Ca se bouscule fort dans le petit amphithéâtre de l'université Panthéon-Sorbonne, à Paris. Pour venir en aide aux diplômés étrangers qui se retrouvent sans titre de séjour suite à la circulaire de Claude Guéant, le collectif du 31 mai organisait ce mardi une soirée de parrainage. Du beau monde avait répondu présent, avec des intellectuels tels que l'historien Pierre Rosanvallon ou le mathématicien Michel Broué, et des célébrités comme la réalisatrice Tonie Marshall. De quoi attirer les journalistes, venus en masse.
«Claude Guéant est très drôle», ironise l'économiste Olivier Pastré, soulignant que la France est aujourd'hui la risée des nombreux pays cherchant à attirer les étudiants étrangers, tels le Canada et la Chine. Il donne ensuite la parole à son filleul Zhenghao Chen, un cadre chinois de 33 ans qui a reçu en décembre une lettre de refus de renouvellement de son droit de travail, rompant ainsi le contrat qu'il avait avec une boîte de communication et marketing.
La cérémonie est bien orchestrée. Les duos prennent le micro les uns à la suite des autres. Les personnalités invitées rappellent «le non-sens» de cette circulaire alors que les jeunes diplômés dépeignent leur situation.
«Ce parainage a une signification très importante car cela me permet de savoir que je ne suis pas seul», explique en aparté Zhenghao Chen. Alors qu'il avait «un bon boulot à Pékin», il est venu en France il y cinq ans pour «sa culture et ses valeurs». Avec la circulaire est venue la désillusion. Mais «aujourd'hui, ce parrainage me redonne confiance pour le futur», nuance-t-il.
«Le parrainage, c'est empirique»
Pour la plupart de ces jeunes, les entreprises au sein desquelles ils étaient embauchés ont déjà lancé des recours hiérarchiques pour que leur soit rendu le droit de travailler en France. C'est le cas de Karim El Amile, un Marocain consultant en sécurité informatique. L'application de la circulaire l'a obligé à refuser le CDI que lui proposait son employeur.
Ce mardi, il reçoit le parrainage de Tonie Marchall. La cinéaste faisait déjà partie des quelque 25 000 signataires de la pétition lancée par le collectif du 31 mai pour réclamer le retrait de la circulaire. Pour la réalisatrice de Venus Beauté, parainner l'un de ces jeunes, c'est prendre part aux «travaux pratiques» qui prolongent l'acte intellectuel. «Le parrainage, c'est empirique. On échange des numéros et puis on voit ce que l'on peut faire face à toutes ces tracasseries», confie-t-elle, convaincue que «plus on est nombreux, plus ça marche.»
Le problème est que ces jeunes ne sont plus des étudiants. Sans le droit de travailler, ils encourent le risque de se voir un jour expulser de France. Kenza (le prénom a été changé par souci d'anonymat) en est bien consciente. «Partout on entend parler d'obligation de retour au pays. Avant, il n'y avait pas de problème, mais depuis la circulaire, il n'y a que des refus autour de moi», raconte cette jeune Marocaine de 25 ans. Diplômée d'un master 2 en audiovisuel, elle a dû rompre son CDD en novembre quand elle s'est vu refuser son titre de séjour.
En plus de signifier une menace juridique, cette lettre a été pour elle un coup dur : «Je suis depuis huit ans en France. C'est mon deuxième pays. J'ai toujours été intégrée. Et aujourd'hui on nous dit qu'on ne veut pas de nous. Ce que je ressens, ce n'est pas de la colère ou de l'amertume, mais beaucoup de tristesse.» Elle est venue assister à la soirée pour se renseigner sur les parrainages, espérant pouvoir en profiter par la suite. Le collectif du 31 mai évoque déjà la possibilité d'une deuxième séance.
10/1/2012, MARION GARREAU
Source : Libération