jeudi 28 novembre 2024 17:53

D'origine marocaine, le major de l'armée de terre néerlandaise Mostafa Hilali a été élu « Other Manager 2010 », prix donné aux managers multiculturels qui utilisent leur double culture comme une force positive. Interview…Suite

C'est l'histoire d'une paysanne de Settat qui rêvait d'un stylo, d'un cahier et d'un avenir. Aujourd'hui, à 60 ans, Milouda Chaqiq écume les scènes françaises de siam…Suite

Le porte-parole du PS Benoît Hamon a accusé lundi le président Nicolas Sarkozy de parier sur "la stratégie de la peur" en utilisant les thèmes de l'immigration et de l'islam, et de vouloir entrer en compétition avec le Front national en vue de la présidentielle.

"Il n'aura pas fallu trois minutes hier au président de la République pour qu'il nous dise, une nouvelle fois, que le loup nous guette, qu'il est là, qu'il a pour nom le terrorisme, l'islamisme, l'immigration, et que, quand le loup nous guette, il y a un berger (Nicolas Sarkozy) qui nous protège", a déclaré M. Hamon lors du point de presse hebdomadaire.

"La réalité, c'est qu'à chaque fois que le président de la République use de cette méthode consistant à faire peur aux Français (...), le résultat est le même. C'est Marine Le Pen qui prospère. C'est le Front National qui prospère", a-t-il poursuivi, en critiquant le projet de débat sur la place de l'islam en France, souhaité par le président.

"Marine Le Pen ira au bout de ce débat et engrangera les dividendes électoraux", a estimé M. Hamon. "Il y a une volonté de faire de l'islam et de l'immigration le coeur de la présidentielle", a-t-il ajouté, pointant une "compétition" entre l'UMP et le FN sur ces thèmes.

"A cette stratégie qui est une stratégie de la peur, les conséquences seront toujours les mêmes", a ajouté M. Hamon, estimant que la seule réponse aux "inquiétudes" des Français sur ces sujets était "le rappel de la laïcité".

La France "n'est pas l'ennemie des religions, qui doivent rester dans une démarche spirituelle sans aspiration à une quelconque emprise sur l'espace public. Il faudra réaffirmer ces principes-là, plutôt que de jouer sur la stigmatisation et les peurs, comme le fait le président de la République", a-t-il déclaré.

28/2/2011

Source : AFP

Si un pays a le plein droit de réglementer la migration et de contrôler les flux migratoires, les immigrés, eux, ont droit à la protection.

De tous les aspects liés à la question de l'immigration, l'aspect juridique est celui dont on parle le moins. Pourtant, il s'agit d'un élément clé pour appréhender les enjeux géopolitiques et socioéconomiques de l'immigration dans le monde. Pour faire la lumière sur l'évolution des lois et des politiques migratoires et leur impact sur la situation socioéconomique des immigrés du Maghreb Arabe, l'Observatoire des circulations migratoires et des espaces transfrontaliers a tenu, hier à Rabat, un colloque international sur le thème « Immigration, changement social et juridique au Maghreb».

Si l'accent a été mis sur la région du Maghreb, c'est parce que l'immigration Sud-Nord et même Sud-Sud y a pris de l'ampleur, au point de devenir dorénavant un «fait social et spatial majeur et inédit ». Certes, les lois relatives à la réglementation de l'immigration et à la gestion des flux migratoires sont intrinsèquement différentes d'un pays à l'autre, mais elles ont dorénavant un point commun : la tendance, constatée durant les dernières années chez les pays développés, à contrôler voire à freiner la migration à provenance du Sud. Une tendance qui trouve son explication dans les angoisses sécuritaires ravivées notamment par la montée en puissance du terrorisme.

Mais pas seulement. Hervé Le Bras, spécialiste en histoire sociale et démographie, évoque le «coût de l'immigration» qui sert souvent de prétexte pour durcir les politiques de migration dans les pays européens. «On a tendance à croire que les immigrés coûtent plus qu'ils ne rapportent. A vrai dire, cet argument a une grande résonance dans les pays développés et il est employé par les partis et syndicats qui s'opposent à l'immigration. Il s'agit d'un argument faux car partiel, en ce sens qu'il ne prend pas en considération l'ensemble du cycle de vie de l'immigré», explique M. Le Bras.

Aux antipodes de cette thèse soutenue surtout par les plus radicaux, d'autres voix plaident pour une plus grande ouverture des frontières face aux flux migratoires. Pragmatiques, les tenants de cette thèse arguent que l'Europe est un continent qui vieillit rapidement et que les immigrés, des jeunes pour la plupart, sont les seuls à pouvoir compenser ce vieillissement. « Encore une fois, il s'agit d'un raisonnement purement abstrait dont on ne peut voir les modalités concrètes de réalisation », analyse objectivement M. Le Bras. Car, pour parler chiffres, les pays industrialisés ont besoin pour compenser le vieillissement de leur population de pas moins de 5 milliards de jeunes immigrés ! «Les libéraux sont les seuls à avoir défendu l'ouverture complète des frontières, tout en soulignant la nécessité de protéger les nationaux», précise M. Le Bras. A juste titre, l'enjeu actuel consiste à trouver le juste milieu entre les droits des migrants et les droits de l'Etat. « La question à ce poser est la suivante : est-ce qu'il faut favoriser le droit de l'Etat à réglementer, à organiser et à sanctionner la migration, ou bien le droit des immigrés à être protégés ? En d'autres termes, nous sommes en face à un conflit entre les droits individuels et les droits collectifs », remarque Khadija Elmadmad, professeur de droit à Rabat et titulaire de la Chaire UNESCO "Migration et droits humains". Vue la perspective des pays du Maghreb arabe, la question migratoire revêt une importance grandissante.

Elle est devenue selon les organisateurs à la fois «un instrument de la diplomatie, une arme de négociation avec l'Europe, un enjeu régional, mais aussi un élément de politique intérieure ». D'où la nécessité de redessiner les équilibres avec l'Europe et entre les pays de la région maghrébine qui est devenue, par excellence, un espace d'immigration.

La migration Sud-Sud

L'immigration a longtemps été le fait de populations pauvres qui quittent leurs pays d'origine pour les pays industrialisés. Ce schéma est en train de changer même lentement, avec l'apparition, voire l'expansion de l'immigration sud-sud. Même les pays les plus pauvres de la planète, comme la Mauritanie, reçoivent des flux migratoires importants en provenance de pays sous-développés. A Nouakchott par exemple, les immigrés représentent 20% de la population et 30% à Nouadibou, la capitale économique. L'immigration dans ce contexte a ses particularités. Il s'agit d'une immigration qui n'est ni formalisée ni contrôlée par l'Etat, mais qui participe grandement à l'économie nationale. En atteste le fait que 30% des immigrés en Mauritanie montent leurs propres projets d'entreprises, allant de petites boutiques jusqu'à de grandes usines qui emploient la population locale. De ce fait, leur niveau économique est égal, voire supérieur, à celui des nationaux, parce qu'ils travaillent souvent dans les secteurs les plus importants de l'économie. Ces secteurs ne sont pas suffisamment investis par les autochtones et ont, dès lors, grand besoin du savoir-faire apporté par les immigrés. En ce sens, on parle d'une immigration créatrice de richesse et contribuant au développement économique.

28.02.2011, Meriem Rkiouak

Source : Le Matin

Le film "Sac de farine", une production belgo-marocaine, de la réalisatrice Khadija Saidi Leclere, est actuellement en tournage à Ait Ourir, apprend-on auprès des producteurs belges.

Ce long-métrage, tourné au Maroc et en Belgique, est produit par "Sahara Productions", la "Compagnie cinématographique européenne" et "t-chin t-chin Productions" avec notamment le soutien du Centre cinématographique marocain (CCM).

Ce long métrage (90 mn) raconte l'histoire de Sarah, fille de 8 ans d'origine marocaine qui, dans les années 70, grandit dans un foyer d'accueil catholique à Bruxelles.

Elève studieuse, lectrice assidue, elle voit un jour arriver son père biologique qui lui promet un week-end à Paris. Mais au lieu de cela, il l'emmène dans sa famille au Maroc et repart aussi vite en laissant Sarah, sans explication.

Prisonnière du choix du père, elle n'aura d'autre possibilité que de se résigner. Elle mènera la vie d'une petite fille marocaine où la seule scolarité qui lui est proposée est celle de l'école du tricot.

Quelques années plus tard, Sarah a 17 ans et semble avoir trouvé une vie stable. Toutefois son envie de partir, de retrouver la Belgique de son enfance, l'école, les livres et une vie qu'elle imagine libre reste présente.

"Le sac de farine", premier long-métrage de la réalisatrice belgo-marocaine Khadija Saidi Leclere, est une fiction mêlée d'autobiographie. Il s'agit d'une "aventure humaine", à travers laquelle la réalisatrice jette un regard sur le problème de l'intégration et de la bi-culturalité, de "la recherche de la véritable identité profonde".

C'est toujours la problématique du retour au pays d'origine qui est posée, et de la quête de ses racines. Mais ce film aborde le cas d'une jeune femme qui est née en Belgique et qui y a passé son enfance. Elle découvre à son adolescence la culture, les traditions et le mode de vie de son pays d'origine, trouve l'amour et l'affection parmi sa famille, mais demeure déchirée entre une vie toute tracée au Maroc et sa vie en Europe, explique à la MAP le producteur belge Gaetan David.

Elle finira par quitter le Maroc qu'elle avait appris à aimer, avec une certaine amertume, convaincue de perdre quelque chose d'important, mais aussi plus forte que jamais et convaincue de pouvoir enfin vivre sa vie, ajoute-t-il.

La réalisatrice a fait appel à des acteurs marocains : Abderraouf, Souad Saber, Latifa Ahrare, Hassan Foulane, Faouzi Bensaidi, Mohamed Atifi, Jawad Sayeh, Khadija Jamal et Fadila Benmoussa, mais aussi à des acteurs maghrébins établis en Belgique et en France, comme Smain, Hafsia Herzi, Mehdi Dehbi et la comédienne arabo-israélienne Hiam Abbas.

Ce film dont la sortie en salles est prévue pour 2012 est réalisé avec un budget de près de 2,2 millions d'euros.

La réalisatrice du film, Khadija Leclere, est diplômée du Conservatoire Royal d'art dramatique de Bruxelles en 1997, et a travaillé comme directrice de casting. Elle a réalisé trois courts métrages: "Camille" qui sera son école de cinéma, "Sarah" son premier court-métrage professionnel, primé dans plusieurs festivals internationaux notamment celui de Dubaï, Namur, Miami, et Milan, et le dernier en date "la pelote de laine".

28/02/11, Mahjouba Agouzal

Source : MAP

Nicolas Sarkozy a dit dimanche avoir demandé à l'Union européenne (UE) la réunion d'un sommet pour décider d'une "stratégie commune" face à la crise libyenne et aux menaces qu'elle fait peser en matière d'immigration, lors d'une allocution radio-télévisée.

"La France a demandé que le Conseil européen se réunisse pour que l'Europe adopte une stratégie commune face à la crise libyenne, dont les conséquences pourraient être très lourdes pour la stabilité de toute la région", a déclaré le chef de l'Etat.

Lors de sa visite vendredi en Turquie, M. Sarkozy s'était déjà prononcé pour la réunion d'un "Conseil européen sur cette question-là, de l'Union pour la Méditerranée et de l'avenir des relations de l'Europe et des pays du Moyen-Orient". "C'est un sujet extrêmement complexe, difficile mais qu'il faut affronter en ayant la perspective de l'avenir", avait-il déclaré lors d'une conférence de presse avec son homologue turc Abdullah Gül.

Dimanche soir, le président a souligné les risques de dérapages violents dans les pays arabes.

"Ils peuvent aussi bien sombrer dans la violence et déboucher sur des dictatures pires encore que les précédentes. Nous savons ce que pourraient être les conséquences de telles tragédies sur des flux migratoires incontrôlables et sur le terrorisme", a-t-il déclaré.

Ces derniers jours, l'Italie a mis ses partenaires européens en garde contre un risque humanitaire "catastrophique" et un afflux de réfugiés libyens, mais plusieurs de ses partenaires lui ont opposé une fin de non-recevoir.

27/2/2011

Source : AFP/Le Monde

La situation internationale impose de différer un débat qui s’annonce délicat, estiment plusieurs élus.

L’Élysée et la direction de l’UMP se rendent compte que la programmation, pour le 5 avril, du débat sur la place de l’islam en France a été pour le moins maladroite. Alors que, sur la rive sud de la Méditerranée, le monde arabe est en pleine ébullition, fallait-il ouvrir dans la précipitation un chantier aussi délicat ?

En fin de semaine dernière, l’ancien ministre de l’industrie Christian Estrosi estimait que «la situation internationale crée un trouble et impose de différer ce débat». Peu après, un secrétaire national de l’UMP, joint par La Croix, assurait que la décision était déjà arrêtée de «reporter le débat au 26 avril». Une assertion démentie par l’entourage de Jean-François Copé.

Ces informations contradictoires reflètent bien le malaise suscité par l’initiative prise par le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé, avec le feu vert du chef de l’État. Au sein de la majorité, de nombreux poids lourds ont fait part de leurs vives réticences. Se souvenant des dérapages du débat sur l’identité nationale qui avait finalement tourné court en 2010, ils craignent que cette nouvelle tentative ne soit pas mieux contrôlée.

Les risques d'un débat insuffisamment «préparé»

Le ministre de la défense, Alain Juppé, ou encore le président du Sénat, Gérard Larcher, ont mis en garde Jean-François Copé sur les risques d’un débat insuffisamment «préparé». Le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, fait part à La Croix des mêmes réserves: «C’est un débat qui doit être soigneusement réfléchi. Mal cadré, il sera contre-productif. L’an dernier, j’avais regretté qu’on parte sur ce thème de l’identité nationale, auquel je préférais celui de l’appartenance à la République.»

En ce domaine, le choix des mots est lourd de conséquence. Selon la formule de Jean-François Copé, la réflexion portera sur «l’exercice des cultes religieux dans la République, avec un point particulier sur l’exercice du culte musulman».

Une formulation qui provoque des polémiques sur deux fronts. Le premier oppose ceux qui refusent de stigmatiser les musulmans et ceux qui veulent briser le tabou sur la place de l’islam. «Focaliser sur le seul islam, ce serait faire une erreur par rapport au principe de laïcité», prévient Gérard Larcher. Dans Le Figaro , vendredi, Édouard Balladur estimait pour sa part: «La France est un pays de tradition catholique qui, l’histoire en témoigne, a du mal à accepter la diversité religieuse. Il faut prendre acte de celle-ci.»

« Remettre en chantier la loi de 1905 serait suicidaire »

L’autre front de divergences, au sein de la droite, concerne la nécessité ou non de réformer la loi de 1905. Après l’annonce de Jean-François Copé, le ministre du logement, Benoist Apparu, s’est déclaré favorable à une réforme législative sur le financement des lieux de culte. Son collègue aux transports, Thierry Mariani, propose d’interdire les prêches en langue arabe…
Ces déclarations ont aussitôt provoqué l’indignation de ceux qui refusent de toucher à la loi de 1905. Dominique Paillé, secrétaire national de l’UMP en charge de l’intégration, accepte un débat «pédagogique, dont le rôle serait de faire comprendre la laïcité». Mais, poursuit-il, «remettre en chantier la loi de 1905 serait suicidaire».

Dans le même sens, Bernard Accoyer estime que l’ouverture du dossier du financement des lieux de culte présente «trop de risques de dérapages.» Pour les chrétiens-sociaux, Christine Boutin explique pour sa part qu’en voulant s’attaquer à quelques abus, c’est tout l’équilibre sur la liberté d’expression qu’on risquerait de bouleverser.

Et puis, l’interdiction des prières dans la rue aux abords des mosquées risque d’avoir des conséquences pour les processions chrétiennes, estime également la présidente du Parti chrétien-démocrate (PCD).

27/2/2011, Bernard GORCE

Source : La Croix


A quelques kilométres d’une Europe bien fermée que jamais, de nombreux migrants subsahariens survivent au nord du Maroc. Sans ressources, à la merci du racisme populaire et de l’arbitraire policier, ils attendent. Tranches de vie…Suite

Jeune, indépendante, au chômage et en situation régulière", tel est le profil de la femme immigrée marocaine, installée actuellement dans la communauté autonome de Madrid, selon une étude sociologique publiée dans la capitale Espagnole…Suite

Un haut fonctionnaire arrive  à Rennes pour assainir. Il se heurte à des résistances mais maintient la pression. Au passage, il lève même quelques lièvres qui feraient le bonheur de n' importe quelle Cour des comptes: emplois fictifs, trafics de timbres fiscaux ...Suite

Le énième débat sur l’islam et la République que le chef de l’État a annoncé à TF1 et que l’UMP veut entreprendre début avril est bien mal engagé. Au point même que le ministre de la Défense Alain Juppé – qui n’a pas l’habitude de faire dans la surenchère gauchiste ! – craint les dérapages…

Opposer un « islam de France » et un « islam en France » ne me semble pas une bonne façon de poser le problème. Met-on les catholiques, les juifs et les protestants devant la même alternative ?

Il existe un « catholicisme de France » avec sa Conférence des évêques, les Assemblées plénières de Lourdes, etc. Il n’en existe pas moins un « catholicisme en France ». Ce dernier n’est pas réductible au « catholicisme de France », car le catholicisme est une réalité internationale. Sauf erreur de ma part, son chef spirituel est, en même temps, un chef d’État.

L’ambassadeur du Vatican en France, le nonce apostolique, participe même aux entrevues officielles qui ont lieu entre la délégation catholique et le gouvernement, comme le remarquait un ministre de l’Intérieur, s’appelant Nicolas Sarkozy en réponse à une question de Ph. Verdin sur « l’indépendance des musulmans français » (1).

On constate, certes, une souplesse plus grande de l’épiscopat français sur certaines questions. Ainsi, contrairement à ce qui se passe en Colombie ou en Pologne par exemple, les médecins français catholiques qui pratiquent des IVG ne se trouvent pas menacés d’excommunication.

Mais, sur beaucoup d’autres points, comme le mariage des prêtres ou l’accès des femmes à la prêtrise et au diaconat, ce sont les règles générales, les « normes canoniques » du catholicisme qui s’imposent, même si les enquêtes faites montrent qu’une majorité des catholiques français, y compris chez les catholiques pratiquants (2) ont des attentes différentes.

Qui va affirmer que l’État devrait imposer des femmes prêtres au nom de l’égalité hommes-femmes ou, comme la Révolution française l’a fait, imposer l’autorisation du mariage des prêtres au nom de la liberté individuelle ?

On peut, à titre personnel, sympathiser avec celles et ceux qui luttent pour des changements internes à l’Église catholique, on peut aussi être indifférent en la matière. Mais aucune force politique ou sociale ne va chercher à imposer ces changements. Il est clair que c’est l’affaire du catholicisme. Et ses évolutions comportent des zigzags.

Il en est de même pour l’islam. D’ailleurs, il y a quelque chose que je ne comprends pas. Le même ministre de l’Intérieur, déjà évoqué, a largement contribué, il y a maintenant 7 ans, à organiser un « islam de France » par la création du Conseil français du culte musulman (CFCM ) et des Conseils régionaux du culte musulman (CRCM).

Chacun peut avoir son avis sur ces structures : il n’en demeure pas moins que c’est l’État qui s’est fortement engagé dans cette démarche. L’État ne peut ignorer ou tenir pour négligeable ce dont il est un co-auteur. Serait-ce trop lui demander d’avoir un peu de cohérence interne ?

Il existe donc un islam de France et un islam en France, car l’islam, comme le catholicisme et bien d’autres religions, est une réalité internationale.
Dès maintenant, au-delà de l’organisation spécifique qui a été mise en place, des façons spécifiques et multiples d’être musulman sont en train de se forger en France (et en Europe) ; et une gestion teintée de néo-colonialisme risque d’être contre-productive (3).

Mais c’est à un niveau international que l’islam bouge. Par exemple, un féminisme musulman se développe (4) et, aujourd’hui, on constate la soif de démocratie dans l’ensemble du monde dit « arabo-musulman ».

Ce thème de l’« islam de France » me rappelle un certain discours laïque traditionnel sur les femmes : elles étaient suspectes d’être sous influence cléricale. Il fallait les « éduquer » avant de leur donner le droit de vote. Et naturellement, on considérait qu’elles n’étaient jamais assez éduquées pour l’obtenir. Si bien que le premier projet donnant le droit de vote aux femmes, fut le projet de Constitution élaboré par Vichy !

De même, d’année en année, on a l’impression que les musulmans français ne sont jamais assez français…

Notes :

1. N. Sarkozy, La République, les religions, l’espérance, Paris, Éd. du Cerf, p. 93.

2. 61 % contre 36 % pour le mariage des prêtres, 51 % contre 44 % pour l’accès des femmes à la prêtrise (respectivement 81 % contre 16 % et 67 % contre 31 % chez les catholiques pratiquants irréguliers). Source : enquête CSA-La Vie : « Les attentes des Français à l’égard du prochain pape », 15 avril 2005.

3. Lire, entre autres, l’ouvrage de Franck Frégosi, Penser l’islam dans la laïcité. Les musulmans de France et la République (Éd. Fayard, 2008).

4. Lire sur ce sujet Critique internationale, n° 46, 2010.

* Jean Baubérot, professeur émérite (Sorbonne), est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages, dont Histoire de la laïcité en France et Les Laïcités dans le monde, tous deux parus dans la collection « Que sais-je », aux éditions PUF. Il commente l’actualité sur son blog
Derniers ouvrages parus : Laïcités sans frontières, avec M. Milot (Éd. du Seuil, 2011) ; Sacrée médecine. Histoire et devenir d’un sanctuaire de la Raison, avec R. Liogier (Éd. Entrelacs, 2011).

26 Février 2011,  Jean Baubérot

Source : Atlas info

L'historien et politiste Olivier Le Cour Grandmaison dénonce les prélèvements mirifiques opérées par les banques sur l'argent envoyé par les immigrés à leurs familles restées au pays.

Ils ont en moyenne des revenus largement inférieurs aux nationaux des pays dans lesquels ils vivent, ils occupent les emplois les moins qualifiés et les moins bien rémunérés. Ils sont victimes de discriminations à l'embauche, de la précarité et de licenciements qui les frappent plus souvent qu'à leur tour; et pourtant, ils s'obligent à des sacrifices financiers significatifs pour envoyer chaque mois de l'argent à leur famille demeurée au pays. Pauvreté, privations, épreuve douloureuse de l'exil, et pour les sans-papiers la peur constante de l'arrestation et de l'expulsion. Telle est la situation de beaucoup d'immigrés qui vivent en France; elle n'est une douce terre d'accueil que dans les discours ronflants mais fallacieux des membres du gouvernement et de la majorité qui le soutient.
En 2010, les sommes ainsi transférées se sont élevées, au niveau international, à 325 milliards de dollars selon une étude de la Banque mondiale, laquelle constatait aussi que ces montants sont trois fois supérieurs à l'aide publique consentie par les Etats qui, pour les plus riches d'entre eux, ne consacrent que 0,30% de leur revenu national brut à l'aide au développement. Voilà qui en dit long sur la générosité prétendue des principaux bailleurs de fonds et sur le développement solidaire tant vanté par certains ministres de la République qui, en cette matière comme en beaucoup d'autres, se paient à bon compte avec la fausse monnaie de leurs déclarations convenues.

En France, ces transferts atteignent 8 milliards d'euros en 2010, soit une progression de 10% par an depuis 2002. Leurs destinations principales sont les pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. Toutes origines confondues, ces sommes représentent 6,6% du PIB du Maroc, 7 % au Togo, 9,1% au Sénégal, entre 11 et 12,5% au Mali et 20% aux Comores. Concrètement, cela signifie que de dizaines voire des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, sans doute parfois aussi les habitants de villages, voire de quartiers entiers de certaines villes, dépendent très largement de cet argent pour vivre, manger, se loger et, dans le meilleur des cas, étudier. Une manne indispensable donc qui n'a, en l'espèce, rien de céleste puisqu'elle est le fruit du dur labeur de ceux qui ont été contraints à l'exil. A preuve, selon certaines sources, ces transferts de fond représentent plus de 50% des revenus des bénéficiaires au Maroc, au Sénégal et aux Comores, et 2/3 au Mali cependant que près de 80% des sommes ainsi perçues sont affectées à la consommation courante. Comme le note Claire Naiditch, en conclusion de sa thèse d'économie soutenue à l'université de Paris I en 2009, l'argent ainsi envoyé à un «effet positif de court terme sur les revenus des ménages et les indices de pauvreté».

Reste que les immigré(e)s qui travaillent dans les conditions que l'on sait, en prélevant sur leur maigre salaire des sommes substantielles doivent payer, en France notamment, des commissions particulièrement élevées: 15 % en moyenne pour 140 euros envoyés. Toujours selon la Banque mondiale, les tarifs pratiqués dans ce pays sont parmi les plus élevés au monde. Deux opérateurs financiers principaux dominent ce marché international particulièrement lucratif: Western Union et Money Gram qui réalisent environ 65% des opérations et s'enrichissent en touchant chaque jour des commissions très importantes. D'après une étude réalisée par des chercheurs américains, des commissions de 12,5% représentent entre 10 et 15 milliards de dollars par an; au lieu de parvenir à leurs destinataires dans les pays du Sud, ces derniers finissent en partie dans les caisses des sociétés spécialisées en transfert d'argent.

Ce scandale financier et humain est parfaitement connu puisque des experts de la Banque mondiale ont établi de leur côté qu'une baisse de 5% seulement du coût de ces transactions permettrait d'augmenter de 3,5 milliards de dollars par an les sommes envoyées par les immigrés à leur famille et à leurs proches. Lors de la réunion du G8, qui s'est tenu en juillet 2009 à l'Aquila en Italie, les chefs d'Etat et de gouvernement, avaient promis d'agir et de réduire de 50% les coûts réels des transferts à l'horizon 2013. Quelle hâte! Les immigrés concernés seront sans doute particulièrement touchés par tant de prévention à leur endroit. Qu'a fait le ministre français, Eric Besson alors en charge de l'Immigration, de l'Identité nationale, de l'Intégration et du développement prétendument solidaire? Rien ou presque. Quelques négociations ici et là auxquelles s'est ajoutée la rénovation d'un tableau comparatif établi en 2007 par l'Agence française de développement permettant de prendre connaissance des tarifs pratiqués par les différentes sociétés de transferts, les banques et la Poste.

Comme on peut le lire sur le site officiel du ministère de l'Intérieur aujourd'hui en charge de l'Immigration, ce tableau «est l'illustration de l'engagement, aussi bien de l'Etat que des établissements financiers, à aboutir à une plus grande transparence et à une information claire et complète des migrants sur les modalités et coûts de ces envois d'argent». Cette prose convenue et creuse, qui mobilise quelques «éléments de langage» aujourd'hui en vogue parmi les conseillers en communication chargée de promouvoir l'action des membres du gouvernement, n'engage à rien. Plus grave, les tarifs pratiqués restent très onéreux pour les immigrés. De l'aveu même d'Eric Besson, qui a tenu une conférence de presse le 20 mai 2010 sur cette question: «les coûts des transferts de fond demeurent trop élevés, dépassant bien souvent 8 à 10 % de la somme transférée et approchant quelquefois 20%». Remarquable bilan, assurément, de celui qui se vantait de mettre en œuvre une «politique ferme mais humaine» et cherchait à redorer son misérable blason par la promotion d'actions réputées favorables aux migrants et à leur pays d'origine.

Aux responsables politiques qui disent savoir de quoi ils parlent et affirment être bien informés des réalités sur lesquelles ils prétendent agir, recommandons l'expérience simple suivante. Entrez donc dans une agence parisienne de Western Union, par exemple, et vous pourrez constater que la situation n'a pas véritablement changé. A destination de l'Afrique, les «prix du service» sont les suivants: jusqu'à 100 euros, les frais sont de 10 euros, de 100,1 à 200 euros, de 15 euros. Mais ils sont de 8 euros 50 pour un transfert inférieur à 50 euros et de 15 euros pour un transfert compris entre 50, 1 euros et 100 euros selon d'autres tarifs fournis par la Banque Postale cette fois. En effet, dans le cadre d'un partenariat sans doute lucratif établi depuis 1994 avec Western Union, et régulièrement reconduit depuis cette date, la Banque postale propose dans son réseau de plus de 6000 points de vente les prestations de cette société de transfert de fonds. Comme l'a reconnu le vice-président et directeur exécutif de Western Union en Europe, Hikmet Ersek, «la Banque postale nous aide véritablement à étendre l'offre de service (...) en France». Assurément.

Mais quelles sont les conditions financières de cet accord? Combien ces prestations rapportent-elles à la Banque postale? Comment les tarifs sont-ils établis? Impossible de le savoir. Le bilan d'activité et le bilan financier de cet établissement n'en disent rien, et l'un de nos interlocuteurs, salarié de la Banque postale joint par téléphone, a refusé de nous communiquer ces éléments d'information. La Banque postale aurait-elle des choses à cacher en la matière, elle qui communique pourtant régulièrement sur le sujet et a mobilisé il y a peu le joueur de football sénégalais, Mamadou Niang, pour promouvoir la nouvelle tarification applicables aux transferts d'argent? Mystère. Ajoutons enfin que l'Etat est actionnaire à 100% du groupe La Poste et de sa filiale la Banque postale, et que le ministre de tutelle actuel n'est autre qu'Eric Besson qui prétendait, dans le cadre de ces responsabilités passées au ministère de l'Immigration, vouloir faire baisser les tarifs de façon significative. Il n'en a rien fait dans le passé et il persévère dans cette voie lors même qu'il aurait les moyens d'agir. Admirable.

«Service» ose écrire le dirigeant de Western Union. «Service» peut-on lire aussi sur les dépliants fournis aux clients potentiels. Une ignominie bien plutôt qui prospère, dans tous les sens du terme, sur un «marché» toujours «oligopolistique» comme on le reconnait du côté du ministère des Finances cependant qu'à cause de cela les immigré(e)s et leur famille perdent chaque année des sommes très importantes en frais exorbitants.

A quand un véritable service public pour venir vraiment en aide à celles et ceux qui sont victimes de ces pratiques indignes? Il n'y a rien à espérer de ce gouvernement qui s'acharne contre les immigrés et les sans-papiers. Que les candidates et les candidats, qui aspirent à remplacer Nicolas Sarkozy à la présidence de la République en 2012, disent ce qu'ils comptent faire pour que cesse ce scandale. Il y a urgence; la vie de centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, parmi les plus pauvres du monde, dépend en partie de leur réponse.

27 Février 2011,  (mediapar)

Source : Atlas info

Les autorités marocaines ont affecté deux bateaux pour rapatrier les ressortissants marocains établis en Libye, a annoncé samedi le Ministère chargé de la Communauté Marocaine à l'Etranger.

Dans un communiqué rendu public, le Ministère indique que la cellule, créée pour assurer le suivi de la situation des citoyens établis en Libye, dans la conjoncture actuelle que traverse ce pays, a pris dès sa mise en place des mesures pour faciliter l'opération de leur évacuation.

Cette opération, poursuit la même source, est menée à travers l'intensification des vols de la Royal Air Maroc et par voie maritime.

En coordination avec l'Ambassade du Royaume en Tunisie, ajoute le Ministère, un intérêt particulier est accordé aux Marocains, qui sont parvenus à rejoindre les frontières tuniso-libyennes par voie terrestre, pour faciliter leur retour au Maroc via des vols de la RAM.

Il est à rappeler qu'en application des Hautes instructions données par SM le Roi Mohammed VI, que Dieu L'assiste, au gouvernement pour accorder tout l'intérêt requis à la situation des Marocains établis en Libye, compte tenu de la situation actuelle que traverse ce pays, une cellule de suivi a été mise en place, composée du Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération et celui chargé de la Communauté Marocaine à l' Etranger, en coordination avec les missions diplomatique et consulaire marocaines en Libye.

26/2/2011

Source : MAP

Il est désormais devenu fréquent de ce côté-ci du Rhin de parler d'un modèle multiculturel allemand. En affirmant cet automne que "le multiculturalisme avait échoué", la chancelière n'a-t-elle pas, en le déclarant caduc, entériné l'existence même du modèle ? D'où la tentation française d'associer dans un même souffle le multiculturalisme britannique et allemand pour mieux les opposer au modèle républicain français.

Le terme de multiculturalisme apparaît, certes, dans le débat public des années 1990. Emprunté à la philosophie politique nord-américaine, il accompagne, dans le contexte spécifique de la société allemande, une prise de conscience du fait que les immigrés ne sont pas des Gastarbeiter, des travailleurs invités destinés à rentrer dans leur pays d'origine, mais qu'ils sont installés durablement, parfois déjà depuis plusieurs générations.

Le multiculturalisme se veut une alternative à ce qui se concevait jusque-là comme une Ausländerpolitik, une politique des étrangers. Employée surtout par les Verts, la notion articule l'idée d'une égale dignité des cultures et du caractère positif de la diversité ainsi que le refus de l'hégémonie culturelle de la société majoritaire. On ne peut pas dire pour autant que la politique menée à l'égard de la population issue de l'immigration a été "multiculturelle".

Les mesures importantes en la matière au cours de la décennie 2000 - vote d'une loi réformant l'accès à la nationalité allemande par l'introduction d'une composante de droit du sol (2000) et d'une loi sur l'immigration (2005), création en 2006 d'une Islamkonferenz (conférence de l'islam, destinée à l'institutionnalisation du dialogue entre la puissance publique et les musulmans allemands, assez comparable au Conseil français du culte musulman CFCM), l'élaboration d'un plan national d'intégration et l'institutionnalisation de "sommets de l'intégration" réguliers - sont des mesures d'intégration qui n'ont rien de comparable à la présence de représentants des communautés immigrées dans les conseils municipaux ni au financement par la puissance publique d'institutions ou d'associations communautaires au Royaume-Uni.

L'Allemagne, parfois qualifiée de späte Einwanderungsland (pays où l'immigration est un phénomène plus tardif), se dote des instruments politiques nécessaires pour gérer l'immigration. L'étiquette "multiculturelle" comme qualificatif d'une action politique n'est apparue qu'une fois, dans l'intitulé de la fonction assumée par Daniel Cohn-Bendit de 1989 à 1997 à la mairie de Francfort (où un enfant sur trois sont issus de l'immigration) : il était chargé auprès de la mairie des affaires multiculturelles.

Mais, là encore, la politique menée sous ce label était une politique d'intégration : incitation à la participation politique et sociale, cours d'allemand et d'intégration, gestion des conflits à l'échelle locale.

Or, à mesure que la société allemande, comme d'autres sociétés européennes, prend conscience de l'insuffisante intégration des immigrés, il devient tentant de trouver une explication idéologique à cet échec et d'attribuer la présence de Parallelgesellschaften ("sociétés parallèles") au sein de la société majoritaire à une tolérance passive de différences culturelles jugées incompatibles avec les valeurs démocratiques. D'où l'apparition dans le débat politique, de la notion de Leitkultur ("culture de référence"), conçue comme un antidote au relativisme culturel qu'aurait véhiculé l'idéologie multiculturaliste.

La société nationale formule par là ce qu'elle s'estime en droit d'exiger de ses immigrés. Les mesures inspirées depuis cinq ou six ans par la revendication d'une Leitkultur visent un meilleur apprentissage de l'allemand, notamment chez les enfants (avec des mesures de détection précoce des déficits linguistiques, ce qui suppose la scolarisation plus précoce des enfants et le développement des jardins d'enfants), la lutte contre l'échec scolaire (en réaction aux résultats des différentes enquêtes PISA qui ont donné la mesure du décrochage scolaire des enfants issus de l'immigration, grâce au développement de l'encadrement scolaire l'après-midi), la création de cursus pour la formation des imams dans les universités, pour qu'ils soient formés en Allemagne et en allemand et familiers de la société allemande, l'introduction dans certains Länder d'un enseignement de religion musulmane sur le modèle de ce qui existe pour le protestantisme et le catholicisme, la lutte contre les crimes d'honneur et les mariages forcés.

Mais aussi l'élaboration de questionnaires utilisés dans les entretiens en vue de la naturalisation, censés vérifier que le candidat a intériorisé les valeurs considérées comme fondamentales par la société allemande, c'est-à-dire les valeurs démocratiques, l'égalité des sexes notamment.

Si la Leitkultur ne saurait se définir par des caractéristiques allemandes ethniques, ce qui rappellerait l'exaltation völkisch de l'identité allemande par les nazis, mais seulement par les valeurs qui fondent la société allemande comme société démocratique, elle n'en est pas moins définie couramment (et pas seulement par l'aile conservatrice de la CDU) par ses sources "judéo-chrétiennes", considérées comme les fondements de l'identité démocratique. La Leitkultur, réponse à l'échec supposé du multiculturalisme, se définit, elle aussi, par des références culturelles.

Le multiculturalisme n'a donc jamais été en Allemagne un "système" politique. C'était tout au plus un mot d'ordre ou un champ de réflexion, considéré actuellement, d'ailleurs, par les intellectuels et les chercheurs comme dépassé ou devant être développé par des concepts qui n'assignent pas les individus à leur origine et rendent mieux compte de la mobilité des identités culturelles. Quand la chancelière Angela Merkel décrète "l'échec" du multiculturalisme, elle ne saurait remettre en cause un système ou une politique qui n'ont jamais existé, elle s'en sert comme d'un repoussoir idéologique. p

26/2/2011, Béatrice Durand, Professeure au lycée français de Berlin et à la Freie Universität

Source : Le Monde

"Oui, c'est un échec." Sur TF1 le 10 février, le président de la République s'accorde avec un internaute : le multiculturalisme est " à l'origine de bien des problèmes de notre société. (...) La vérité, c'est que dans toutes nos démocraties on s'est trop préoccupé de l'identité de celui qui arrivait et pas assez de l'identité du pays qui accueillait". Toutes ? Le président semble rectifier le tir : "Les pays comme l'Angleterre ou les Etats-Unis, qui ont développé ce multiculturalisme communauté par communauté, ont renforcé les extrémismes." S'il y a eu multiculturalisme d'Etat outre-Rhin, c'est au sens où l'Allemagne n'a longtemps voulu considérer les immigrés turcs que comme des Gastarbeiter, des "travailleurs invités" ; l'ouverture au droit du sol, en 2000, y a d'ailleurs suscité une poussée de xénophobie.

Quant à la France, la tentation du droit à la différence n'y a-t-elle pas été rejetée dès la fin des années 1980 ? Si le multiculturalisme y a échoué, c'est d'abord à s'implanter ! Le président n'aurait-il pas plutôt esquissé une autocritique ? Sur son blog du Figaro, Ivan Rioufol l'y invitait dès octobre : il serait temps de rompre avec "les constantes références officielles à la France métissée, diverse ou immigrée", clichés "destinés à valoriser les cultures des minorités".

Dans la trajectoire de Nicolas Sarkozy, il y a bien eu un moment multiculturaliste. En 2003, il empruntait à l'Institut Montaigne la thématique de la diversité, et même de la discrimination positive, pour contrebalancer sa politique d'immigration. Il s'impliquait aussi dans la création du Conseil français du culte musulman. Il s'en est expliqué dans un livre sur La République, les religions, l'espérance (Cerf 2004) : le ministre de l'intérieur, également ministre des cultes, comptait sur "l'islam de France" pour assurer la paix dans les banlieues.

"L'islam est-il compatible avec la République ?" M. Sarkozy voyait alors dans cette question "une forme de racisme". Il préférait "mettre sur le même plan toutes les religions". "La France de 2004 n'est plus seulement catholique" ; l'islam y est désormais "une des grandes religions" - récente, mais pas étrangère. En fait, "la France est devenue multiculturelle,... et on ne le lui a pas dit". Plutôt que "l'assimilation ", le ministre préconisait "l'intégration", qui "n'exige pas, pour réussir, que celui qui est accueilli renonce à ce qu'il est".

Les émeutes urbaines de 2005 l'ont fait changer de cap : à l'évidence, le communautarisme d'Etat n'avait pas permis de garantir l'ordre public... Mais loin de faire marche arrière, M. Sarkozy s'est engagé dans une fuite en avant. Sa nouvelle posture se cristallise en 2007 : le ministère de l'immigration et de l'identité nationale vise à "nous" définir par opposition à "eux". D'un côté, le nouveau président ne se voit plus comme "l'avocat des musulmans dans la République" ; il est vrai qu'un sondage de sortie des urnes lui attribue, au premier tour, 1 % du vote musulman ! D'un autre côté, pour répondre aux accusations de xénophobie que soulève sa politique d'immigration, il se veut toujours l'homme de la diversité : son premier gouvernement en offre l'image colorée. Fin 2008, il plaide encore contre la "consanguinité", pour "l'égalité des chances" : "Le meilleur antidote au communautarisme, c'est que la République tienne ses promesses."

En 2009, le grand débat sur l'identité nationale achève toutefois de révéler au grand jour les contradictions inhérentes à une politique qui joue à la fois sur les principes républicains (la laïcité désormais identifiée à la liberté des femmes) et sur l'héritage chrétien de la France. Les dérapages racistes et xénophobes qui se multiplient alors n'en sont pas : ils disent la vérité d'une logique d'exclusion vouée à confondre les étrangers qui "n'ont pas l'air" français et les Français qui "ont l'air" étranger. C'en est fini du métissage. Même la lutte contre les discriminations n'est plus à l'ordre du jour, avec la disparition programmée de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité). Désormais, "l'identité nationale, c'est l'antidote au communautarisme".

Ce durcissement nouveau vise à faire oublier l'échec de la politique du président sur tous les fronts - du pouvoir d'achat à l'insécurité. Ce qu'on pourrait appeler monoculturalisme n'est autre que le repli sur une identité nationale racialisée. A l'été 2010 débute donc un troisième moment : avec le discours de Grenoble et la chasse aux Roms, les masques tombent. L'heure est aux amalgames, empruntés à l'extrême droite, entre immigration et délinquance. Le président de la République joue explicitement de logiques raciales, et pas seulement contre les Roms : il propose, contre certains crimes, la déchéance de la nationalité française pour "toute personne d'origine étrangère" (sic). Il ne s'agit plus d'immigration ; c'en est fini de la rhétorique de la diversité.

Après le référendum suisse contre les minarets, le président appelait encore, fin 2009 dans Le Monde, au respect mutuel entre "ceux qui arrivent" et "ceux qui accueillent". En 2011, il a renoncé même à cette apparente symétrie : "Le respect dû à la France par ceux que nous accueillons est une exigence." C'est que "la communauté nationale française ne veut pas changer son mode de vie, son style de vie" : "Nous ne voulons pas modifier le calendrier" (mais qui le demande ?), et "nous ne voulons pas que l'on prie de façon ostentatoire dans la rue".

Pourquoi l'islam joue-t-il un rôle si central et négatif dans le nouveau dispositif politique de M. Sarkozy - et, au-delà, de ses homologues britannique et allemande ? A l'heure de la crise, les politiques européennes d'identité nationale ont vocation à faire oublier le choix des marchés contre la protection sociale. Si l'islam en est le bouc émissaire privilégié, c'est qu'il permet de jeter un voile pudique sur ce qu'il faudrait bien, sinon, qualifier de racisme. La défense de l'identité blanche peut ainsi se présenter comme un combat pour la démocratie : "Nous ne voulons pas transiger là-dessus, la liberté pour les petites filles d'aller à l'école, nous ne voulons pas que des imams puissent prêcher la violence."

On comprend mieux les réticences de nos gouvernants face aux révolutions tunisienne et égyptienne : si l'islam s'avère compatible avec la démocratie, l'islamophobie perd sa justification démocratique. Pis : la démocratie progresse au sud de la Méditerranée alors qu'elle perd du terrain au nord. N'est-ce pas le moment de s'interroger sur le racisme démocratique ?

Pour éviter de le faire, les dirigeants européens préfèrent brandir la menace de l'islamisme sur la scène internationale. Quant à l'identité nationale, c'est la fuite en avant qui continue - mais jusqu'où ?


26.02.11,  Eric Fassin, Anthropologue et sociologue

Source : Le Monde

Rencontres, tables rondes, hommages… ont contribué à la promotion des cultures de l'immigration.

Pendant les 10 jours qu'a duré le Salon international de l'édition et de la lecture de Casablanca, le conseil de la communauté marocaine à l'étranger a marqué sa présence sur le thème « Littératures, migrations, Méditerranée ». A travers un programme riche en activités, les visiteurs ont pu découvrir des centaines d'ouvrages qui s'articulent essentiellement autour de l'immigration.
Ils ont également eu l'occasion d'avoir une idée plus approfondie sur des thèmes d'actualité relatifs à l'immigration. En effet, plus de 40 conférences et tables rondes ont été programmées avec 150 auteurs, chercheurs, journalistes et critiques littéraires venus d'Algérie, de Tunisie, d'Egypte, d'Irak, de Syrie, du Liban, de Turquie, de Palestine, des Emirats Arabes Unis, d'Espagne, de France, des Pays-Bas, de Grèce, d'Italie, de Belgique, du Canada, de Hollande, d'Allemagne, de Grande-Bretagne, des USA et du Maroc. Ce qui a permis l'éclosion d'un débat réel et d'un échange constructif sur des sujets qui intéressent tous les participants. Aussi, les cultures de l'immigration ont-elles été passées au crible par des spécialistes tous azimuts.

La participation du CCME au SIEL ne s'est pas limitée à l'édition au sens strict du terme. D'autres activités ont émaillé cette grande manifestation telle la nuit de l'immigration qui s'est tenue en présence de 250 invités et qui a été organisée en partenariat avec les centres culturels étrangers et la Villa des Arts de Casablanca.

Cette soirée d'échanges et de découvertes de la littérature sur l'immigration a vu se succéder des lectures d'une trentaine d'auteurs, marocains et étrangers. Dans le volet des hommages, 4 grands noms des arts qui ont œuvré dans le sens d'une meilleure connaissance de l'autre dans l'espace méditerranéen : Mme Gema Martin Muñoz (Espagne), M. Gildas Simon (France), feu Edmond Amran El Maleh et le cinéaste tunisien Mustapha Hasnaoui, récemment disparu.

Cette participation a enfin été couronnée par la signature de deux conventions-cadre par le CCME, la première avec l'Université Insubrie–Côme (Italie) et la seconde avec l'Université de Limoges (France) pour le développement de la recherche sur l'immigration.

25.02.2011, K.A

Source : Le Matin

Un million de migrants irréguliers se trouveraient en Libye, auxquels s'ajoutent 360 000 étrangers en situation régulière, principalement originaires des pays voisins ainsi que d'autres pays arabes et africains plus éloignés.

Soumettant de façon persistante sa politique migratoire à une diplomatie versatile, le gouvernement libyen a successivement ouvert ses frontières aux Arabes au nom du panarabisme, puis aux Africains au nom du panafricanisme. Par la suite, dans le but de satisfaire l'Europe, le gouvernement libyen soumit les migrants arabes et africains à l'obligation de visa, faisant passer des milliers d'entre eux dans l'irrégularité.

Durant la dernière décennie, des centaines de milliers d'entre eux furent expulsés sous le prétexte de représenter une menace pour la sécurité. En réalité, ces expulsions permettaient à la Libye d'ajuster la migration de travail aux besoins de son économie. Depuis la fin des années 1990, la situation des migrants en Libye s'est dégradée.

Des émeutes contre les étrangers ont éclaté, en 2000, faisant 135 morts, avec pour toile de fond une forte xénophobie. Ces derniers jours, les informations selon lesquelles des mercenaires étrangers ont été enrôlés par le régime pour contrer les manifestations contribuent à jeter de l'huile sur le feu.

Depuis le début de la crise libyenne, les médias sont restés silencieux sur le devenir des migrants africains, arabes et asiatiques en Libye. Des milliers ont déjà fui pour rejoindre l'Egypte et la Tunisie. Ces deux pays seront-ils prêts à ouvrir leurs frontières à d'autres migrants que leurs propres citoyens ?

Quel pays les prendra alors en charge ? La plupart des travailleurs migrants en Libye ne sont pas des réfugiés et ceux qui la fuiraient ne pourraient donc prétendre au statut de réfugiés sur la base de la convention de Genève de 1951, ni sur celle de la convention de l'Union africaine de 1969.

Alors que certains gouvernements occidentaux ont adopté des mesures pour rapatrier leurs citoyens résidant en Libye, aucun pays africain ne semble être en mesure de faire de même.

L'Europe a fréquemment demandé aux gouvernements des pays d'Afrique du Nord de contribuer à la gestion des migrations internationales. Elle a l'occasion d'offrir en retour la collaboration dont elle a bénéficié.

27.02.11 Collectif : Philippe Fargues, Anna di Bartolomeo, Thibaut Jaulin, Delphine Perrin, Giambattista Salinari du Migration Policy Centre Institut

Source : Le Monde

Le drame libyen révèle la vision largement paradoxale qu'a l'Europe, union politique cimentée par les droits de l'homme, des migrants d'outre-Méditerranée.

Alors que les travailleurs immigrés subsahariens, nombreux dans la Grande Jamahiriya du colonel Kadhafi, figurent, comme tous les étrangers, parmi les cibles de premier plan de la répression sanglante en cours, l'Europe semble d'abord les considérer comme un fardeau, comme de possibles envahisseurs prêts à déferler en masse sur ses côtes.

Certes, il ne serait pas étonnant que les Africains, qui, par milliers, étaient attirés par l'eldorado libyen, cherchent à fuir un pays en proie à une extrême violence. Un pays où, déjà accueillis avec hostilité en temps ordinaire, ils risquent aujourd'hui d'être assimilés, en raison de la couleur de leur peau, aux mercenaires recrutés par le Guide libyen sur tout le continent et qui sont évidemment haïs par la population en rébellion.

Certes, l'Italie a des raisons de s'alarmer d'un possible afflux de migrants sur l'île de Lampedusa - qui fait face à la Libye et à la Tunisie. Rome a d'autant plus de motifs de s'inquiéter que la solidarité de l'Union européenne est loin de lui être acquise.

Faute d'une réelle politique commune en matière d'immigration et d'asile, la charge de l'accueil des migrants continue de revenir aux pays géographiquement exposés. Les pays du nord et de l'est de l'UE n'ont ainsi nulle envie de modifier la convention de Dublin, qui fait du pays de premier contact le seul compétent pour examiner les demandes d'asile.

Mais les menaces d'"invasion" brandies par l'Italie masquent mal un injustifiable message xénophobe adressé par le gouvernement Berlusconi à ses électeurs. Elles traduisent aussi le désarroi de dirigeants italiens face à la possible chute d'un régime - celui de Mouammar Kadhafi - dont ils avaient fait leur premier allié dans la lutte contre l'immigration. Le Guide n'avait-il pas proposé de protéger l'Europe contre des "invasions barbares" moyennant le versement de 5 milliards d'euros par an ?

Il ne faudrait pas que l'Europe, que son histoire fait la gardienne du droit d'asile, oublie cet héritage, alors que brûle un pays situé à ses portes. Il serait tout aussi paradoxal que les craintes de l'Europe lui fassent regretter la chute de régimes totalitaires comme ceux de Ben Ali ou de Kadhafi, sous prétexte que les gouvernements susceptibles de leur succéder pourraient se montrer moins coopératifs pour refouler les migrants.

Le dernier paradoxe de la situation n'est pas le moindre : alors que la démocratie et le développement dans les pays du Sud sont, à juste titre, souvent présentés comme les meilleurs moyens de prévenir l'émigration, l'expérience montre que cet effet n'est obtenu qu'à long terme.

Dans un premier temps, l'irruption de libertés donne des ailes à des hommes et des femmes longtemps entravés. Pour les peuples en quête de souveraineté, l'émigration est le corollaire de la liberté.

27.02.11, Editorial

Source : Le Monde

La communauté italienne est sans doute l'une des plus petites communautés d'origine européenne installées au Maroc aujourd'hui. Souvent on donne l'impression de connaître cette communauté mais il n'en est rien. On ne semble pas plus avancé avec le salon du livre de Casablanca dans sa 17ème édition 2011 qui vient de fermer ses portes, salon où l'Italie était invitée d'honneur. L'Italien attire les étudiants marocains qui sont aujourd'hui 5000 dans tout le territoire marocain soit le nombre d'étudiants d'espagnol du seul institut Cervantès de Casablanca. Mais n'oublions pas que sur le territoire de l'Italie, qui fête cette année le 150ème anniversaire de sa réunification, il y a 430 mille Marocains dont beaucoup doivent user de l'italien comme première langue étrangère.

Depuis la première ambassade italienne au Maroc en 1875 auprès du sultan Moulay Hassan 1er, racontée par l'écrivain italien Edmondo de Amicis dans son livre fondateur de la littérature de voyage, « Maroc », les Italiens étaient toujours présents sur le sol marocain. Mais les Italiens étaient présents bien avant à travers les marchands génois. N'oublions pas que le Sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah avait fait appel à des maçons génois pour construire des scalas.

Pour les temps contemporains et aux meilleurs moments de leur présence massive au Maroc, les Italiens étaient cinquante mille personnes rien qu'à Casablanca en 1930, ce qui constituait une population très importante pour l'époque, démographiquement parlant. Les premières vraies vagues d'immigrations italiennes vers le Maroc avaient commencé au début du vingtième siècle sous la poussée de la pauvreté et la famine au sud de l'Europe suite à la guerre et aux catastrophes naturelles dont la sécheresse. Pour le sud de l'Italie, c'est en partie à la suite de la destruction des champs de vigne par l'invasion du phylloxéra.

Les Siciliens, ouvriers, travailleurs agricoles, arrivent d'abord en Tunisie avant de commencer à immigrer ailleurs vers l'Amérique et au Maroc quand le travail en Tunisie vint à manquer. Ce mouvement migratoire semble aujourd'hui oublié et n'est presque jamais évoqué face à l'immigration dramatique de l'Afrique vers l'Europe et l'Italie en particulier phénomène qui avait connu une courbe ascendante depuis le début des années 90 du siècle passé. La mémoire humaine est souvent très courte.

Aujourd'hui cette communauté italienne n'est représentée au Maroc que par un millier d'individus dont 50% d'origine marocaine. Où sont passés les autres ? Les uns seraient retournés en Italie après la deuxième guerre mondiale, retour au bled, beaucoup aussi ont choisi de se faire naturaliser français et de partir en France pour échapper à la discrimination et la vive intolérance française, souvent jugée arbitraire, exacerbée contre les Italiens à cause de la guerre et la période fasciste.

Et puis il y a ceux, une minorité, qui avaient décidé de rester au Maroc et même de garder leur nationalité italienne contre vents et marées. Ils disent se sentir toujours italiens sans vraiment parler italien (on préserve surtout les langues locales le sicilien et le calabrais parlés en famille), sans avoir aucune attache avec Rome qui ne sait même pas qu'ils existent (comme le dit Giuseppe Giglio) et bien que leurs propres enfants aient choisi de devenir français et de partir vivre en France pour quitter une identité minoritaire victime d'ostracisme.

Toutes ces données et d'autres encore se trouvent dans le livre « Eclats de mémoire, les Italiens au Maroc », écrit par la libano-italienne née au Maroc, Roberta Yasmine Catalano et réalisé par une maison d'édition Senso Unico dirigée par l’Italienne Eleana Marchesani, installée, elle-même depuis une vingtaine d'années à Mohammedia.

Edité en même temps au Maroc et en Italie respectivement en français et en italien, ce livre donne la parole à cette minorité de ressortissants italiens pour la première fois. Jusque-là cette minorité qui avait bénéficié de l'hospitalité marocaine et dont beaucoup ont connu la prospérité, n'avait pas voix au chapitre.

Dans le livre, les propos recueillis ne constituent qu'une partie de l'ensemble. Cette partie semble cependant être la plus capitale. Dans d'autres chapitres on a droit à d'autres développements comme l'histoire de la fabrique d'armes de Fès, usine qui n'a jamais réellement fonctionné et qui fut juste un emblème de velléités coloniales italiennes face au rival français, la description ahurissante des camps de concentration réservés par les autorités du Protectorat français aux Italiens pendant la deuxième guerre mondiale.

Tous les civils italiens vivant au Maroc avaient été envoyés dans des camps. Des chapitres sont consacrés aux carnets de voyages pleins d'exotisme et de stéréotypes laissés par des intellectuels, journalistes, voyageurs et écrivains italiens ayant visité le Maroc au XIXè et la première moitié du XXè siècle.

Les témoignages des « survivants » de la communauté italienne constituent donc, à ne pas douter, la partie la plus intéressante de l'ouvrage. La plus vivante. A chaque témoignage il y a le même retour en arrière mais chaque fois avec une touche différente selon les itinéraires. Ce faisant on a droit à la description des vicissitudes d'une communauté laborieuse qui avait vécu dans un isolement particulier, du moins pour les pauvres ouvriers, artisans, ayant connu des difficultés, enduré un genre de délit de faciès avant la lettre de la part des Français, subi des drames indélébiles surtout les camps de concentration créés par le protectorat contre une communauté de civiles d'italiens (tout homme âgé de plus de dix-huit ans) juste parce la France était en guerre contre l'Italie, des camps de travaux forcés dans la région de Casablanca et ailleurs à Machraa Benabbou, Boujniba, Tindouf, Sidi Boudnib au sud, Erfoud, Sidi al-Ayachi près d'Azemmour, Khenifra etc. Ces douloureux moments de la guerre reviennent souvent dans des témoignages soit des victimes ou de membres de leur famille (conjoints, enfants).

La qualité de ce livre c'est peut-être d'offrir des témoignages de première main révélés pour la première fois. Et pour cause puisque les témoins jusque-là n'avaient jamais eu personne pour les écouter. Les rescapés âgés de plus de 80 ans, habitant Casablanca ou Mohammedia, faisaient souvent partie de la mosaïque européenne (Espagnols, Portugais, Italiens, Français) qui peuplait le quartier mythique du Maarif à Casablanca, un quartier de petites maisons que des prolétaires italiens avaient construit eux-mêmes avec soin dans une architecture spécifique de manière à pouvoir se souvenir de leur Sicile. Ils expriment souvent avec intensité l'amertume d'une communauté oubliée par leur propre pays à tel point que cela peut aller dans des témoignages jusqu'à nourrir une certaine nostalgie du fascisme mussolinien sur fond de nationalisme.

Mais à côté des ouvriers, artisans italiens du menu peuple, il y avait eu aussi dans cette même communauté les hommes d'affaires, l'industrie automobile Fiat, les entrepreneurs, promoteurs immobiliers, agriculteurs, commerçants, propriétaires de restaurants, de salles de cinéma. Il y a eu surtout des architectes qui ont vraiment marqué la scène architecturale au Maroc comme Rafael Moretti ou encore Domenico Basciani qui avait construit notamment des monuments architecturaux inoubliables comme les cinémas Lynx en 1951, Rif en 1958, l'Atlas en 1960, le Luxe en 1968 et le Colisée en 1969 etc.

Cette communauté dans sa majorité avait connu des débuts difficiles à côté des Portugais et des Espagnols. Avant de prospérer ils avaient habité les tout premiers bidonvilles pour citer le cas de Casablanca. Giulio Alcamo 88 ans, vivant à Mohammedia au moment où le témoignage est recueilli, se souvient :

« De Rabat mes parents sont venus à Casablanca où mon père a été embauché dans une usine boulevard de la Gare (Bd Mohammed V). Là-bas il y avait des baraques où habitaient des Espagnols, des Portugais. Nous étions les seuls italiens. Nous vivions dans l'une des baraques avec six frères et deux sœurs »

Cette communauté allait vivre par la suite dans la médina de Casablanca au fameux Derb Taliane, ensuite dans le quartier du boulevard Bordeaux et Place Verdun et plus tard dans le quartier Maarif ou les Roches Noires.

Autre témoignage de Michel Friscia, coiffeur italien dont les grands parents quittent la Sicile en 1903 pour s'installer en Tunisie avant de venir au Maroc. Le transport en commun par calèche était une profession détenue en particulier par les Italiens. Pendant la guerre alors que son père avait été envoyé en camp de concentration, sa mère avait du mal à nourrir les chevaux par manque de fourrages. Dans son témoignage, il raconte ce « douloureux souvenir » comment sa mère le chargeait de se débarrasser des chevaux affamés emmenés du quartier Bourgogne à Casablanca vers la région d'El Hank au-delà du cimetière chrétien pour les abandonner dans un terrain vague.

26/2/2011, Saïd AFOULOUS

Source : L’Opinion

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