème de la nation française qu'est le drapeau français relèvent du politique».

Une fin de non-recevoir jugée «surréaliste» par Marwan Muhammad, porte-parole du CCIF, qui regrette, sur le site Newsring, que le «simple affichage d'une campagne contre l'islamophobie soit appréhendée comme un acte politique et de prosélytisme religieux, alors que le collectif n'a aucune visée partisane». Pour le CCIF, ce refus s'inscrit «dans un contexte où le système médiatico-politique stigmatise les musulmans». Le collectif en veut pour preuve les récentes unes d'hebdomadaires comme L'Express ou Le Point, représentant des femmes voilées, qui n'ont eu aucun problème à se voir afficher dans les couloirs du métro. S'estimant «lésé» par le refus de Metrobus, il n'exclut pas un recours judiciaire.

14/11/2012, Stéphane Kovacs

Source : Le Figaro

Ils étaient 765.000 étudiants étrangers l’an passé outre-Atlantique. Un nouveau record lié essentiellement à un nombre plus importants de Chinois, Iraniens et Saoudiens.

Les échanges universitaires profitent également aux pays d’accueil. En 10 ans, le nombre d’étrangers venus étudier aux États-Unis a progressé de 32% et de 6% sur la seule année 2011/2012. Ainsi, selon une étude de l’Institut de l’Education Internationale (IIE) ,les États-Unis ont compté 765.000 étudiants étrangers l’an passé, un nouveau record.

L’étude précise que 70% des étudiants étrangers financent leurs études grâce à leurs ressources personnelles, celles de leurs parents ou des aides d’État. Au total, le ministère du Commerce a calculé que les étudiants étrangers avaient contribué l’an dernier à l’économie américaine pour 22,7 milliards de dollars, via les frais universitaires et les dépenses annexes. Les étudiants étrangers contribuent également aux avancées technologiques et scientifiques des États-Unis et favorisent les liens économiques et commerciaux avec les pays d’origine des étudiants, précise l’Institut de l’Education Internationale.

Un étudiant étranger sur quatre est chinois

Les relations entre la Chine et les États-Unis devraient donc bénéficier de l’engouement des étudiants chinois pour les États-Unis. De fait, sur l’année 2011/2012, le nombre d’étudiants de l’empire du Milieu outre-Atlantique a progressé de 23%. Plus d’un quart des étudiants étrangers aux Etats-Unis sont chinois et étudient surtout le commerce et les sciences techniques, selon l’organisation. L’Inde et la Corée du Sud viennent ensuite, malgré un nombre en baisse, alors que la part d’étudiants venus d’Arabie saoudite et d’Iran a fortement progressé, respectivement de 50 et 25%.

Autant d’argument qui pourraient inciter les Etats-Unis à accueillir davantage d’étudiants étrangers. Car si le pays est celui qui accueille le plus d’étudiants étrangers, ces derniers ne représentent que 4% du nombre total des inscriptions. Le deuxième pays d’accueil, la Grande-Bretagne, et l’Australie, comptent dans leurs rangs universitaires à peu près 20% d’étudiants étrangers.

14/11/2012, Mathilde Golla

Source : Le Figaro

Dans les pas de François Mitterrand, François Hollande a promis d’accorder le droit de vote à tous les étrangers aux élections municipales

Un bénévole du collectif « Votation citoyenne » pose près d'une urne lors d'un référendum organisé par ce même collectif

C’était en 1981 l’une des 110 propositions de François Mitterrand, premier président de gauche élu au suffrage universel direct. Plus précisément, la 80e, prévoyant déjà d’accorder le « droit de vote aux élections municipales après cinq ans de présence sur le territoire français ». Depuis, la gauche a été au pouvoir entre 1981 et 1986, 1988 et 1993 puis 1997 et 2002 sans que jamais cet engagement ne se concrétise.

« J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans », a encore promis cette année François Hollande, deuxième président de gauche élu au suffrage universel direct. Pourtant, lors de sa conférence de presse du mardi 13 novembre 2012, le chef de l’État a encore une fois reporté cette promesse.

Quoi qu’il en soit, le député PS Jean-Christophe Cambadélis a revendiqué, mercredi 14 novembre, « plus de 50 000 signatures » pour la pétition qu’il a lancée en faveur du « droit de vote pour tous ». Deux raisons expliquent la difficulté à mettre en œuvre ce changement.

Un référendum délicat

Accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections municipales nécessiterait de modifier la Constitution, qui stipule actuellement que sont électeurs « les nationaux français majeurs des deux sexes ». Depuis la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht, par exception, le droit de vote a toutefois été « accordé aux seuls citoyens de l’Union européenne résidant en France », sous réserve de réciprocité, pour les élections municipales et pour les élections européennes.

La procédure normale de révision constitutionnelle prévoit l’organisation d’un référendum. Or, depuis l’émergence du Front national au milieu des années 1980, François Mitterrand n’a jamais pris le risque politique d’une telle consultation populaire. « Aujourd’hui, ce n’est pas mon intention », a à son tour écarté François Hollande, sans l’exclure totalement d’ici à 2017.

Pas de majorité au Congrès

Le président de la République peut toutefois décider ne pas organiser de référendum mais de soumettre la révision constitutionnelle au Parlement convoqué en Congrès. Dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, c’est-à-dire 555 parlementaires sur 925. Or, la gauche ne dispose aujourd’hui que de 177 sièges au Sénat et de 344 à l’Assemblée nationale, soit 521 parlementaires au total.

Une majorité pour réviser la Constitution n’est donc possible que si une partie de la droite vote pour ou s’abstient. François Hollande a d’ailleurs indiqué qu’il « ne désespère pas » de pouvoir compter sur des députés ou des sénateurs « classés au centre ou à droite ».

« J’ai dit au gouvernement, aux responsables de groupes parlementaires de travailler pour constituer cette majorité, a-t-il insisté. Quand cette majorité sera constituée, le texte sera présenté. Mais pas avant.» Reste à savoir avec qui, car ce sont deux conceptions de la citoyenneté qui s’opposent, sans complètement recouvrir la séparation entre la droite et la gauche.

Citoyenneté et nationalité

Le discours dominant à gauche vise à permettre à tous ceux qui vivent et participent à la vie économique et sociale d’un territoire de participer aussi à sa vie politique. Dans cette conception, la citoyenneté n’est plus liée à la nationalité, mais au lieu de résidence. Il s’agit donc d’une citoyenneté plurielle, divisible en citoyennetés locales, nationale et européenne. Cette idée cadre bien avec les États fédéraux mais s’accommode mal du modèle français de l’État unitaire, même si l’ouverture du droit de vote aux ressortissants de l’Union européenne a marqué en 1992 une première rupture.

En face, le discours dominant à droite demeure au contraire attaché à la tradition française qui depuis 1795, veut qu’il y ait un lien indissoluble entre droit de vote et nationalité. Pour un étranger résidant en France, le seul moyen de participer à la vie politique est donc d’acquérir la nationalité française par naturalisation.

Enfin, plus récemment, à droite et à l’extrême droite, un nouvel argument, surfant sur la crainte d’une montée de l’islam politique, a surgi : l’éventuelle apparition de listes communautaristes, voire l’élection de maires communautaristes.

14/11/20121, STEPHANE DE SAKUTIN :LAURENT DE BOISSIEU

Source : La Croix/AFP

Le président des Etats-Unis Barack Obama a dit mercredi espérer la présentation au Congrès d'un projet de loi sur la réforme du système d'immigration peu après sa seconde investiture fin janvier.

Je m'attends à ce qu'un projet de loi soit introduit et que nous entamions le processus au Congrès, très vite après mon investiture prévue le 20 janvier, a précisé M. Obama, interrogé sur ce dossier de l'immigration lors de sa première conférence de presse depuis sa réélection le 6 novembre.

Le président a évoqué certaines conversations qui commencent à prendre forme entre sénateurs, représentants au Congrès et mon équipe sur ce sujet, et a rappelé sa conception d'une réforme complète de l'immigration.

Une telle réforme, poussée par M. Obama fin 2010, avait échoué au Congrès à cause de l'opposition des républicains.
Mais certains élus conservateurs ont laissé entendre qu'ils seraient plus flexibles à ce sujet depuis que les élections du 6 novembre ont montré que les électeurs d'origine hispanique, la minorité dont la croissance est la plus rapide aux Etats-Unis, avaient voté en masse pour les démocrates.

14 novembre 2012

Source : AFP

M. Driss El Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, M. Abdellah Boussouf, secrétaire général, l’ensemble des membres et de l’équipe administrative du CCME, vous adressent leurs meilleurs vœux à l’occasion du nouvel an 1434 de l'Hégire

 

Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a exprimé mardi sa profonde préoccupation face aux récentes tragédies navales survenues ces deux dernières semaines dans le golfe du Bengale, dans lesquelles deux bateaux ont chaviré, faisant des dizaines de disparus, a indiqué mardi le porte-parole onusien Martin Nesirky.

Selon le HCR, des rapports ont fait état de deux bateaux ayant coulé dans le golfe du Bengale, avec environ 240 personnes à bord, parmi lesquelles se trouvaient des Rohingyas, un groupe musulman qui a fui l'Etat de Rakhine au Myanmar, à cause des affrontements interethniques.

Le HCR s'est déclaré dans un communiqué particulièrement préoccupé par les récentes tragédies navales dans le golfe du Bengale "qui ont fait plusieurs dizaines de disparus après que leurs bateaux aient chaviré".

"Des rapports indiquent qu'une quarantaine de personnes ont été secourues des deux bateaux, et que des corps ont été vus flottant sur l'eau", a indiqué M. Nesirky.

Le HCR a appelé le gouvernement birman à "prendre des mesures d'urgence pour traiter certaines des causes qui amènent les populations à prendre la mer, en particulier ceux étant exposés aux problèmes de citoyenneté et d'apatridie", a-t-il déclaré.

L'agence onusienne appelle également les gouvernements des pays voisins de la Birmanie à ouvrir leurs frontières à "ouvrir leurs frontières" aux membres de la minorité apatride des Rohingyas fuyant les violences dans l'ouest birman.

"Le HCR appelle les gouvernements de la région à garder leurs frontières ouvertes aux personnes venant de Birmanie cherchant l'asile et la protection internationale", a déclaré l'agence humanitaire onusienne dans un communiqué.

Plus de 110.000 personnes, principalement des Rohingyas, ont été déplacées par des affrontements interethniques qui ont fait au moins 180 morts depuis juin dans l'Etat Rakhine.

Les 800.000 Rohingyas confinés dans l'Etat Rakhine, privés de nationalité par l'ancienne junte birmane et considérés par l'ONU comme une des minorités les plus persécutées de la planète, sont vus par la plupart des Birmans comme des immigrés illégaux du Bangladesh, un ostracisme qui alimente un racisme quasi-unanime à leur encontre.

14 nov 2012,

Source : APS

Park Jeong-hun était heureuse au Japon. Cette Coréenne de la deuxième génération vit à Nagoya et s'entend parfaitement avec ses voisins. Mais aujourd'hui son visage trahit tristesse et inquiétude car il flotte comme un parfum de nationalisme sur les rivages de mer de Chine.

Depuis qu'elle a voulu monter avec quelques bénévoles un spectacle de danse traditionnelle coréenne, elle n'a cessé de recevoir des coups de téléphone anonymes lui "conseillant" fortement d'abandonner l'idée "en cette période sensible" entre les deux pays.
Le Japon et la Corée du Sud sont en effet à couteaux tirés depuis quelques mois à cause d'une petite île administrée par Séoul mais que Tokyo revendique. Et immanquablement ce différend sur l'île Dokdo (Takeshima pour les Japonais) a réveillé de vieilles haines recuites: l'occupation japonaise de la péninsule coréenne, les "femmes de réconfort" coréennes au service sexuel des soldats japonais, etc.

Tokyo est aussi en délicatesse avec la Chine, également pour une histoire d'îles. Il n'en a pas fallu plus pour faire remonter à la surface le passé militariste et impérial du Japon.

"Ma fille m'a dit que si on danse avec notre coeur, ils comprendront. Mais j'ai préféré annuler pour la sécurité des enfants", dit Park à l'AFP.

"Ils", ce sont les Japonais, poursuit Park, inquiète au point de ne pas donner son vrai nom. "Ils" lui ont dit qu'elle et les Coréens "n'avaient rien à faire ici, au Japon".

Traduction brutale, sur la porte d'un restaurant de Tokyo, le propriétaire a mis une petite pancarte: "pas de Chinois, pas de Coréens".
Selon des observateurs, le patriotisme bon teint de certains Japonais s'est insensiblement mué en un nationalisme plus agressif au point qu'aujourd'hui la droite japonaise, qui prépare son retour aux affaires, doit compter avec ce sentiment diffus.

Ce sont des ministres qui se rendent au sanctuaire de Yasukuni, symbole dans toute l'Asie du Japon fasciste. C'est le maire de Nagoya qui nie le sac et les massacres de Nankin par les troupes japonaises en 1937, c'est encore le flamboyant ex-gouverneur de Tokyo qui dit que jamais le Japon ne devrait s'excuser pour le passé, etc...

Bien qu'il n'existe pas de parti d'extrême droite proprement dit au Japon, à la différence de plusieurs pays européens, les autorités surveillent les mouvements de cette obédience. A la tête de l'Agence de la police nationale Takuji Norikane garde un oeil sur ces extrémistes potentiels.

Avant, explique-t-il, ils étaient facilement repérables: uniformes militaires et paramilitaires, défilés avec musique martiale à bord de camions noirs hérissés de drapeaux du Japon impérial, en vociférant des slogans relayés par une sono assourdissante.

Ce "folklore" nationaliste existe toujours mais beaucoup se sont fondus dans la masse, en partie grâce à l'internet. "Des groupes de civils qui partagent cette idéologie nationaliste et xénophobe sont actifs dans plusieurs régions du pays, et leur nombre ne cesse d'augmenter", affirme Norikane à l'AFP: environ 10.000 personnes contre 900 il y a dix ans.

Pour le journaliste Koichi Yasuda, ces "nationalistes de la toile" sont difficiles à repérer et sont "de même nature que les néo-nazis en Europe".

"Leurs forums sont pleins d'appels à chasser les immigrés", dit ce journaliste auteur d'un livre intitulé "Internet et patriotisme".

L'un de ces groupes, Zatokukai, utilise le net pour organiser des manifestations où les gens déversent leur haine sur les "cafards", les immigrants.

Cela a de quoi étonner quand on songe que le Japon est l'un des pays où l'immigration est la plus faible au monde: environ 1,7% de la population totale.

Mais le pays vieillit et traverse une crise économique aiguë propice à l'exaltation de la grandeur passée et au repli sur soi.

Avec près de 675.000 personnes, les Chinois constituent la plus grosse communauté étrangère, suivis des Coréens, environ 545.000 et dont beaucoup descendent des migrants et travailleurs forcés envoyés au Japon de 1910 à 1945 du temps de l'occupation nippone de la Corée.

Le nationaliste mâtiné de xénophobe serait donc parfois Monsieur Tout le monde, comme cet habitant de Nagoya en complet veston venu protester à la mairie contre le projet de spectacle de Park, et qu'on entend sur internet déverser un torrent d'insultes racistes.

A l'heure où le Japon vit des heures tendues avec ses voisins qui à la première occasion lui jettent son passé à la figure, ces militants d'un nouveau genre sont loin de faire l'unanimité au sein même des "rangs patriotes".

"Quand ils font du vacarme avec leurs slogans racistes ils ne font qu'alimenter le sentiment anti-japonais en Chine et en Corée", explique à l'AFP Daisuke Hariya, chef d'un petit groupe quasi militaire, le Toitsusensen Giyugun, qui prône l'"indépendance", en fait l'émancipation du Japon par rapport aux Etats-unis.

L'anti-américanisme: autre carburant du nationalisme radical attisé par certains milieux et politiciens, notamment l'ex-gouverneur de Tokyo Shintaro Ishihara. Ce dernier a réclamé dernièrement la refonte de la constitution rédigée et imposée par les Etats-Unis au Japon en 1947 et dont l'article 9 lui interdit de faire la guerre.

Il n'en faut pas plus à certains milieux japonais pour s'inquiéter du possible et probable retour à la tête du pays de Shinzo Abe, considéré comme un "faucon" qui veut lui aussi biffer l'"infamant" article 9.

14 nov 2012,

Source : AFP

A moins de deux kilomètres de la Grande Mosquée de La Mecque et de ses palaces, des bidonvilles s'étagent sur les collines entourant le premier lieu saint de l'islam, et leurs habitants craignent l'éviction dans le cadre de projets de modernisation.

Sur le mont Omar, immigrants légaux et illégaux coexistent avec les chats, les lézards et les moustiques, au milieu d'amoncellements de détritus.

Des enfants et des vieillards en haillons circulent au milieu des égouts dans les ruelles qui serpentent le long de la colline escarpée, sur laquelle s'étagent des maisons misérables en brique.

La colline est divisée en quartiers, selon les nationalités des immigrants: il y a d'abord le quartier yéménite, puis celui des Africains, et tout au haut de la colline, celui des Birmans.

"Je suis arrivé ici du Yémen quand j'avais 15 ans. Je travaillais comme plombier, mais maintenant que je suis vieux et faible, je suis devenu concierge", dit Abou Ali, 58 ans.

Jusqu'en 1991, les Yéménites n'avaient pas besoin de visa pour venir en Arabie saoudite à la recherche de conditions de vie meilleures que dans leur pays, le plus pauvre de la Péninsule arabique.

D'ailleurs, Abou Ali est convaincu que malgré ses conditions de vie épouvantables, "je vis beaucoup mieux ici qu'au Yémen".

Un peu plus haut sur la colline, Mohammad Saleh, 24 ans, est assis sur une marche usée avec ses amis.

"Je n'ai pas pu poursuivre mes études à la suite de la maladie de mon père, atteint d'un cancer", dit ce Yéménite qui est né sur le Mont Omar.

Désormais sans emploi, ce jeune homme affirme lui aussi être "heureux" malgré tout dans ce quartier où il a passé toute sa vie. "Tant que je suis dans les montagnes, je suis bien", dit-il.

Selon lui, "les crimes et les vols sont plus fréquents lorsque vous montez plus haut dans la montagne. Ici, nous n'avons pas de tels problèmes".

Les habitants du Mont Omar, qui y habitent depuis 40 ou 50 ans pour certains, n'ont qu'une hantise: que les autorités saoudiennes démolissent tout le quartier dans le cadre de travaux de modernisation.

"Je paye un loyer mensuel de mille riyals (267 dollars). Si je perds ma maison, je ne pourrai rien trouver à moins du double", dit Abou Ali. "Cela représenterait tout mon salaire", ajoute-t-il.

Le maire de La Mecque, Osama Albar, a affirmé que le projet de développement de cette zone devrait coûter environ trois milliards de dollars et se dérouler en plusieurs phases.

Les habitants du Mont Omar auront le choix entre revendre leurs propriétés au gouvernement, ou devenir actionnaires du nouveau projet.

Les locataires seront aidés à trouver des appartements à des prix similaires à ce qu'ils payent sur le Mont Omar.

Les autorités mènent déjà depuis des années des travaux d'agrandissement autour de la Grande Mosquée pour tenter de loger le nombre croissant de pèlerins chaque année, et les vieilles maisons en brique cèdent la place à des gratte-ciel.

Quelque 70 bidonvilles constituent environ le quart de la surface urbaine de la ville sainte, selon le site web de l'Autorité de développement de La Mecque.

Quant à la compagnie de développement du Mont Omar, elle annonce développer un projet comprenant des immeubles résidentiels, des tours et des centres commerciaux sur une surface de 230.000 mètres carrés.

Au pied de la colline, des Africaines, pour la plupart originaires du Nigéria, vendent sur des étals à même le sol de la nourriture, des habits et des tapis aux centaines de milliers de fidèles en pèlerinage à La Mecque.

"Nous vendons de tout", dit Shaza, 16 ans, venue avec une amie de sa mère. "Nous nous en sortons. Mais nous avons peur que nos maisons soient détruites".

Dans ce cas, "nous ne savons pas ce que nous ferons. Si nous pouvons, nous resterons ici. Et si nous n'avons pas le choix, nous rentrerons chez nous".

14 nov 2012, Lynne NAHHAS

Source : AFP

Né en 1966 à Verdun, normalien et agrégé d’histoire, Pierre Vermeren a enseigné pendant six ans au Lycée Descartes de Rabat. Sa thèse portant sur la formation des élites maghrébines a été distinguée par le prix Le Monde de la recherche universitaire 2001 et ses travaux de recherches portent sur le Maghreb contemporain.

Il a également vécu en Egypte et en Tunisie. Pierre Vermeren est aujourd’hui maître de conférences en histoire
du Maghreb contemporain à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et membre du Laboratoire centre d’études
des mondes africains (CEMAF).

Libé : Votre thèse portait sur la formation des « élites par l’enseignement supérieur au Maroc et en Tunisie 1920-2000 ». Est-ce que ces élites ont joué un rôle dans les changements dits du  «Printemps arabe », ou ce rôle est-il revenu à la génération de la crise issue de  «l’enseignement massifié et arabisé», comme vous l’avez appelé ?

Pierre Vermeren : La «génération de la crise», issue de l’enseignement massifié, a été en Tunisie le carburant de la révolution qui a conduit à la chute de Ben Ali, tyran illégitime. Cette même révolte a permis le retour sur le devant de la scène de deux autres composantes des sociétés arabes : la génération intellectuelle francophone de gauche sacrifiée (politiquement) dans les années soixante-dix, qui a dirigé politiquement et idéologiquement la révolte contre Ben Ali. Et la jeunesse élitiste et mondialisée qui a fait tomber le raïs égyptien. Mais comme ces deux forces idéologiques ont une faible base sociale, ce sont les couches populaires fonctionnarisées et étudiantes très imprégnées d’islamisme qui ont repris la main et gagné les élections. Pour autant, l’histoire n’est pas terminée.

Comment voyez- vous l’évolution dans chaque pays du Maghreb, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc ?

Elle ne sera évidemment pas la même d’un pays à l’autre. En Tunisie se déroule une bataille idéologique majeure pour le monde arabe et le Maghreb, qui oppose les couches moyennes et intellectuelles bilingues, favorables à une démocratie pluraliste, et les couches populaires paupérisées qui trouvent un débouché et des relais politiques auprès des organisations et des idéologues islamistes, essentiellement les Frères musulmans. Les futures élections et les prochaines années diront qui l’emportera, mais je crois qu’il n’y a à ce stade qu’en Tunisie que les choses sont aussi claires, équilibrées et indécises. En Algérie, la société civile, dans toutes ses composantes, est très sceptique sur l’Etat, sa gouvernance et ses élites sociales et politiques. Cela m’étonnerait que les dernières élections reflètent la réalité politique et idéologique du pays. Le retrait politique de la société est facilité par la redistribution des pétrodollars, mais les Algériens aiment la politique et ils finiront par faire entendre leur point de vue. Quant au Maroc, je pense qu’il existe un consensus au sein des élites pour maintenir les populations à l’écart des sphères de décision, afin d’éviter les violences et le chaos. L’expérience tunisienne nous a rappelé qu’aucune révolution ne peut réussir sans une collaboration et un intérêt partagé entre le peuple et une grande fraction de ses élites.

Quelle conséquence a sur la région, la réussite d’un «Frère musulman» dans l’élection présidentielle en Egypte. Voyez-vous une évolution à la turque, avec une armée qui surveille la vie démocratique, ou à l’iranienne avec des Mollahs qui prennent tous les pouvoirs, ou à l’algérienne, où les militaires ont repris le pouvoir, ce qui a entraîné une guerre civile et 200.000 morts sur dix ans?
J’aurais tendance à penser à une évolution à la turque, avec deux bémols : la laïcité institutionnelle en moins, et une armée encore plus directive. Les Frères musulmans vont participer aux affaires, mais ils ne dirigeront pas l’Etat, au moins au niveau régalien. Une évolution à l’iranienne est peu probable car il n’y a pas de clergé chez les sunnites. Quant à une évolution « à l’algérienne », elle n’est guère possible vu la configuration géographique et physique du pays. Il n’y a pas de place pour des maquis révolutionnaires en Egypte, où la population vit entassée dans sa vallée et son détroit. En revanche, le retour du terrorisme urbain ne peut être exclu.

Comment expliquez-vous que ce sont les mouvements politiques religieux du monde arabe qui récoltent les fruits du changement, alors que ces mouvements n’étaient pas en première ligne?

Depuis les années quatre-vingts, les islamistes ont récupéré idéologiquement l’échec de l’arabisme et des nationalismes arabes. Ils constituent partout la principale force politique et idéologique dans les sociétés, même quand ils ont été interdits et pourchassés comme en Tunisie. Cela ne veut pas dire qu’ils sont majoritaires, mais avec 30 ou 40% de la population, on gagne les élections et on dirige un pays. En Egypte, le président des Frères musulmans a été élu par un quart de l’électorat, et Ennahda a gagné dans la même proportion. La force des islamistes est qu’ils agissent comme une armée électorale disciplinée. S’il y a la désunion dans le camps «libéral», comme en Tunisie, les Frères remportent les élections. Mais les élections présidentielles  en Egypte et celles de l’assemblée en Libye ont montré que leur majorité est relative et fragile. Si les forces adverses s’unissent, elles sont puissantes : même le candidat de l’armée égyptienne ! Evidemment, avec la moitié des électeurs qui s’abstiennent, les jeux sont encore plus faussés.

Est-ce que le regard de la France sur ce qu’on appelle le Printemps arabe changera avec les socialistes au pouvoir ou est-ce que la même politique va continuer dans la région?

Franchement je ne sais pas, mais je ne le pense pas, car si la classe politique française s’étripe sur des questions de politique intérieure, elle est assez homogène dans son regard porté sur l’étranger. Cela tient au fait que la population française, qui est très mal informée sur la situation internationale, ne s’y intéresse pas beaucoup, et que, de ce fait, les élites françaises, qui sont formées dans les mêmes écoles et lisent les mêmes journaux, ont des vues assez identiques. En outre, la situation financière et économique est tellement dégradée en France et en Europe, que la politique méditerranéenne n’est pas une priorité. Cela dit, on sent clairement chez François Hollande et ses conseillers une volonté de se rapprocher de l’Algérie, qui est d’ailleurs le pays le moins affecté par le « Printemps arabe», car cela concerne l’histoire des rapports franco-algériens, beaucoup plus que la géopolitique contemporaine. Mais il n’est pas certain que les autorités de l’Algérie répondent aux avances françaises.

Ces mouvements, qui n’ont pas été des éléments déclencheurs des révolutions arabes, sont-ils en train de les récupérer, voire de les confisquer, je veux dire les changements dans ces pays ? Croyez toujours à cette tendance ?

Les islamistes, les Frères musulmans et les salafistes, ainsi que leurs parrains saoudiens et qataris, sont à court terme les grands gagnants des évènements de 2011. Ces deux pays ont intérêt à pousser les forces les plus rétrogrades à s’emparer des Etats sunnites, car ils pensent d’une part que c’est leur mission (divine), et surtout que cela évitera une contagion démocratique chez eux. La Péninsule arabique est devenue une citadelle assiégée par les aspirations au pluralisme politique que l’on observe au Yémen, en Turquie, en Iran, en Egypte, etc. C’est pour cela que la victoire des mouvements islamistes n’est pas assurée à long terme. En effet, le «Printemps arabe » a dévoilé les aspirations démocratiques de certaines classes sociales, et donc le ver est dans le fruit. D’autre part, les islamistes au pouvoir en ces temps de crise ne vont pas faire des miracles économiques, et ils risquent de ce fait de perdre bien des électeurs.

Que pensez-vous de l’inquiétude formulée de façon plus ou moins ouverte par les opinions publiques des pays occidentaux comme d’Israël, qui sont passées de l’euphorie au catastrophisme, de la sympathie à la méfiance vis-à-vis des révolutions arabes ? Est-ce que les Occidentaux et leur allié Israël voient ces changements avec appréhension?

La peur et la méfiance après l’espoir, c’est certain. Mais les choses n’ont pas du tout le même impact en Israël, en Europe et aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, l’objectif est double : préserver les relations avec l’Arabie Saoudite et ses satellites, et endiguer le djihadisme. Dans ce schéma, les évènements politiques en cours sont secondaires. Pour Israël à l’inverse, la question est vitale : si l’axe Damas-Téhéran est brisé, ce sera une bonne nouvelle, à condition que les Frères égyptiens ne remettent pas le feu au Sinaï et dans la Bande de Gaza. Quant à l’Europe occidentale et méditerranéenne, elle est un spectateur versatile : elle devrait aider la Tunisie qui a fait la révolution au nom de ses idéaux, mais elle reste très timide et compte sur le pétrole libyen pour aider ce pays. C’est un peu court, même s’il est vrai que l’intervention onusienne en Libye a indirectement sauvé la révolution tunisienne. Mais l’Europe en crise, avec plus de 20 millions de chômeurs, est effectivement frileuse et peu portée à l’optimisme.
Comment voyez-vous les relations franco-marocaines avec l’arrivée des socialistes ? Est-ce qu’elles vont se dégrader ou la même politique va continuer ?

Il est très probable que la même politique se poursuive. C’est d’ailleurs le cas depuis des décennies et les alternances n’ont jamais changé des choses. Il y a certes des majorités politiques, mais finalement, c’est la continuité de l’Etat qui prédomine.

Est-ce que la présence d’une grande communauté marocaine en France a de l’influence sur les relations entre les deux pays ?

Certainement, et de ce point de vue, les choses sont identiques avec l’Algérie et quelques autres pays. On constate par exemple que les Marocains de France contrôlent depuis quelques années le Conseil français du culte musulman, et que cela n’est pas anodin. De même, du point de vue des élites marocaines en France (ingénieurs, médecins, financiers, commerciaux), cela est déterminant sur les représentations, la connaissance mutuelle et les relations économiques. On sait très bien l’importance que le pouvoir marocain attache à ses relations avec le pouvoir hexagonal et ses diverses facettes, mais aussi avec les exécutifs locaux ou régionaux. Or dans ce jeu, les Marocains de France (actifs dans les associations, l’islam, le show-biz…) ont un rôle important. Ce sont des go-between.

L’Union pour la Méditerranée, est-ce que c’est fini, ou aura-t-on une coopération différente ? Est-ce que la France aujourd’hui a les moyens de mener cette politique toute seule ou a-t-elle besoin de l’appui de l’Union européenne ?

Je ne sais pas, mais j’observe que depuis l’éclatement de la crise économique, avec l’effondrement de Lehman Brothers en août 2008, les grands projets lancés au mois de juillet précédent sont au point mort. Il fallait des capitaux pour faire tourner l’UPM : connecter les réseaux électriques, dépolluer la Méditerranée, lancer des autoroutes de la mer, etc. Or tout est à l’arrêt : les pays du Nord sont saignés par la crise économique (Espagne, Grèce…) et les pays du Sud bouleversés par les révolutions, ou la guerre (Libye, Syrie…). Seule la Turquie a des moyens disponibles conséquents, mais elle profite du Printemps arabe pour se repositionner dans son ancien empire méditerranéen. Dans ces conditions, seuls les Allemands pourraient faire quelque chose, mais ils tentent de sauver l’euro et le système bancaire et financier européen, ce qui les occupe à plein temps. La France très endettée ne peut pas relancer seule l’UPM, et donc rien de grand ne se fera tant que l’Europe est dans une position économique aussi fragile.

14 Novembre 2012, Youssef Lahlali

Source : Libération

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